vendredi 29 mai 2009

Tarnac : les avocats des prévenus réclament un non-lieu


paru sur Le Monde le 29 mai 09 par Luc Vinogradoff


Après plus de six mois de détention, Julien Coupat est sorti de prison, jeudi 28 mai. Présenté comme le cerveau d'un groupe soupçonné de sabotages de lignes de trains à grande vitesse (TGV) fin 2008, il a quitté la maison d'arrêt de la Santé, mais l'affaire n'est pas terminée pour autant. Le jeune homme de 34 ans reste mis en examen notamment pour "destruction en réunion et direction d'une association de malfaiteurs", le tout "en relation avec une entreprise terroriste", des crimes passibles des assises.
Cette libération a suscité de nombreuses réactions : l'opposition dénonçant un "fiasco" etArnaud Montebourg (PS) allant jusqu'àréclamer la démission de la ministre de l'intérieur, Michèle Alliot-Marie, pour avoir "fait monter une sauce politicienne au goût infect". Vendredi, le procureur de la République de ParisJean-Claude Marin, a lui tenu à préciser que la remise en liberté d'une personne "au cours de l'information judiciaire ne saurait être interprétée comme le signe de l'absence ou l'insuffisance de charges contre elle".
Les avocats des mis en examen, eux, n'ont pas désarmé. Me Irène Terrel, avocate de M. Coupat, réclame l'"abandon de toutes les poursuites" et envisage de faire appel du placement sous contrôle judiciaire de M. Coupat. Ce dernier a été libéré contre une caution de 16 000 euros, et est obligé de se rendre une fois par semaine au commissariat de Montreuil, de demeurer en Ile-de-France et a dû remettre ses papiers d'identité et son passeport. Il lui est également interdit de rencontrer les huit autres prévenus dans ce dossier.

"QU'EST-CE QUE M. FILLON CONNAÎT DE CE PROCÈS ?"

Me William Bourdon, l'avocat d'une des mises en examen, Yldune Levy, promet qu'après consultations avec ses collègues, les avocats de la défense "se mobiliseront pour obtenir du magistrat instructeur la seule décision qui s'impose, à savoir un non-lieu". "Tout démontre dans ce dossier que cette affaire est le fruit d'une grande manipulation politique", maintient Me Bourdon, citant pêle-mêle "la scénarisation des interpellations, la mobilisation de moyens exceptionnels, l'acharnement des policiers à tracer des élements de preuves imaginaires" ou encore "la scénarisation, en forme de communiqué du parquet, de la libération de Julien Coupat".

Si l'on doutait encore de la dimension politique de cette affaire, note Me Bourdon, il suffit selon lui d'écouter le premier ministre, François Fillon, expliquer, vendredi matin sur Europe 1, que la"procédure a été respectée""La justice estime désormais que l'enquête a suffisamment avancé pour qu'il soit libéré. Il y aura un procès, on saura à ce moment-là la vérité", a notamment dit M. Fillon, des propos qui mettent l'avocat hors de lui. "C'est sidérant ! M. Fillon sait avant tout le monde que le magistrat instructeur va renvoyer certains des mis en examen devant le tribunal. Qu'est-ce que M. Fillon connaît de ce procès pour se prononcer de cette façon ?", lance-t-il, qualifiant les propos de "tentative maladroite pour justifier a posteriori une détention provisoire absolument scandaleuse". A l'heure actuelle, aucune date n'est fixée pour un quelconque procès et le magistrat instructeur doit encore statuer sur le sort des cinq mis en examen.

En attendant, le comité de soutien aux mis en examen promet également de "déplacer l'affrontement du plan judiciaire au plan politique""Avec la libération de Julien tout continue (...) L'enjeu, outre que cette affaire cesse une bonne fois pour toute, c'est de mettre à mal, pour longtemps, les mesures antiterroristes", peut-on lire dans un communiqué. "Donc il n'est pas question de s'arrêter là."

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