jeudi 30 avril 2009

Agamben sur Tiqqun



Paru le 30 avril sur Le Jura libertaire






Le philosophe Giorgio Agamben présente Contributions à la guerre en cours de Tiqqun, aux Éditions La Fabrique, un livre qui rassemble trois textes écrits il y a près de dix ans : «Introduction à la guerre civile», «Une métaphysique critique pourraît naître comme science des dispositifs» et «Comment faire ?»





Le petit Cirque Fragnoli cherche des figurants...




29 Avril 2009
Par Benjamin épicier-ter...

Hier, nouvel épisode dans "l'affaire de Tarnac".

Nous sommes en plein Belleville, il est trois heures de l'après midi, le temps est incertain mais le soleil pointe. Nous sommes à bord d'une auto, nous rentrons à la maison après une course sans importance. A l'angle de la rue Jourdain et de l'avenue des Pyrénées, une voiture pile devant nous, une bande de types patibulaires surgit de tous les côtés, armes au poing. La fenêtre est ouverte et je vois un gros calibre s'approcher tout contre mon visage, je crois à une sorte de car-jacking sur-armé.

"les mains sur le tableau de bord", "on ne bouge plus... "sors de là", "les mains sur la voiture"... palpations, menottes, la conductrice est enmenée aussi sec dans le véhicule de devant, un des sales types armés prend le volant de la voiture et part avec. On enlève les menottes du passager: "toi tu peux y aller c'est après elle qu'on en a, et ne viens pas nous faire chier chez elle". Je reste seul sur le trottoir, ayant juste eu le temps de reconnaître un des enquêteurs de la section anti-terroriste, que j'avais déjà eu le plaisir de rencontrer. "j'ai cru que des gens vous faisaient une blague", me dit une dame effarée. "Elle a fait quoi la fille, elle a tué quelqu'un?" me dit un jeune qui s'approche de moi.

Un peu plus tard reprenant mes esprits après cette scène de "deux flics a miami", je vois passer cette dépêche AFP:


"Une interpellation dans l’enquête sur les dégradations contre les lignes TGV

Une femme de 36 ans a été interpellée mardi après-midi à Paris dans le cadre de l’enquête sur les dégradations commises contre la SNCF dans laquelle neuf personnes sont mises en examen et une, Julien Coupat, encore incarcérée, a-t-on appris mardi de source policière..."

...le tout sur réquisition du juge antiterroriste Thierry Fragnoli.




La personne interpellée, est une participante active et très visible du comité de soutien parisien aux "inculpés du 11 novembre", elle est connue de tous et n'a jamais été inquiétée jusque là dans l'instruction guignolesque entamée depuis le 15 novembre.

On pense à chaque fois que le comble du ridicule a été atteint et puis non, nouvelle pirouette, nouvelle arrestation grand spectacle (elles sont tellement courantes désormais dans les quartiers nord de Paris...), pour rien, sinon un coup de pression et un peu de poudre aux yeux. Le ridicule ne tue pas c'est vrai, mais monsieur Fragnoli qui s'est engouffré dans la supercherie qu'on lui offrait, semble prêt à en repousser encore les limites, au risque de rejoindre le banc déjà bien chargé de ceux qui seront bientôt offerts à la risée publique.





mercredi 29 avril 2009

Gattegno, scribouillard d’amour, journaliste de mon cœur, quel beau métier que le tien !





PARU LE 29 AVRIL 2009 sur ARTICLE XI

PAR JBB


Ce n’est pas nouveau : Le Point est à l’investigation journalistique ce que Bernard Madoff est à la finance… Et quand le magazine dépêche l’un de ses plus fins limiers - le très respecté et respectable Hervé Gattegno - sur la piste de Julien Coupat, les révélations tombent comme des obus à Verdun. Un très bel exemple de ce que le journalisme peut produire de plus infâme.


Je ne sais pas…

Je me tâte…

Est-ce que : oui ?

Est-ce que : non ?

Est-ce que je vais l’acheter ?

Est-ce que je vais conserver mes précieuses piécettes pour acquérir une lecture plus consistante [1] ?

Sérieux : quel dilemme !


Aussi : ce n’est pas ma faute.

Tant Le Point s’y entend comme personne pour proposer des informations crédibles et faire monter le suspens, journalisme de qualité sans parti-pris sinon celui de l’enquête - profonde, très profonde… - et d’un labeur acharné pour faire éclore la vérité.

Un travail remarquable conjugué à un sens certain du commerce : faire et faire savoir, c’est ainsi que la presse surmontera la crise qui la frappe depuis dix ans.

Et il faudrait être le dernier des ânes bâtés pour reprocher au Point d’accoler souvent le surtitre "Révélation exclusive" au corps d’un article se contentant de reprendre pour argent comptant les informations refilées, au téléphone et sur le ton de la confidence, par un agent de la DCRI sans envergure et sans doute tout surpris de voir qu’il est encore des gens pour gober son boniment à deux francs six sous et cinq centimes d’euros.

En clair : je ne mange pas de ce pain-là.

Et qu’on ne compte pas sur moi pour critiquer l’effroyable manque de fond de ce que le magazine appelle des « Nouveaux indices compromettants pour Julien Coupat », copié-collé à la va-comme-je-te-pousse de fausses informations, d’insinuations scandaleuses et d’approximations bidons [2].

Pour rigoler de sa façon ridicule de faire monter le sauce, l’article indigne se terminant sur ces mots aguicheurs : « Dans l’édition du Point à paraître jeudi en kiosque, vous découvrirez d’autres révélations sur les militants alternatifs de Tarnac » ; mazette, quel suspens !

Non plus que pour déplorer que l’auteur de l’article, Hervé Gattegno, ne soit pas encore condamné pour trahison journalistique et vivante injure à la déontologie.



C’est que le bonhomme peut se vanter d’un joli palmarès.

Lui qui a su, quand il écrivait encore au Monde, s’en prendre gaillardement au travail de Denis Robert, démolissant ce confrère qui s’acquittait seul du boulot qu’aurait dû abattre une corporation [3].

Qui s’est retrouvé au cœur d’une trouble affaire, soupçonné d’avoir écrit un article de complaisance dans Le Monde, vibrant hommage à un marchand d’armes libanais (Iskander Safa, objet d’un mandat d’arrêt international pour blanchiment) qui se trouvait être aussi - quelle surprise, on se demande bien où la déontologie peut aller se nicher… - celui qui avait intégralement payé le voyage d’une semaine au Liban de ce reporter intrépide [4].

Et qui depuis qu’il est passé du Monde au Point - transfert qui aurait été facilité par son amitié avec l’incroyable Marc Francelet, magouilleur de première, très trouble homme d’affaire et journaliste dévoyé - , a fait avec constance œuvre de salubrité médiatique, contribuant notamment à créer de toutes pièces ce danger prétendument représenté par « la mouvance anarcho-autonome d’ultra-gauche ».

Bref : Hervé Gattegno est un homme d’honneur, professionnel respectable qui ne fait pas carrière grâce à ses réseaux, n’insulte pas la déontologie et ne se contente pas de reprendre les informations aimablement distillées par les cercles du pouvoir et du renseignement.

On peut… non… on DOIT lui faire confiance.

Et il faudrait être un fieffé saligaud pour soupçonner le bonhomme de torcher ses articles en quelques minutes, sur le coin d’une table, sans se soucier de se ridiculiser en continuant envers vents et marées à fabuler sur les "neufs de Tarnac" quand même ses confrères les plus timorés crient désormais au scandale judiciaire et à la construction policière [5].

Je ne m’y risquerai pas.

Et me contenterai de louer l’excellence du Point et de ses journalistes d’élite.

Jusqu’à m’écrier, avec autant de passion que de respect : Hervé Gattegno, scribouillard d’amour, journaliste de mon cœur, quel beau métier que le tien !




Notes

[1] Par exemple, mais je dis ça au hasard, Contributions à la guerre en cours, écrits de Tiqqun que l’excellente maison d’édition La Fabrique vient de rééditer

[2] Sur le fond, voir ce billet de CSP..

[3] On se fiera ici à la plume d’un Denis Robert évoquant ce « journaliste du Monde qui faisait beaucoup d’efforts pour dénigrer mon enquête sur la multinationale. Il se prénommait Hervé et écrivait avec constance des articles assassins sur moi dans son journal. Ses papiers servent beaucoup à l’avocat de la multinationale pour bâtir ses plaintes ».

[4] Interrogé par la police à propos de déontologie, Hervé Gattegno a eu des réponses pleines de verve et de sel - entre autres, l’inoubliable « Le fait que M. Safa ait pris l’initiative de m’adresser un billet d’avion n’a aucunement porté atteinte à mon indépendance de journaliste » - dont on lira un très bon résumé dans cet article de Bakchich.

[5] Davantage que Le Monde qui s’est depuis le début honorablement comporté sur l’affaire Coupat, on pense ici à Libération, lequel a d’abord hurlé avec les loups avant de tourner casaque récemment.





lundi 27 avril 2009

Apéro débat "L’ennemi intérieur"









Le 28 avril 2009
Magasin général de Tarnac
Apéro débat "L’ennemi intérieur"
à 19h00








Le comité de soutien des inculpés de Tarnac vous invite à un Apéro Débat le mardi 28 avril à 19h, au Magasin général de Tarnac sur le thème de L’ennemi Intérieur - De la bataille d’Alger à l’opération Taiga : penser, désigner, détruire – en présence de Mathieu Rigouste, socio-historien.
Source: www.soutien11novembre.org




EXTRAITS DE :

L'ennemi intérieur
La généalogie coloniale et militaire de l’ordre sécuritaire dans la France contemporaine
(éditions la découverte)




La France des années 2000, comme de nombreux pays, a vu se confirmer un modèle de contrôle censé protéger la population contre la prolifération, en son sein, de « nouvelles menaces » : islamisme, terrorisme, immigration clandestine, incivilités, violences urbaines… Et pour justifier cet arsenal sécuritaire, un principe s’est imposé : désigner l’« ennemi intérieur ». Cette notion évoque la guerre froide, quand cet ennemi était le communisme. Et surtout les guerres coloniales d’Indochine et d’Algérie, quand l’armée française a conçu la « doctrine de la guerre révolutionnaire », afin d’éradiquer au prix des pires méthodes la « gangrène subversive pourrissant le corps national ».
Si cette doctrine a été évacuée officiellement depuis lors par l’État, certains de ses éléments clés auraient-ils contribué à façonner cette grille de lecture sécuritaire qui présente les populations immigrées issues de la colonisation comme les vecteurs intérieurs d’une menace globale ? C’est ce que montre Mathieu Rigouste dans ce livre rigoureusement documenté, en s’appuyant notamment sur un corpus d’archives conservées à l’École militaire.
Retraçant l’évolution des représentations de l’ennemi intérieur dans la pensée d’État depuis les années 1960, il explique comment, des territoires colonisés d’hier aux quartiers populaires d’aujourd’hui, la Ve République a régénéré un modèle d’encadrement fondé sur la désignation d’un bouc émissaire socio-ethnique. À travers l’étude minutieuse des étapes de la lutte antimigratoire et de la structuration de l’antiterrorisme, il révèle l’effrayante évolution du contrôle intérieur, de ses dimensions médiatiques et économiques, ainsi que la fonction de l’idéologie identitaire dans la mise en œuvre du nouvel ordre sécuritaire.

VOIR AUSSI:
• Une interview(18 mars 2009) de l'auteur sur BARRICATA - BARRICATA


dimanche 26 avril 2009

Pourquoi l'affaire Coupat nous concerne tous


Par Edwy Plenel

Paru le 25 avril sur www.mediapart.fr



Cette analyse fait suite aux nombreux articles de Mediapart sur l'affaire de Tarnac, sous les signatures de Jade Lindgaard, David Dufresne, Erich Inciyan, Fabrice Arfi et Fabrice Lhomme. Parmi les premiers, ils ont mis en évidence la disproportion entre la version officielle et la réalité de l'enquête. Or, malgré cette démonstration, aujourd'hui partagée par d'autres journaux et médias, les grands partis d'opposition et les grandes consciences intellectuelles ne se sont jusqu'ici guère émus ou exprimés. Comme si le radicalisme supposé des neuf de Tarnac les incitait à la prudence ou les invitait à la distance. C'est à ces silencieux et à ces timorés que s'adresse en priorité cette réflexion autour d'une affaire qui me semble un révélateur des vrais dangers qui nous menacent. Dans l'espoir qu'ils se réveillent et s'engagent







mercredi 22 avril 2009

Le coup de Tarnac / La contre-enquête







Le Mot de l'éditeur :
"Le coup de Tarnac"

Dans le langage courant un « coup de Jarnac » est un coup porté en traître. Au-delà du rapprochement phonétique, « l’affaire de Tarnac » exprime le malaise que l’on éprouve face à une situation déloyale. Le 11 novembre 2008, la police arrête dans un petit village de Corrèze des individus soupçonnés du sabotage des lignes TGV deux jours plus tôt. Ils sont jetés en prison sous l’incrimination de terrorisme. Des preuves ? Aucune. Des présomptions ? Elles sont fragiles pour l’instant. À l’évidence, l’enquête de police a été ficelée à la va-vite.
Notre contre-enquête jette un doute sur les charges qui pèsent contre les prévenus : des photos manipulées, une revendication en Allemagne ignorée, des enregistrements officiels volatilisés… L’affaire de Tarnac n’est pas un banal fait-divers. Elle symbolise les dérives autoritaires et sécuritaires d’un pouvoir aux abois face à la montée de la contestation et à l’aggravation de la crise économique. La pénalisation des luttes sociales, la criminalisation des mouvements collectifs ne peuvent que conduire à la radicalisation de tous les combats contre l’injustice. Jusqu’à l’insurrection ?



L’auteur :
Marcel Gay, journaliste à L’Est Républicain, chargé notamment de la rubrique judiciaire, il est l’auteur de L’Affaire Jeanne d’Arc, édité chez Florent Massot.


Interview de M.Gay sur France3 Limousin-Poitou-Charentes :





dimanche 19 avril 2009

Comment MAM a bidonné le scoop de Tarnac

paru sur www.charliehebdo.fr






Nouvelles révélations sur les présumés terroristes de la ferme de Tarnac.
Charlie a décortiqué l’intégralité de ce volumineux dossier pénal. 4 000 pages, 910 actes de procédure. De nombreux points, inédits à ce jour, montrent la chronologie des manœuvres policières. Au cours de notre enquête, un agent du FBI interviewé remet en cause le point de départ de la procédure française.




En réalité, trois ans avant son interpellation, le 11 novembre 2008, les services de sécurité français suivaient déjà Julien Coupat. Une fiche des Renseignements généraux du 28 octobre 2005, dont nous avons trouvé la trace, demande à son sujet «une mise sous surveillance immédiate» en stipulant «individu proche de la mouvance anarcho-autonome». Julien Coupat a pris goût à la castagne lors des grandes manifestations antiglobalisation. L’administration l’a dans le collimateur.
Les services de renseignement financier de Tracfin se penchent même sur sa petite communauté d’amis, établie au village de Tarnac, son épicerie, sa ferme. Dans un rapport du 10 novembre 2005, Philippe Defins, l’un des chefs de Tracfin, les soupçonne de se livrer au «blanchiment du produit d’activités délictueuses». Une première paranoïa vite dissipée. Les parents de Julien Coupat s’avèrent à l’origine des mouvements financiers dont profitent ces jeunes fermiers. Gérard et Jocelyne Coupat, deux cadres supérieurs du groupe pharmaceutique Sanofi-Synthelabo, ne rechignent pas à aider leur intello de fils unique, adepte d’une vie communautaire loin des quartiers bobos. Le dispositif sécuritaire autour du jeune Coupat se relâche, pour peu de temps. Après l’arrivée de Michèle Alliot-Marie au ministère de l’Intérieur, au printemps 2007, on considère que l’ultragauche basculera sous peu dans le terrorisme. Une construction sécuritaire lourde de conséquences…


Guillaume Dasquié

Suite dans le numéro 878...ou juste en dessous ;)






mardi 14 avril 2009

Alain Bauer: "Nicolas Sarkozy est mon ami. Pas mon patron"

paru sur www.lepost.fr


Je connais Alain Bauer, depuis plus de 20 ans.

Entouré d'un halo de mystère, tant en raison de son influence que de ses activités en matière de sécurité, Bauer suscite au moins autant de fantasmes que d'inquiétudes.

Les craintes qu'il inspire sont-elles fondées ?

À vous de vous forger votre opinion, en lisant ses réponses, plutôt directes, à propos des principales critiques qui lui ont été faites, ces derniers temps...

Détention de Julien Coupat, "Comité invisible", MAM, Sarkozy, CNAM... Le patron de l'Observatoire national de la délinquance face aux polémiques.



Question : Tu es mis en cause, sur pas mal de sites internet (par exemple ici, par Serge
Quadruppani, sur Rue89
ou bien là, par Jérôme Leroy, sur Causeur.fr ). T'es reprochée, notamment, l'arrestation de Julien Coupat et de ses amis. Es-tu responsable de ces interpellations ?



Alain Bauer : "Depuis plusieurs semaines je lis, en effet, avec amusement ou consternation, des articles ou des commentaires, sur mon rôle supposé dans l'interpellation de Monsieur Coupat et de ses amis. J'assume la responsabilité d'avoir lu un livre - L'insurrection qui vient - que certains ont la responsabilité d'avoir écrit et d'autres d'avoir publié. Ni plus ni moins."



Question : Justement, as-tu signalé, voire transmis, ce livre du Comité invisible, L'insurrection qui vient, aux autorités ?

AB : "La lecture de L'insurrection qui vient, signé par le Comité invisible, m'a parue d'un très grand intérêt. J'ai signalé et offert cet ouvrage à de nombreux journalistes et à un responsable policier, en soulignant son importance et sa qualité."


Question : As tu ensuite évoqué le sujet avec la ministre de l'Intérieur ? Je veux dire avant l'interpellation de Julien Coupat et ses amis ?

AB : "Je n'ai jamais eu, avant leur interpellation en tout cas, l'occasion d'en discuter avec Michèle Alliot Marie ou quelque autre responsable policier. J'ai d'ailleurs appris à la lecture des journaux que leur surveillance aurait débuté bien avant la parution du livre en question. Et donc ma "distribution" de cet ouvrage."


Question : D'après toi, sont-ils les auteurs du livre ?

AB : "À ce jour, nul ne sait véritablement qui a écrit cet ouvrage. Je n'en sais rien non plus. J'ai appris l'existence de Monsieur Coupat, présumé innocent, après son interpellation."


Question : Que penses-tu de l'audition, comme témoin, par les enquêteurs de la sous-direction antiterroriste (SDAT), d'Éric Hazan, le patron de la maison d'édition - La Fabrique - qui a publié le livre ? N'est-elle pas plus que préoccupante en termes de libertés publiques ?

AB : "Elle est surtout inutile. Comme l'était celle des responsables de Rue89, après la mise en ligne d'un "off", précédant un entretien télévisé du Président de la République, sur France 3. La législation fixe un cadre, souvent contesté d'ailleurs, à la diffamation, la propagation de fausses nouvelles, l'appel au racisme... Notre pays légifère beaucoup sur ces questions ; souvent trop. Je suis plutôt du côté du principe défendu par Voltaire : "Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrais pour que vous puissiez le dire". Ceci exprimé, je ne pense pas que la France soit prête à une culture du 1er amendement américain, permettant une liberté d'expression totale (apologie du nazisme, du racisme, de l'antisémitisme...)."


Question : Pourquoi la parution du livre signé du Comité invisible t'avait-elle semblée si importante ?

AB : "Parce que la lecture de L'insurrection qui vient, en complément d'autres ouvrages d'une qualité moindre (Introduction à la guerre civile), rappelle les prémisses d'une période marquée par l'apparition des ancêtres ou des préfigurations d'Action Directe ou des premières Brigades Rouges, qui ne s'en prenaient pas aux personnes mais aux institutions de l'État et de l'économie."


Question : Tu sembles donc sous-entendre qu'il faudrait craindre un passage à la lutte armée !? Tu ne crains pas de contribuer à rendre le climat encore plus sécuritaire ?

AB : "Je pense que le sujet mérite d'être exploré a l'aune, par exemple, de l'aventure du grand éditeur italien Giangiacomo Feltrinelli, mort avec sa bombe devant un pylône de ligne à haute tension, en Italie, au début des années 70. Le drame de la quasi disparition de la gauche de gouvernement comme alternative crédible ouvre un espace. Heureusement l'option Besancenot en limite le champ. Comme semble l'avoir compris Jean-Marc Rouillan."


Question : On te reproche fréquemment de mélanger les genres. D'être à la fois un criminologue et un indicateur de police de haut vol ; mais aussi un conseiller du "Prince" (Nicolas Sarkozy), très influent...?

AB : "Je suis criminologue. Les criminologues ne sont ni des policiers, ni des magistrats, encore moins des indicateurs. Leur rôle n'est ni d'interpeller, ni de juger des criminels ou présumés criminels. Ils sont là pour les comprendre, analyser ce qui change, évolue, mute. Le "Prince", sous toutes ses formes, reçoit intellectuels, journalistes et autres personnalités régulièrement pour avoir une idée de ce qui se passe hors du filtre de la pensée unique du système qui le "protège". Je n'ai rejoint politiquement sur des idées qu'un seul homme : Michel Rocard. J'ai eu l'occasion de dialoguer au Ministère de l'intérieur avec Gaston Defferre, Pierre Joxe, Paul Quilès, Charles Pasqua, Jean Louis Debré, Jean-Pierre Chevènement, François Baroin, Dominique de Villepin, Daniel Vaillant et Michèle Alliot-Marie, sur de nombreux sujets portant sur la police ou la criminalité. Il est vrai que la qualité du dialogue avec Nicolas Sarkozy a permis un travail plus approfondi, notamment sur la mise en place des enquêtes de victimation permetttant de compléter et d'éclairer la statistique policière. Il est devenu mon ami. Pas mon patron. Et je n'ai toujours pas adhéré à l'UMP."

Question : Et les attaques concernant la partie "renseignement" de tes activités ?

AB : "Les criminologues enseignent, publient, éditent, communiquent, répondent aux sollicitations des médias. Ils ne fournissent pas de renseignements. Ils analysent des phénomènes et les rendent publics. Ce qui ne met pas à l'abri de mises en scène médiatiques contestables. Comme ce fut le cas récemment lors du journal télévisé de France 2, mélangeant allègrement Black Bloc, TGV et publications, ainsi qu'un extrait d'un entretien avec moi qui ne devait porter que sur l'arrière plan historique."


Question : Est-il vraiment normal que Julien Coupat et ses amis soient accusés de terrorisme ?

AB : "Ma position permanente vise à la modification des textes en vigueur sur la répression du terrorisme, notamment par l'adjonction dans l'article 421-1 du code pénal de la mention exclusive "en vue de porter atteinte à la vie humaine". Le dispositif existant permet de tout couvrir car il n'existe pas de définition internationalement acceptée du terrorisme. Le terroriste des uns est souvent le résistant des autres. De ce fait il y a un certain flou dans le dispositif qui a près de 25 ans et qui n'a été modifié par personne. Un peu comme pour le "délit de solidarité" ('article 622-1) du code pénal qui existe depuis 1945 et ne soulève d'émotion que depuis récemment. Il y a un travail pour le législateur et il est important que les modifications soient apportées pour clarifier les choses."


Question : La détention provisoire de Julien Coupat te semble-t-elle légitime ? Et même tout simplement légale ?

AB : "Seul le magistrat instructeur, au vu de son expérience et de la qualité du dossier, pourrait répondre à cette question. Ce qui pose problème à l'opinion est le traitement différencié des différentes personnes mises en cause dans cette affaire. La persistance des instances d'appel à maintenir la détention donne un éclairage tout particulier. Ceci posé, les règles de la détention provisoire (conserver les preuves et/ou les indices matériels, empêcher une pression sur les témoins ou les victimes, éviter une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses complices, protéger le mis en examen, mettre fin à l'infraction et éviter son renouvellement, éviter la fuite du détenu, préserver l'ordre public) ne semblent s'appliquer que partiellement au vu des pièces de l'instruction rendues publiques par les défenseurs."


Question : Tu as récemment obtenu une chaire de professeur de criminologie au CNAM (Conservatoire National des Arts et Métiers). Est-ce par pur copinage, comme l'avance Philippe Cohen sur le site de Marianne) ? As-tu vraiment la qualification requise ?

AB : "Contrairement à ce qui a été beaucoup dit, le processus de recrutement au CNAM a compté trois phases. Une délibération sur l'intérêt d'une chaire de criminologie (adoptée à une très large majorité), une délibération sur ma nomination à cette chaire par l'ensemble des professeurs titulaires du CNAM (adoptée à la majorité), une délibération du conseil d'administration sur l'ensemble du processus (adoptée à la majorité).

Ce sont mes pairs qui ont décidé de ce recrutement. Pas le gouvernement.

De plus, le CNAM a été inventé pour répondre à un problème très français, le rejet des disciplines nouvelles. Ce fut le cas avec les langues étrangères ou la science politique, avec les sciences et techniques, avec la criminologie. Tout ce que l'université traditionnelle rejette a pu trouver sa place grace à des créations, à côté du système ancien, puis par leur développement.

Au vu de mes publications, de mes enseignements à l'IEP, puis à Paris V, Paris II, Paris I, à New York ou Pékin, de mes conférences à Stanford ou Cambridge, j'ai été jugé apte par mes collègues. C'est d'ailleurs ce qui a hystérisé mes adversaires, opposants à une discipline - ce qui a stupéfié celles et ceux qui l'enseignent, un peu partout dans le monde - ou à une personne. Les enseignants du CNAM ont tranché."


Propos recueillis par guy birenbaum.

(Source:
Le Post.fr)



vendredi 10 avril 2009

DE GUANTANAMO A TARNAC, UN RENVERSEMENT DE L’ÉTAT DE DROIT

Vu sur libertesinternets.wordpress.com



Paru dans l’excellente et intelligente revue “Multitudes”, (http://multitudes.samizdat.net/) ce long texte de Jean-Claude Paye est une lecture fondamentale pour comprendre ce qui se passe. Cela rappelle les propos tenus par Karl Rove au journaliste Ron Suskind, en octobre 2004, après le blitz médiatique pour nous faire accepter la guerre en Irak et la réelection de GW Bush :

<<Vous les journalistes faites partie ce que nous appelons la communauté des gens ancrés dans la réalité (reality-based community)… vous pensez que les solutions émergent de votre analyse judicieuse de la réalité discernable.

Mais vous oubliez que nous sommes désormais un empire, et que quand nous agissons, nous créons notre propre réalité. Et pendant que vous êtes encore entrain de tenter d’analyser cette nouvelle réalité que nous avons crée, nous sommes déjà passés à une autre réalité, que nous avons également crée… et ainsi de suite. La réalité n’a plus de sens pour nous, c’est nous qui la fabriquons. L’opinion ne voit que ce que nous lui laissons voir.>>

[Jean-Claude Paye - Multitudes/Eurozine - Avril 2009]


La mise en scène de l’arrestation et de l’inculpation des ” autonomes de Tarnac ” est un phénomène qui révèle non seulement un bouleversement de l’ordre juridique, mais aussi une mutation plus profonde, celle de l’ordre symbolique de la société. Le renversement du rôle de la loi est lui-même le phénomène d’une ” père-version ” de la Loi symbolique.

Les procédures mises en place représentent un des aspects les plus significatifs de la tendance imprimée par la ” lutte contre le terrorisme “, à savoir qu’un individu est désigné comme terroriste, non pas parce qu’il a commis des actes déterminés, mais simplement parce qu’il est nommé comme tel. Cela est le point d’aboutissement d’une tendance qui se déploie depuis une dizaine d’années.

Le processus de subjectivation du droit aboutit ainsi à un renversement du rôle de la loi. Cette dernière n’est plus un cran d’arrêt à l’arbitraire, mais une forme vide consacrant la concentration des pouvoirs aux mains de l’exécutif. En l’absence d’un imaginaire organisateur, d’une conscience politique unifiée, le pouvoir a la possibilité de créer un nouveau réel, une virtualité qui ne supprime pas, mais qui supplante les faits.

La faiblesse du mouvement social, la faillite de la fonction symbolique explique l’absence de frein à la toute-puissance de l’État qui se montre en tant qu’image englobante, en tant que figure maternelle. À un ordre social névrotique qui se révèle contradictoire, se substitue une structure psychotique, un ordre qui supprime tout conflit, toute possibilité de confrontation subjective.

La distinction entre intérieur et extérieur disparaît. La fusion entre droit de la guerre et droit pénal est pleinement inscrite dans une loi américaine de 2006, qui permet au pouvoir exécutif américain de désigner comme ennemis ses propres citoyens.

L’affaire des ” autonomes ” de Tarnac s’inscrit dans cette modernité de la guerre des gouvernements contre leurs propres populations. À part quelques rituels dans l’expression verbale du pouvoir, cela n’a pas grand-chose à voir avec la vieille notion d’ennemi intérieur et la stigmatisation traditionnelle des opposants politiques. Ici, on ne s’attaque pas à une idéologie déterminée, à une forme de conscience, mais simplement au corps, à des comportements, au refus de s’abandonner à la machine de mort. Il ne s’agit donc pas de démanteler une avant-garde, mais de montrer que le refus de faire de l’argent, d’éviter les dispositifs de contrôle ou la volonté de refaire du lien social constituent une forme d’infraction, la plus grave qui existe dans notre société, un acte terroriste. Cela concerne tout un chacun et non seulement une minorité.

La mouvance ” anarcho-autonome ” de Tarnac

Le 11 novembre 2008, dans le cadre de ” l’opération Taïga “, 150 policiers ont encerclé Tarnac. Simultanément, des perquisitions étaient menées à Rouen, Paris, Limoges et Metz. L’interpellation de dix jeunes gens est avant tout un spectacle destiné à créer l’effroi. Leur arrestation serait en rapport avec des actes de sabotage de lignes de la SNCF, qui ont causé, le 8 novembre, le retard de certains TGV sur la ligne Paris-Lille. Les actes malveillants, l’arrachage de plusieurs caténaires, ont été qualifiés de terroristes, alors qu’ils n’ont, à aucun moment, menacé la vie humaine. L¹accusation, qui dit disposer de nombreux indices, notamment des écrits et la présence de cinq suspects près de lignes sabotées au moment des faits, reconnaît n¹avoir aucune élément matériel de preuve.

C’est leur profil qui justifie leur inculpation. Ils ont été arrêtés car ” ils tiennent des discours très radicaux et ont des liens avec des groupes étrangers ” et nombre d’entre eux ” participaient de façon régulière à des manifestations politiques “, par exemple : “aux cortèges contre le fichier Edvige et contre le renforcement des mesures sur l¹immigration “[1].

Selon Jean-Claude Marin, procureur de Paris, les cinq jeunes placés en détention préventive seraient le ” noyau dur d¹une cellule qui avait pour objet la lutte armée “[2]. Les quatre autres personnes arrêtées seront rapidement libérées sous condition, mais resteront suspectées de ” dégradation en réunion sur des lignes ferroviaires dans une perspective d¹action terroriste “. En l’absence d’éléments à charge, trois des cinq prisonniers seront ensuite libérés, mais resteront assignés à résidence. Quant à la maison des inculpés, elle est désignée comme un ” lieu de rassemblement, d¹endoctrinement, une base arrière pour les actions violentes “.

Le discours du pouvoir procède à un double déplacement : de simples actes de sabotage, comme il peut, par exemple, y en avoir dans un mouvement social, sont qualifiés de terroristes et ces actes sont nécessairement attribués aux jeunes de Tarnac, bien que la police reconnaisse l’absence de tout élément matériel de preuve. L’image du terrorisme érigée par le pouvoir crée un réel qui se substitue aux faits. Ceux-ci ne sont pas niés, mais toute capacité explicative leur est déniée. Les actes de sabotage ne peuvent être que le fait de personnes désignées comme terroristes. L’acte de nommer, antérieur à toute procédure d’évaluation objective, renverse celle-ci et enferme dans l’image, dans une forme vide. Cette procédure est l’aboutissement d’un processus rapide de subjectivation de l’ordre juridique.

Un processus de subjectivation du droit

Les anciennes lois antiterroristes, existant bien avant le 11-Septembre, avaient pour but de nier le caractère politique de l’acte poursuivi en criminalisant celui-ci. Pour les nouvelles législations, c’est au contraire le caractère politique qui est attribué au délit, l’intention supposée, de faire pression sur un pouvoir public ou une organisation internationale, qui donne à l’infraction son label terroriste. La décision-cadre européenne relative à l’infraction et à l’organisation terroristes, qui est actuellement intégrée par tous les États membres, est taillée de toutes pièces pour s’attaquer aux mouvements sociaux et à la contestation. C’est non seulement l’élément subjectif de l’infraction, l’intention attribuée à l’acte, qui la détermine comme terroriste, mais l’élément objectif de l’infraction désigne, comme immédiatement terroriste, le fait d’occuper un bâtiment administratif ou un moyen de transport public. Ces lois mettent en place également un délit d’appartenance qui permet de poursuivre une personne qui fait simplement partie de l’organisation incriminée. Elles introduisent ainsi, en opposition avec l’ensemble de la tradition juridique occidentale, une notion de responsabilité collective. Elles créent également un délit d’intention. On peut être poursuivi non pas en rapport avec un acte commis, mais simplement parce qu¹on aurait eu l’intention de le commettre.

La Grande-Bretagne va encore plus loin. Le Terrorism Act 2006 se pose au-delà de l’intention. Il crée un délit d’atmosphère. On est responsable des conséquences qui sont attribuées à son discours, quelle que soit l’intention qui est à la base de celui-ci. Par exemple, des paroles de soutien à une action de défense armée, n’importe où dans le monde, créent une ” atmosphère favorable au terrorisme “. L’auteur du discours est pénalement responsable des actes commis ” par un jeune homme sensible ” qui poserait une bombe dans le métro et qui déclarerait qu’il a été influencé par ces paroles. Aucun élément matériel entre l’acte commis et les mots prononcés n’est nécessaire pour établir les poursuites.

C’est leur caractère subjectif qui spécifie toutes ces législations. Elles donnent au juge le pouvoir de déterminer si un acte ou si une parole relève du terrorisme. La capacité de désigner une personne ou un groupe comme tel est aussi assurée par le pouvoir exécutif. Les listes, existant au niveau de l’Union européenne, sont un bon exemple de cette procédure. On y est inscrit, non pas parce qu’on a commis un acte ou qu’on a prononcé des paroles déterminées, mais simplement parce que l’on est nommé comme tel ou que l’on fait partie d’une organisation qui a été désignée comme terroriste par le Conseil de l’Union européenne. Cette décision échappe au pouvoir judiciaire. Elle est purement politique et relève de l’exécutif. En pratique, les recours sont inexistants. Le plus souvent, l’inscription résulte de pressions étasuniennes.

Ces listes sont un bon exemple de la tendance imprimée par les différentes réformes du droit pénal au niveau international. Elles vont toutes dans le même sens : déposséder le pouvoir judiciaire de ses prérogatives afin de les confier à l’exécutif.

Les populations comme ennemies du gouvernement

Une loi américaine de 2006, le Military Commissions Act[3], qui a une portée mondiale, est l’élément qui montre le mieux ce processus[4]. La condamnation le 6 août 2008[5], dans le cadre de cette loi, de Salim Ahmed Hamdan, ancien chauffeur présumé de Ben Laden, à cinq ans et demi de prison pour ” soutien matériel au terrorisme “, par un tribunal militaire spécial de Guantanamo, permet d’en saisir concrètement les effets, à savoir l’installation de la psychose comme organisation politique de la société.

Rappelons que l’aveu de la fonction de chauffeur de Ben Laden, l’élément de preuve qui a permis sa condamnation, lui a été arraché sous la torture. Hamdan a été condamné par une commission militaire, c’est-à-dire par un tribunal militaire spécial mis en place par le pouvoir exécutif, pour juger les personnes qu’il désigne comme ” ennemis combattants illégaux “. Les membres du jury et les avocats de la défense sont des militaires désignés par l’accusation. Le tribunal peut accepter des preuves obtenues par la torture ou par ouï-dire. L’accusé ne peut assister à l’entièreté de son procès et ne peut contester, ni vérifier la matérialité des ” preuves “.

Le statut d¹” ennemi combattant illégal ” n’est pas nécessairement attribué aux auteurs d’actes de guerre contre les États-Unis, mais simplement aux individus nommés comme tel par l’administration. Cette loi autorise l’exécutif à désigner comme ennemis ses propres citoyens ou tout ressortissant d’un pays avec lequel les USA ne sont pas en guerre. En fusionnant droit pénal et droit de la guerre, elle supprime toute distinction entre intérieur et extérieur. L’incrimination d’ennemi combattant illégal n’a rien à voir avec l’exercice de la guerre, ni d’ailleurs avec une quelconque matérialité des faits. Ainsi, du fait de sa fonction de chauffeur de Ben Laden, Hamdan aurait apporté à ce dernier une aide qui ferait de lui un complice des attentats du 11-Septembre. Cependant, Ben Laden, bien qu’il soit présenté par le pouvoir exécutif comme le commanditaire des attentats, n’est pas lui-même, par manque de preuves, poursuivi par la justice américaine pour ces faits[6].

Un renversement du rôle de la loi

L’administration a la possibilité de créer une virtualité qui s’impose à la matérialité des faits. Ayant purgé sa peine, Hamdan vient d’être libéré, et cela en opposition avec les positions précédentes de l’administration. Le gouvernement a toujours déclaré que, quel que soit le verdict, Hamdan, étant donné son caractère dangereux, devait rester emprisonné. Le fait que Hamdan ait été désigné comme ennemi combattant permet une détention illimitée, à la discrétion du pouvoir exécutif. En fait, étant donné l’évolution du rapport de force, le gouvernement a décidé de renoncer à cette possibilité que lui offrait le Military Commissions Act. La loi est ainsi construite de manière à ce que l’administration n’ait pas à respecter les décisions des tribunaux, qu’elle a elle-même mis en place et dont elle contrôle étroitement le fonctionnement. Ce faisant, cette procédure, tout en reconnaissant formellement la loi, exerce un déni de sa fonction. Cette dernière n’est plus qu’enregistrement de la capacité de l’exécutif à déroger à la règle. L’enjeu de cette législation porte bien sur le droit de disposer de soi même. En juin 2008, la Cour suprême a accordé aux prisonniers de Guantanamo la possibilité de déposer un recours en habeas corpus devant une juridiction civile. Il ne s’agit pas de juger le fond de l’affaire, mais simplement de déterminer si le gouvernement dispose d’éléments suffisants lui permettant de garder les prisonniers en détention. Quelque 250 personnes sont toujours enfermées à Guantanamo et toutes ont déposé un recours.

Le gouvernement mène un double combat. D’un part, un lutte d’arrière-garde, à travers laquelle il essaye de stopper ou de retarder les recours des prisonniers en habeas corpus, mais surtout, il veut que les tribunaux civils n’exigent pas la déclassification des preuves secrètes et qu’ils acceptent de fonctionner selon des critères en cours dans les commissions militaires.

Une perversion de l’ensemble de l’ordre juridique

Ce 20 novembre, le juge Richard J. Leon, de la Cour fédérale du district de Washington, a rendu le prononcé du premier de ces recours[7]. Il concerne six détenus algériens, arrêtés en Bosnie fin 2001 et enfermés depuis à Guantanamo. Le juge a déclaré que cinq des prisonniers avaient été détenus illégalement et qu’ils devaient être immédiatement relâchés. Il a également décidé que le sixième détenu avait, quant à lui, été légalement emprisonné. Il aurait apporté un ” support matériel ” à Al-Qaida. Il aurait été un ” agent facilitateur ” de l’organisation, organisant les voyages d’autres personnes afin de combattre les États-Unis et qu’il aurait prévu de devenir lui-même un combattant. Le juge s’est rangé à l’argumentation de l’administration, qui a toujours présenté Bensayah Belkacem comme un agent d’Al-Qaida opérant en Bosnie. Rappelons que les six personnes formaient un même groupe et ont été arrêtées ensemble.

Sur quelle base matérielle le juge a-t-il pu fonder son jugement et déterminer que cinq d’entre eux devaient être relâchés et qu’il était légitime de garder emprisonné le dernier ? Le juge a accepté de se prononcer à partir de preuves secrètes, qu’il a définies comme ” des documents classifiés en provenance d’une source anonyme “. Il s’agit d’éléments que la défense n’a pas pu confronter, puisqu¹elle n’en a même pas eu connaissance. Les prisonniers n’ont pas pu assister à leur procès. Une ligne téléphonique leur a seulement été concédée pendant les audiences publiques.

Le fait que le juge ait accepté de se déterminer à partir de preuves secrètes, notamment obtenues par ouï-dire, constitue une légitimation des procédures utilisées par les tribunaux militaires spéciaux. Il crée ainsi une jurisprudence qui intègre ce type de ” preuve “. Si elle se généralise, il s’opérera une rationalisation de l’ordre juridique. Ce dernier ne serait plus la juxtaposition de deux structures fonctionnant côte à côte, un système d’exception et un ordre de droit, mais une seule structure intégrée, ayant les commissions militaires pour modèle.

Grâce à cette jurisprudence, le Military Commissions Act, loi qui inscrit sa transgression dans le texte législatif lui-même, peut remodeler, pervertir l’ensemble de l’ordre de droit étasunien.

Le Military Commissions Act est l’élément le plus avancé du processus de subjectivation de l’ordre de droit occidental, qui conduit à un renversement, à une ” perversion ” du rôle de la loi. Cette dernière n’est plus protection contre l’arbitraire, mais abandon à la toute-puissance du pouvoir exécutif.

Un ordre social psychotique

La transformation de l’ordre juridique, aux États-Unis et en Europe occidentale, est inédite. D’abord, elle révèle un changement de régime politique, la fin de l’État de droit et le passage à une forme d’organisation qui concentre tous les pouvoirs aux mains de l’exécutif. Mais il ne s’agit là que d’une première approche, qui indique un bouleversement encore plus profond, celui d’une mutation de l’ordre symbolique de la société, à savoir le passage d’une figure paternelle, celle qui, notamment, parcourt une grande partie de l’histoire de la société capitaliste, à une image maternelle triomphante, spécifique de la phase actuelle. L’image maternante du pouvoir exerce un déni du politique. Elle nie les conflits et la différence et ne s’adresse, avec amour, qu’à des monades homogénéisées avec lesquelles elle établit une relation intime virtuelle. Il s’agit d’une structure sociale où les individus sont plongés dans l’effroi et s’abandonnent à l’État. Ils consentent à la destruction de leurs libertés et du droit de disposer d’eux mêmes en échange d’une prise en charge, d’une protection qui les annule.

Cette perversion de l’État de droit s’inscrit dans une nouvelle réalité mythique construite sur la primauté de l’image : la lutte contre le terrorisme, le mal absolu, justifie la suppression de nos libertés. Cette imagerie ne supprime pas les faits qui invalident le discours du pouvoir, elle les maintient présents, tout en les excluant du domaine de ce qui est recevable par la conscience. Le discours du pouvoir constitue une nouvelle réalité qui devient le seul référent possible Les faits sont ainsi forclos du champ social et de l’espace du pensable. Ce faisant, cette image nous installe dans une structure psychotique. Le renversement de l’ordre juridique, ainsi que la ” perversion ” du rapport au réel, sont les conditions d’installation de cette structure.

Le jugement des prisonniers de Guantanamo en atteste. C’est également le cas de l’inculpation des ” autonomes de Tarnac “. L’absence d’éléments matériels permettant de poursuivre les inculpés n’est pas niée, mais la nécessaire prévalence des faits est renversée au profit de la primauté de l’image construite par le pouvoir. La position de Mme Alliot-Marie, reprise au sein d’un rapport de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), est particulièrement intéressante : ” Ils ont adopté la méthode de la clandestinité, assure la ministre. Ils n’utilisent jamais de téléphones portables et résident dans des endroits où il est très difficile à la police de mener des inquisitions sans se faire repérer. Ils se sont arrangés pour avoir, dans le village de Tarnac, des relations amicales avec les gens qui pouvaient les prévenir de la présence d’étrangers “. Mais la ministre en convient : ” Il n’y a pas de trace d’attentats contre des personnes[8]. “

Ces déclarations résument bien l’ensemble de l’affaire. Ce qui fait de ces jeunes gens des terroristes, c’est leur mode de vie, le fait qu’ils tentent d’échapper à la machine économique et qu’ils n’adoptent pas un comportement de soumission ” proactive ” aux procédures de contrôle. Ne pas avoir de téléphone portable devient un indice établissant des intentions terroristes. Rétablir le lien social est également un comportement incriminé, puisque cette pratique reconstruit le lien symbolique et permet de poser un cran d’arrêt au déploiement de la toute puissance de l’État.

Dans les déclarations de Mme Alliot-Marie la référence aux faits, en l’absence de tout indice matériel probant, ne peut être intégrée rationnellement et engendre la phase du délire, une reconstruction du réel avec l’image du terrorisme comme support.

Ce processus est également visible dans les rapports de police, dans lesquels s’opère, au niveau du langage, toute une reconstruction fantasmatique de la réalité. Ainsi, comme indice matériel prouvant la culpabilité des inculpés, la police parle ” de documents précisant les heures de passage des trains, commune par commune, avec horaire de départ et d¹arrivée dans les gares “[9]. Un horaire de la SNCF devient ainsi un document particulièrement inquiétant, dont la possession implique nécessairement la participation à des dégradations contre la compagnie de chemins de fer. De même, une échelle devient du ” matériel d¹escalade ” et, ainsi, sa possession est un élément à charge.

Cette construction psychotique n’est pas le seul fait des autorités françaises. Elle est partagée par la plupart des autorités européennes. Le 27 novembre a eu lieu une arrestation, des perquisitions et des saisies chez des membres du comité belge de soutien aux inculpés de Tarnac[10]. Le mandat de perquisition portait la mention ” association de malfaiteurs et détériorations en réunion “. Détenir des documents relatifs à un comité de soutien peut, selon le rapport de force du moment, autoriser des poursuites et, en tout cas, associe ses détenteurs à l’enquête menée en France.



http://www.eurozine.com/articles/2009-04-08-paye-fr.html

Y a-t-il quelqu'un pour arrêter Alain Bauer ?








Conseiller ès « ultra-gauche » de Michèle Alliot-Marie, Alain Bauer peut se vanter d'avoir contribué à faire arrêter Julien Coupat, et à le faire maintenir en détention malgré un dossier d'accusation plus que léger. Mais, après avoir vu le journal de France 2 lundi soir, il me semble qu'on doit se poser la question : qui arrêtera Alain Bauer ?

Certes, à la différence de cet idéologue sécuritaire, je ne souhaite pas qu'on prive quiconque de liberté - ni de celle d'aller et venir, ni de celle de penser et de s'exprimer.

Mais, quand on voit le « dossier » proposé par la chaîne du service public, qui mélange allègrement des images de Strasbourg, de l'affaire dite de Tarnac, les propos sommaires (mais lui a-t-on laissé le temps d'en tenir d'autres ? ) d'un individu présenté par la télé comme un autonome et… la ronde des obstinés (on voudrait insinuer que les enseignants-chercheurs sont infiltrés par de dangereux individus violents qu'on ne s'y prendrait pas autrement), quand on voit cet étrange ragoût auquel Alain Bauer vient apporter une pincée de théorie, on se demande : comment arrêter ça ?

Un parfait réprésentant de l'« industrie de la peur »

Certes, le personnage est intéressant. Ancien de l'Unef-Id tendance rocardienne, influent franc-maçon il a été administrateur de la Mnef et grand maître du Grand Orient de France. Après un stage au début des années 90 dans une société très liée à la CIA, il enseigne ou a enseigné aussi bien à Paris-I qu'au centre national de formation judiciaire de la gendarmerie et à l'académie de police criminelle de Chine (un haut lieu démocratique, comme chacun sait).

Coauteur de nombreux ouvrages avec Xavier Raufer (Christian de Bongain, ancien d'Ordre nouveau), ami de dirigeants socialistes (Dray, Valls, Huchon, Cambadélis), qu'il a aidés de sa « science » dans le virage sécuritaire du Parti socialiste, il est maintenant dirigeant d'une société, AB Sécurité, de dimensions mondiales. Un parfait représentant de ce que Mike Davis appelle l'« industrie de la peur ».

Sur la fantasmatique « ultra-gauche anarcho-autonome », « l'expert » médiatiquement consacré transpose simplement la leçon apprise outre-Atlantique : de même que, dans le catéchisme néoconservateur, ceux qui cassent des vitres ouvrent la voie à, et sont potentiellement des dealers-tueurs, celui qui commence par contester la loi en ne s'en prenant qu'aux biens doit être traité comme le terroriste qu'il risquerait de devenir.

Une transposition du concept de « guerre préventive »

Faisant fi d'abyssales différences dans les positions politiques comme dans les contextes historiques, Bauer affirme en effet, dans l'émission citée, après des images montrant le livre « L'Insurrection qui vient » et Julien Coupat, que les « prémisses sont les mêmes » que celles d'Action directe et des Brigades rouges.

Dans un simple mémoire de maîtrise, un tel postulat téléologique mériterait à tous coups un refus de validation, mais on sait que l'enracinement de Bauer dans le sarkozisme est si solide qu'on a créé spécialement pour lui une chaire au Cnam, malgré ses titres universitaires vivement constestés.

En réalité, l'individu importe peu. Des gens à carrière, qui savent se placer dans l'air du temps, on n'a eu que trop l'occasion de les voir à l'œuvre, de Kouchner à Tapie et de Val à Dati. Ce qui importe, c'est de quoi Bauer est le nom : une transposition sur le plan intérieur de ce concept de « guerre préventive » qui a si bien réussi à Bush, c'est-à-dire une politique tendant à criminaliser toute dissidence sociale, une politique au nom de laquelle « les mauvaises lectures », des « mœurs dissolues » et la participation à des manifestations occupent des dizaines et des dizaines de pages dans le dossier des Tarnacois.

Une politique au nom de laquelle les policiers se sentent toujours plus tout permis (voir les si nombreux témoignages rapportés sur ce site et ailleurs). Une politique menaçant gravement ce qu'AB Sécurité, par un renversement orwellien, prétend respecter : les libertés publiques. C'est cette politique-là qu'il s'agit d'arrêter.

Par Serge Quadruppani | Nomade italo-bellevilois | 08/04/2009 | 19H48 sur www.rue89.com



jeudi 2 avril 2009

L'affaire de Tarnac : Evènements et revue de presse-Chronologie - AVRIL 2009




dernière mise à jour: 03/05/09





suite de la chronologie mars 2009





Alors que le dossier se déplace lentement sur le terrain politique, que la DCRI (entre autre par l'intermédiaire de leur chef: B.Squarcini) s'épanche curieusement dans les médias et que les huit autres inculpés "préfèreraient ne pas" rompre leur silence pour protester contre la qualification et l'individualisation de cette affaire dite de Tarnac autour de la construction d'un "pseudo-chef-terroriste", Julien Coupat est désormais maintenu en détention depuis quatre mois et demi...














• Si vous voulez contacter le site des comités de soutien:

www.soutien11novembre.org








1er avril:

Vallini (PS): "Le pouvoir a instrumentalisé l'affaire Coupat"

Paru sur www.lexpress.fr

Ce mercredi, plusieurs parlementaires de gauche, dont Noël Mamère (Verts), Delphine Batho (PS), Nicole Borvo (PCF), ont tenu une conférence de presse pour dénoncer "un arbitraire d'Etat" dans l'affaire des sabotages SNCF et les arrestations de Tarnac. Le député PS André Vallini explique ce coup de gueule.



Pourquoi montez-vous au créneau sur l'affaire de Tarnac

J'ai été le premier en décembre dernier à dénoncer l'abus de détention provisoire dans cette affaire. Je ne me place pas sur le fond de l'affaire mais sur le terrain des principes du droit. Comme ses camarades, Julien Coupat aurait déjà dû être libéré.
Il pourrait être assigné à résidence, sous contrôle judiciaire strict, avec obligation de se présenter tous les jours au commissariat ou à la gendarmerie. La police judiciaire dispose de tous les moyens techniques et juridiques pour mettre quelqu'un sous étroite surveillance... En maintenant Coupat en détention, on a le sentiment que la police désespère de trouver des éléments pour étoffer un dossier qui semble jusqu'à présent bien vide.

Pour vous, cette affaire est avant tout politique...

Cette histoire a pris très vite un tour politico-juridique. Le pouvoir politique a cherché à instrumentaliser cette affaire. S'étant rendu compte que les thèmes de la délinquance et de l'insécurité s'avéraient moins porteurs politiquement, le pouvoir actuel a donné l'impression de vouloir utiliser celui d'une mouvance terroriste d'ultra-gauche. Il s'agissait de dramatiser cette affaire, pour faire peur à l'opinion publique. La ministre de l'Intérieur Michèle Alliot-Marie a repris le rôle de son prédécesseur Raymond Marcellin, qui, dans les années 70, voyait des gauchistes partout.
Vous avez évoqué les leçons non retenues de la tragédie d'Outreau...Il est évident que le dossier de Julien Coupat doit comporter des éléments très graves. Si tel n'était pas le cas, il s'agirait d'un abus manifeste de la détention provisoire et d'une violation extrêmement grave de la présomption d'innocence. Cela serait passible d'un recours devant la Cour européenne de justice. Dans ce cas, cette affaire pourrait déboucher sur un fiasco politico-judiciaire.






1er avril:

Comment l'ultra-gauche est devenue "l'ennemie"

Paru sur nouvelobs.com

Les "neuf de Tarnac" seraient-ils considérés comme des terroristes si, il y a un an et demi, le pouvoir n'avait pas décidé de déclarer la guerre aux anarcho-autonomes ? A lire cette semaine dans Le Nouvel Obs, une enquête d'Isabelle Monnin et Olivier Toscer.

Le Nouvel Observateur raconte cette semaine (le magazine est en kiosque jeudi 2 avril) comment la guerre aux "totos" a été lancée depuis la Place Beauvau, bien avant l'arrestation du groupe de Julien Coupat.
A l'origine: une intuition politique de Michelle Alliot Marie. La "première fliquette" de France est persuadée que l’affaiblissement de la gauche "de partis", PS, PC, Verts et LCR, ouvre un espace aux radicaux de l'ultra-gauche qui se retrouvent, à la rentrée 2007, promus en "menace potentielle pour la sureté de l'Etat" au même titre que les islamistes et les indépendantistes corses et basques.
Les Renseignements Généraux (RG) se mettent à leurs basques: écoutes téléphoniques, filatures, rapports alarmistes s'inquiétant de l'existence d'un "réseau pré-terroriste international" en constitution dans la mouvance "toto".

"L'oeuf et la poule"

Dans les mailles du filet: Julien Coupat et ses amis. Placé sous haute surveillance dès avril 2008, le groupe de Tarnac intrigue les policiers par sa volonté de rompre avec le système et déjouer les filatures. S'engage alors un véritable jeu du chat et de la souris entre flics et "totos". Jusqu’à la désormais célèbre "nuit des caténaires", le sabotage de quatre lignes TGV, le week-end du 11 novembre. Une action considérée par la justice, abreuvée de littérature policière, comme un passage à l'acte terroriste.

Le groupe de Tarnac était-il véritablement dans cette dynamique inquiétante comme l’affirme la police ? Ou sa radicalité, indéniable à la lecture des textes qui lui sont attribués (avant "L’insurrection qui vient", il y eut "l’Appel" dont nous publions des extraits inédits), n’aurait-elle jamais quitté la sphère des idées et des agitations de fins de manif si elle ne s’était retrouvée dans la ligne de mire ? Qui est premier, l’œuf ou la poule ? L’Etat en désignant un nouvel ennemi à ses policiers et à ses juges ou un groupe d’anti-capitalistes qui se vivent comme les protagonistes d’une "guerre civile mondiale" ? Impossible de répondre à ces questions sans revenir à la genèse d’une affaire où la paranoïa le dispute à l’obsession sécuritaire post-11 septembre.

C’est tout l’enjeu de cette enquête sur les dessous du "dossier Tarnac".

I.M. et O.T.







1er avril:

Questions au gouvernement:


Noel Mamere
interpelle Mr Fillon sur les dangers d'une dérive sécuritaire pour une démocratie lors des questions au gouvernement devant l'assemblée nationale.




Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009
Compte rendu Première séance du mercredi 1 avril 2009


Libertés publiques

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Noël Mamère. J’appelle l’attention de la représentation nationale et, au-delà, de tous les Français, sur les dangers que fait courir à notre démocratie la dérive sécuritaire du Gouvernement actuel (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC)…

M. Richard Mallié. C’est vous, le danger pour la démocratie !

M. Noël Mamère. …et de tous ceux qui se sont succédé depuis 2002, je pense aux lois Perben I et Perben II.

Pour illustrer mon propos, je vais citer deux affaires qui posent le problème des libertés et des droits de la défense.

M. Michel Herbillon. Vous avec fait zéro entrée au Zénith, avec ça !

M. Noël Mamère. Vous croyez pouvoir tout vous permettre pour casser des contre-pouvoirs qui vous déplaisent, ou pour mettre à l’écart des gens qui ont décidé de ne pas vivre selon la norme que vous avez édictée.

M. Richard Mallié. Pour qui vous prenez-vous ?

M. Noël Mamère. Je pense d’abord à cette affaire de barbouzerie : l’espionnage de Yannick Jadot, directeur des campagnes de Greenpeace pour la France, au moment même où il était l’un des interlocuteurs du Grenelle de l’environnement.

M. Guy Teissier. Un très bon patriote !

M. Noël Mamère. Nous demandons que des poursuites soient engagées contre EDF, commanditaire de ces actes commis par des anciens des services secrets, et qu’une commission d’enquête parlementaire soit établie. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

La deuxième affaire est celle de Julien Coupat, que l’on a appelée « l’affaire de Tarnac ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Richard Mallié. Monsieur Mamère, vous êtes un provocateur !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Je souhaite d’abord rappeler quelques faits.

L’année dernière, des actes de malveillance graves, pouvant mettre en danger la sécurité des voyageurs, ont été commis sur des lignes SNCF. D’autres éléments ont été découverts, liés à la confection d’explosifs.

Une enquête a été ouverte, qui a conduit à l’interpellation de dix personnes. Au vu de ces éléments, le procureur a estimé que les actes revêtaient un caractère terroriste. Ensuite, compte tenu de cette qualification, une information a été ouverte, et un juge d’instruction a été nommé. Celui-ci a confirmé la qualification terroriste des actes.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ce même juge indépendant a saisi un juge des libertés et de la détention – lui-même indépendant – pour que certains des individus interpellés soient placés en détention. Le juge des libertés et de la détention les a placés en détention provisoire.

Les parties ont fait appel : la chambre de l’instruction, composée de trois juges indépendants, a confirmé la détention provisoire. Encore une fois, c’est en toute indépendance que ces décisions sont prises.

Nous sommes très attachés à ce que chacun ait droit à la même justice sur tout le territoire. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

source à copier/coller sans espace (pas de lien actif vers ce genre de site): http:// www. assemblee-nationale.fr/13/cri/2008-2009/20090211 .asp#P240_33283

Vu sur le forum des Insoumis





1er avril:

"Tarnac : arbitraire d’Etat"- Conférence de presse mercredi 1er avril 2009

paru sur www.bernadette-bourzai.fr
Bernadette BOURZAI, sénatrice de la Corrèze, invite et participera mercredi 1er à 11h30 à l’Assemblée Nationale à une conférence de presse sur l’affaire de Tarnac.

Le 25 mars dernier, Le Monde révélait au grand jour ce que nous dénoncions déjà depuis plusieurs mois : le dossier des inculpés de Tarnac est une coquille vide.

Après quatre mois d’instruction, il n’y a toujours pas la moindre preuve en rapport avec l’incrimination de terrorisme ! Or, depuis le 11 novembre 2008, Julien Coupat se trouve toujours derrière les barreaux dans le cadre d’une « loi d’exception », qui permet de maintenir en détention provisoire des personnes soupçonnées de terrorisme - alors même qu’il bénéficie de toutes les garanties de représentation.

Contact presse : 06 08 57 71 67





1er avril:

Affaire Coupat : des élus de gauche veulent le déclassement

paru sur nouvelobs.com


Des députés et sénateurs verts, PS et PCF réclament que l'affaire des dégradations des lignes Sncf, qui est qualifiée de terroriste, passe dans le droit commun.


Des parlementaires verts, socialistes et communistes ont interpellé le gouvernement, mercredi 1er avril, pour demander la libération de Julien Coupat, incarcéré depuis le 15 novembre dans l'enquête sur des dégradations contre des lignes SNCF, ainsi que le "déclassement" de l'affaire.
Les députés Verts Noël Mamère, Martine Billard, François de Rugy, leurs collègues socialistes François Hollande, André Vallini, Delphine Batho (PS) ainsi que les sénatrices Bernadette Bourzai (PS) et Nicole Borvo Cohen-Seat (PCF) ont tous demandé "le déclassement de cette affaire pour qu'elle passe dans le droit commun" et "la libération immédiate de Julien Coupat" lors d'une conférence de presse commune à l'Assemblée.
Depuis le début de cette affaire, la défense des neuf personnes mises en examen dénonce la qualification terroriste des faits.

La loi anti-terroriste en question

"Au-delà du maintien en détention de Julien Coupat, c'est une fragilisation de notre système démocratique à laquelle on est en train d'assister", a estimé Noël Mamère qui devait interroger le gouvernement sur ce sujet mercredi.
"Il y a deux problèmes dans cette affaire: la législation anti-terroriste qui est devenue beaucoup trop extensive et l'abus de détention provisoire", a observé André Vallini, ex-secrétaire national du PS à la Justice. Il avait auparavant affirmé que dans cette affaire, la justice oubliait les leçons d'Outreau.
La question de "la bonne application de la loi anti-terroriste" a également été relayée par François Hollande, député de la Corrèze.
"S'il apparaît au bout du bout qu'il n'y avait rien dans le dossier, il y aurait une responsabilité politique à rappeler", a jugé l'ancien premier secrétaire du PS, dénonçant "une opération de communication politique" de la part du gouvernement.

La défense s'exprimera jeudi

Des neuf personnes dites du "groupe de Tarnac" mises en examen le 15 novembre pour des dégradations contre des lignes SNCF à grande vitesse fin octobre et début novembre, Julien Coupat reste le seul en détention provisoire.
Une nouvelle demande de remise en liberté de Julien Coupat a été rejetée le 13 mars. Les avocats de la défense doivent tenir une conférence de presse jeudi sur "l'affaire de Tarnac".






1er avril:

Conférence de presse dans les les locaux de l'assemblée nationale

Extrait du JT de 20 h sur France 2








02 avril:

Des élus de gauche réclament la libération de Coupat

paru sur www.lesechos.fr
Jusqu'à présent assez discrets sur cette affaire, plusieurs élus socialistes, dont l'ex-premier secrétaire François Hollande, se sont associés hier à des parlementaires Verts et communistes pour réclamer la libération immédiate de Julien Coupat, incarcéré depuis le 15 novembre dans l'enquête sur des dégradations contre des lignes SNCF et mis en examen comme « dirigeant d'une structure à vocation terroriste ». Des neuf personnes accusées de ces sabotages, Julien Coupat reste le seul en détention provisoire. Alors que des enquêtes de journalistes tendent à montrer que le dossier de l'instruction ne contient pas de preuves matérielles, les élus de gauche ont également demandé « le déclassement de cette affaire », instruite par un juge antiterroriste, pour qu'elle revienne dans le droit commun. Le député PS André Vallini a critiqué une « législation antiterroriste qui est devenue beaucoup trop extensive et l'abus de détention provisoire ». « S'il apparaît au bout du bout qu'il n'y avait rien dans le dossier, il y aurait une responsabilité politique à rappeler », a ajouté François Hollande, évoquant l'« opération de communication politique » menée mi-novembre autour de l'affaire par la ministre de l'Intérieur Michèle Alliot-Marie.





02 avril:

"L'affaire a été fabriquée de toutes pièces"

paru sur www.metrofrance.com

Me Irène Terrel, avocate de Julien Coupat, poursuivi pour dégradations de lignes de TGV, dénonce l'acharnement subit par son client. Interview.
En novembre dernier, neuf personnes soupçonnées d'avoir commis des dégradations de lignes de TGV sont arrêtées à Tarnac. Après leur garde à vue, quatre repartent libres, cinq sont incarcérées. Toutes ont été libérées, sauf Julien Coupat, détenu à la prison de la Santé et mis en examen pour "direction d'une association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste". Sa compagne, Yldune Levy, a été libérée le 16 janvier. Ce jeudi, les avocats des neuf mis en examen, dont Me Terrel, donnent une conférence de presse.

Pourquoi ce point presse?

Mon client est toujours incarcéré. Les trois demandes de remise en liberté ont été rejetées. Le 19 décembre, un juge des libertés et de la détention avait accepté sa remise en liberté, mais le parquet s'y est opposé. Aujourd'hui, ça suffit. La présomption d'innocence a été bafouée, le témoin sous X est un mythomane, et les huit mis en examen ont démenti que mon client était chef d'une quelconque structure.

Pourquoi cet acharnement contre Julien Coupat ?
L'affaire a été fabriquée de toutes pièces sur le terrain politique, notamment par la ministre de l'Intérieur. Mon client est le bouc émissaire d'un fiasco politico-judiciaire. Il a été mis en examen pour "direction d'une association de malfaiteurs et dégradations en relation avec une entreprise terroriste". En matière de terrorisme, le dossier est vide !

Le semaine dernière, on apprenait que l'ordinateur d'Yldune Levy, la compagne de votre client, contenait des documents particuliers...

Quelques heures après la parution d¹un article dans Le Monde révélant un dossier vide de preuves, l'AFP fait une dépêche annonçant qu'un manuel de fabrication de bombes artisanales et "des textes
présentant des similitudes" avec L'insurrection qui vient, un ouvrage de 2007 légitimant les attaques contre le réseau ferré, ont été retrouvés dans l'ordinateur d'Yldune. C'est curieux non ? L'ordinateur a été saisi en novembre.

Vous avez demandé l'incompétence de la juridiction antiterroriste. Quelles autres actions pensez-vous mener ?
J'ai demandé que Julien Coupat soit réinterrogé. Non seulement il ne l'est pas mais en plus, les enquêteurs s'escriment à vouloir interroger d'autres personnes qui ont indiqué qu'elles ne s'exprimeraient plus (les huit autres mis en examen, ndlr). Quelque chose cloche.

Comment va votre client ?
Bien. C'est quelqu'un de très intelligent. Il reçoit des soutiens d'anonymes et des personnalités politiques, Verts, PS et PCF, se sont mobilisés... La mobilisation continue.







02 avril:

Un des "neuf de Tarnac" parle en exclusivité sur RTL


Interpellés le 11 novembre 2008, les "neuf de Tarnac" doivent répondre de "présomptions graves" pour "participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme". Un seul est toujours incarcéré : Julien Coupat, présenté par les enquêteurs comme le chef de la cellule soupçonnée de sabotages de caténaires SNCF. Un des membres du groupe, Mathieu Burnel, sort de son silence et parle sur RTL.


L'entretien :



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02 avril:

Les avocats s'expriment-Conférence de presse du 2 avril






Source: Luismiguel2000


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02 avril:

Les avocats des "neuf de Tarnac" dénoncent une procédure vide

paru sur nouvelobs.com

Les avocats des "neuf de Tarnac", mis en examen dans l'enquête sur les dégradations commises contre la SNCF, ont dénoncé jeudi un dossier vide, scénarisé par le gouvernement qui a présenté ces jeunes gens comme des ennemis de l'intérieur. Ils ont annoncé qu'ils avaient déposé une demande d'incompétence de la justice antiterroriste afin que cette procédure devienne une procédure de droit commun.

Neuf personnes ont été mises en examen le 15 novembre dans ce dossier ouvert pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste". Certaines sont également poursuivies pour "dégradations en réunion commises en relation avec une entreprise terroriste". Seul Julien Coupat, présenté par les enquêteurs comme le chef de la cellule soupçonnée de sabotages de caténaires SNCF, est encore en détention. La police antiterroriste considère que ces neuf personnes sont proches de la mouvance qualifiée d'anarcho-autonome.

"A partir du moment où les politiques l'ont désigné comme coupable, la justice a été instrumentalisée", a déclaré jeudi l'avocat de Julien Coupat, Me Irène Terrel, lors d'une conférence de presse organisée au siège de la Ligue des droits de l'Homme (LDH) à Paris.

"C'est une procédure dangereuse et extraordinairement toxique pour les libertés publiques de ce pays parce qu'on a poussé jusqu'au paroxysme l'instrumentalisation de deux infractions terroristes", a analysé Me William Bourdon, l'avocat de Yldune Lévy, la compagne de Julien Coupat.

L'avocat a assuré que ce dossier avait été scénarisé "dans le seul objectif de désigner ces jeunes gens comme des ennemis de l'intérieur menaçant de notre démocratie. C'est la signature de l'impuissance des enquêteurs", a-t-il ajouté.

Les avocats ont stigmatisé un dossier vide, se basant sur un ouvrage, "L'insurrection qui vient", écrit par le Comité invisible, et versé à la procédure. "Il n'y a pas d'actes matériels, encore moins de preuve", a martelé Me Terrel, relevant que les expertises ADN effectuées n'avaient rien révélé et assurant que son client était "détenu au nom d'une raison d'Etat.

Une expertise informatique, remise la semaine dernière au juge d'instruction, a retrouvé trace sur l'ordinateur d'Yldune Lévy d'un manuel de fabrication d'engins explosifs et un CD-ROM contenant une matrice de facture EDF saisi chez une autre personne poursuivie dans ce dossier.

Les dégradations contre les caténaires de la SNCF ont été revendiquées par un mystérieux groupe allemand le 9 novembre. "C'est une carence de ne pas avoir cerné la revendication allemande", a regretté Me Terrel qui a annoncé qu'elle allait présenter prochainement une nouvelle demande de remise en liberté de Julien Coupat.

AP





02 avril:

Coupat: "Instruction à charge"

paru sur le jdd.fr

Jeudi, les avocats des "neuf de Tarnac" ont donné rendez-vous aux journalistes pour annoncer qu'une demande d'incompétence de la justice antiterroriste a été déposée. Mais l'essentiel était ailleurs. Les avocats de la défense n'avaient, semble-t-il, qu'un objectif: occuper la scène médiatique pour que Julien Coupat, toujours incarcéré et inculpé d'"association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste", ne tombe dans l'oubli.


"Julien Coupat est détenu pour raison d'Etat. La scénarisation a été trop forte et un échec serait trop dur à encaisser pour ceux qui se sont avancés. Il faut un bouc-émissaire." Le mot reviendra dans la bouche des quatre avocats présents, comme un leitmotiv. Pendant plus d'une heure, au siège de la Ligue des droits de l'Homme, le dossier des sabotages contre des voies ferrées de la SNCF, est réexpliquée point par point, l'instruction critiquée, le pouvoir politique vilipendé. Le 11 novembre, soit deux jours après les sabotages, ont lieu les interpellations "très largement médiatisées. On a fait croire avec tout cet étalage de moyens, que Tarnac était un repère de terroriste, que c'était des gens dangereux." Depuis, l'instruction suit son cours, "mais elle est uniquement à charge et dès le départ, la présomption d'innocence a été bafouée par le personnel politique", estime l'avocat de Julien Coupat, Me Irène Terrel.

Rien ne trouve grâce aux yeux de la défense. Interrogée sur le témoignage sous X d'une personne présentant Julien Coupat comme "un gourou", la défense répond "mythomanie", et affirme que c'est la première fois qu'un livre* dans son intégralité est versé dans un dossier d'instruction, sous prétexte qu'il représenterait le parfait petit manuel du terroriste d'ultra-gauche. Et d'en conclure que "c'est la liberté d'expression qui est danger." La justice, selon eux, n'aurait donc pas fait son travail, et chercherait même à empêcher "la manifestation de la vérité".

La piste allemande oubliée

Ainsi, le juge des libertés qui avait ordonné la remise en liberté de Julien Coupat le 19 décembre -mais qui en a été empêché par la procédure dite de "référé-détention" lancée par le parquet-, a "disparu de la circulation alors qu'il connaissait parfaitement le dossier." Dossier qui, selon eux, ne contient que trois éléments à charge: l'absence de téléphone portable - "Ce qui est très suspect et implique évidemment le terrorisme...", raille la défense-, le silence des prévenus lors de leurs interrogatoires et leur participation à des manifestations -"Il va y avoir beaucoup de mises en examen alors par les temps qui courent...", commente maître William Bourdon, l'avocat de Yldune Lévy, la compagne de Julien Coupat, sourire en coin, qui rappelle que la police scientifique n'a rien trouvé sur place, ni empreintes digitales ni ADN.

Si les éléments à charge sont objectivement faibles, ceux à décharge sont inexistants car "on ne les a pas cherché." "On n'a par exemple pas interrogé le cafetier que Julien et Yldune sont allés voir pour lui demander une chambre, alors que cela pourrait infirmer ou corroborer leur version des faits." Quand un journaliste a le malheur de demander des explications sur la présence des deux personnes aux environs de deux sites visés, la réponse est cinglante: "Nous sommes légalistes, monsieur! Et un rapprochement géographique et temporel ne fait pas une preuve!" Et d'enchaîner sur la piste allemande, oubliée, selon eux, par les enquêteurs français.

Avant même l'interpellation des "neuf de Tarnac", un groupe de militants anti-nucléaire allemand avait en effet revendiqué ces actions sur les rails de la SNCF. Outre-Rhin, des attentats similaires ont eu lieu la même nuit. La coïncidence est troublante, mais "personne n'enquête sur cette piste, alors que cela semble pourtant évident!", s'emporte Me Terrel "C'est une carence de ne pas avoir cerné la revendication allemande" s'exclame un autre avocat. Le père de Julien Coupat, s'il refuse désormais de s'exprimer dans la presse, a accepté de discuter quelques minutes avec leJDD.fr. Et sa conviction semble faite: le fin mot de l'histoire se trouve bien en Allemagne.

Benjamin BONNEAU

* L'insurrection qui vient, écrit par le Comité invisible.







2 avril:

Coupat terroriste? Une "dérive" de la justice pour ses défenseurs


paru sur www.letemps.ch



PARIS, 2 avr 2009 (AFP) Des parlementaires de gauche et les avocats de Julien Coupat et de huit autres jeunes du groupe de Tarnac, poursuivis pour des faits qualifiés de terroristes, ont dénoncé jeudi une "dérive" de la justice, dangereuse pour la démocratie car visant des "idées dissidentes".

Les neuf jeunes gens, âgés de 22 à 34 ans, ont été mis en examen en novembre pour destructions et association de malfaiteurs, le tout en relation avec une entreprise terroriste. Ils sont soupçonnés d'appartenir à un groupe d'ultragauche à l'origine de dégradations contre des lignes TGV.

Coupat, présenté par les enquêteurs comme le chef de ce groupe, est toujours incarcéré, malgré l'absence de preuve matérielle selon la défense.

"Le terrorisme a bon dos, il sert à faire passer énormément de dérives, de dysfonctionnements en en faisant un fantasme", s'alarme Jean-Paul Dubois, le président de la LDH, qui dans un parallèle avec l'affaire Dreyfus, met en garde contre le "recours à une justice d'exception".

Dans un contexte social tendu, M. Dubois se demande si cette affaire n'est pas "un message d'intimidation envoyé aux milliers de gens qui sont en colère".

Démarche assez rare s'agissant d'une enquête en cours, des parlementaires de gauche ont fait part mercredi de leurs craintes d'une instrumentalisation de la législation antiterroriste.

"C'est une fragilisation de notre système démocratique à laquelle on est en train d'assister", a estimé le député Vert Noël Mamère.

"Il y a deux problèmes dans cette affaire: la législation antiterroriste qui est devenue beaucoup trop extensive et l'abus de détention provisoire", a observé le député PS André Vallini.

Les parlementaires et les avocats ont ainsi demandé que les infractions reprochées au "groupe de Tarnac" ne soient plus frappées du sceau de la législation antiterroriste.
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Pour William Bourdon, "tous les éléments du dossier ont été scénarisés dans le seul objectif de les présenter comme des ennemis de l'intérieur menaçant notre démocratie". Selon lui, c'est la signature de l'impuissance des enquêteurs".

Au-delà de leur éventuelle responsabilité dans les faits reprochés, c'est leur qualification de terroristes qui scandalise les avocats.

Pour Irène Terrel, avocate de quatre d'entre eux dont Coupat, "il y a une préméditation dans toute cette affaire.

Le gouvernement a ouvert "la chasse à des gens qui vivent différemment, qui ont des idées dissidentes", a dénoncé jeudi l'avocate au siège de la Ligue des droits de l'Homme (LDH) lors d'une conférence de presse.

"Il n'y a pas de preuve matérielle, nous sommes interrogés sur nos vies, nos lectures, nos fréquentations", relève-t-elle.

La défense dénonce l'utilisation à charge par les enquêteurs de la participation de ces jeunes à des manifestations contre le fichage policier ou la politique d'immigration.

Les avocats s'élèvent également contre "l'instrumentalisation" d'un texte anonyme, "L'insurrection qui vient", qui légitime les attaques contre le réseau ferré et que les enquêteurs attribuent à Julien Coupat.

"Quand on commence à criminaliser des écrits pour en faire des preuves, c'est extrêmement grave et dangereux pour la démocratie", s'insurge William Bourdon, avocat de la compagne de Coupat, Yldune Levy.

Le manuel de fabrication d'engin explosif téléchargé depuis une clé USB sur l'ordinateur de sa cliente n'est qu'un écrit de plus selon lui: "c'est une procédure non pas sur des faits mais sur des intentions qu'on vous prête, des intentions imaginaires".






03 avril:

Tarnac: la défense passe à l'offensive
paru sur http://www.mediapart.fr/



Les avocats des «9 de Tarnac» font défense commune. Fait rare: jeudi, ils ont détaillé publiquement une partie du dossier. Et demandent la «déqualification» des faits reprochés à leurs clients. Ambiance d'une drôle de conférence de presse et précisions de Mediapart sur les derniers indices de l'enquête. Sur fond de guerre de com' entre la police, la justice et la défense.
Par David Dufresne.






Dans la salle de la Ligue des droits de l’homme, à Paris, il y a les journalistes – venus en nombre. Il y a les parents des uns, et des unes. Ceux qui font les cent pas, ceux qui parlent à la presse, ceux qui ne veulent plus. Dans les mains du père d’Yldune Lévy, l’amie de Julien Coupat, un carnet. Sur la couverture, il est écrit : «journal de bord». On imagine les pages, les rages, les doutes. Dans la salle, il y a aussi Eric Hazan, éditeur du désormais et malgré lui best-seller L’Insurrection qui vient. Et puis des copains de copains des «Tarnac», puisque le groupe a désormais gagné une particule.

But de la réunion : présenter le dossier d’instruction de l’affaire de Tarnac – sans le montrer concrètement (loi oblige, mais frustration garantie). Exiger la liberté du dernier en détention, Julien Coupat ; et la déqualification des faits reprochés à tous (grosso modo : dégradations plutôt que terrorisme dans l’affaire des caténaires sabotées en novembre 2008). Pendant une heure trente, les quatre avocats des neuf mis en examen ont donc tenu, hier matin, conférence de presse. Le propre des conférences de presse, c’est rarement de révéler. Mais de produire de l’image. De marteler un message – il sera ici pénal («le dossier est vide») et politique («tous les éléments du dossier ont été scénarisés dans le seul objectif de les présenter comme des ennemis de l'intérieur menaçant notre démocratie»). Parfois, de rappeler des évidences. Ainsi Irène Terrel, avocate de Julien Coupat, de Gabrielle H. et de Benjamin Rosoux : «C’est à l’accusation de prouver la culpabilité. Pas aux mis en examen de prouver leur innocence.»

Le discours est rodé – et connu. Il a été teasé la semaine dernière dans une page fracassante du Monde, titrée «Ce que contient le dossier d’instruction de l’affaire Tarnac». C’est-à-dire rien. Ou trois fois rien. Pour les avocats, donc, «le dossier est vide». Pas la moindre preuve matérielle mais «la criminalisation de lectures, d’écrits, de pensées et de participation à des manifestations». Il n’y a ni «empreintes digitales, ni ADN». Ce qui n’est pas tout à fait exact. Selon nos informations, de l’ADN a bien été retrouvé : celui des agents SNCF venus réparer les caténaires et décrocher les crochets. C’est-à-dire trois fois rien d’ADN.

Pour Dominique Vallès, avocate de Bertrand D. et d’Elsa H., «toute la dimension du dossier est là : dans les excès de l’antiterrorisme». William Bourdon, nouveau conseil d’Yldune Lévy, renchérit : «Cette procédure est toxique pour les libertés publiques.» Et de fustiger «l’extraordinaire et extravagante démesure des moyens de surveillance» du groupe, neuf mois durant. Ecoutes, filatures, caméras dans les arbres corréziens et cache-cache dans le métro parisien. Quelques confidences plus loin, sans importance capitale, et c’est le jeu des questions-réponses avocats/journalistes.

La conférence change alors de ton. Elle se fait parfois hors-sujet. Parfois, accusatoire. Souvent aigre-douce. «Coupat revendique-t-il L’Insurrection qui vient ? Que répondez-vous à ceux qui disent qu’il n’y a plus d’attentats ? Que faisait-il avec Yldune le long des voies ferrées le 7 novembre ?» Questions légitimes, mais insuffisantes. On se croirait cinq mois en arrière, quand l’affaire démarrait. Comme si celle-ci valait plus par sa dimension judiciaire que par sa dimension symbolique. Ou politique. Cette fois, un élément inédit apparaît. Enfin. Il est révélé par Me Terrel : le fameux soir des sabotages, le couple Coupat/Lévy s’est d’abord «adressé à un petit restaurant routier» pour dormir. En vain : l’établissement n’avait pas de chambre libre. Les deux jeunes gens auraient alors décidé de se rendre dans un sous-bois. Traduction : pas pour aller poser un fer à béton sur une caténaire, comme le soupçonne la police. Mais parce qu’«Yldune voulait faire un câlin à Julien», avance Me Bourdon. On s’interroge. Non sur l’alibi donné, mais sur la nature des débats : l’instruction repose-t-elle vraiment sur ce point là ? A en croire les avocats, oui.

Deux précisions d’importance, tout de même. L’une émanant du conseil d’Yldune Lévy: «Nos deux clients ont donné la même explication au juge sans s’être concertés. Il y a certes une coïncidence temporelle et géographique entre les faits reprochés et leur présence [à proximité du lieu des sabotages] mais cela ne constitue en rien une preuve.» L’autre vient de l’avocate de Julien Coupat : le gérant de l’hôtel a-t-il été interrogé pour confimer ou infirmer les dires des deux accusés ? «Nous l’avons demandé. Or, cette vérification n’a pour l’instant pas été faite !» Pas plus que la piste des antinucléaires allemands, qui avaient revendiqué l’opération, n’a été sérieusement étudiée. D'après une source proche de l’enquête, recueillie par Mediapart, aucun fonctionnaire de la SDAT (Sous-direction anti-terroriste) ne se serait rendu pour l’heure outre-Rhin.

Le contre-feu parfait

Le propre des conférences de presse judiciaire, c’est aussi de tourner parfois en rond. De dévoiler que tout ne peut y être débattu en profondeur, malgré les apparences de transparence. C’est même leur paradoxe et, d’une certaine façon, leur belle étrangeté : comment parler publiquement, micros ouverts, d’une procédure couverte par le secret d’instruction ? Celle-ci n’échappe pas à ces moments délicats, où l’on doit parler sans dire. Notamment quand viennent les questions embarrassantes, et importantes, sur les dernières fuites de l’affaire. Ainsi, quelques heures seulement après la parution du Monde, le 25 mars, une dépêche AFP tombait. Son titre allait jeter sérieusement le trouble : «Un manuel de fabrication de bombe retrouvé sur un ordinateur du groupe Coupat». Son contenu évoquait un «dossier informatique d'une soixantaine de pages détaillant les méthodes de fabrication et d'emploi de bombes artisanales». Mais aussi de «textes présentant des similitudes avec L’Insurrection qui vient» et un CD-Rom contenant «la matrice de facture EDF pouvant servir à la fabrication de faux justificatifs de domicile».

Là encore, rien qui ne constitue des preuves mais une série d’éléments accréditant, aux yeux des enquêteurs de la SDAT, «la possibilité d'une éventuelle association de malfaiteurs à visée terroriste». Le soir même, Michèle Alliot-Marie était invitée du «Grand journal» de Canal +, ou, plus exactement, son invitation avait opportunément été avancée de 24 heures par la chaîne de télé, ce qu'avait accepté la place Beauvau. Contre-feu parfait.

En réalité, selon nos informations, ce sont cinq pré-expertises informatiques, sur vingt-deux demandées par le magistrat, qui sont «revenues» comme dit le jargon judiciaire. L’une d’elles ferait notamment état de notes de lecture effacées, courant 2008, sur le disque dur d’Yldune Lévy, à propos du livre Les Experts mode d’emploi, signé Richard Marlet, commissaire de la police technique et scientifique à la préfecture de police de Paris. Quant au «manuel de bombes», informatiquement écrasé des années auparavant, il s’agirait tout bonnement d’un document Word, circulant sur le Net dans les années 90 et passablement daté : on y lirait notamment comment rendre explosive… une disquette 5 pouces un quart, format rangé depuis longtemps dans les oubliettes de l'histoire informatique! C’est dire la portée de la trouvaille.

D’où la colère, jeudi matin, de William Bourdon, qui assure découvrir ces révélations dans la presse avant de les lire dans le dossier: «C’est dérisoire et c’est à pleurer. Pour nous, ces informations sont la signature de l’impuissance des forces de l’ordre. Nous ne sommes pas dans une procédure sur les faits, mais sur les intentions. Des intentions qu’on vous prête, des intentions imaginaires.»

Même tonalité chez Mathieu Burnel, l’un des «9 de Tarnac». Au micro de RTL, jeudi matin, il y est allé franco: «Ces documents-là, ils les ont depuis le mois de novembre [date des perquisitions, NDLR]. A mon avis, s’ils les sortent maintenant, c’était clairement pour répondre au problème que leur posait l’article du Monde. Et ce qui est comique là-dedans, c’est que les personnes qui font péter des bombes thermo-nucléaires à Muruora, et qui se félicitent de leurs centrales nucléaires qui filent le cancer à des régions entières, viennent nous tanner pour un pseudo manuel d’explosif. Ça frise presque le foutage de gueule.» Quelques minutes seulement après cette déclaration, le porte-parle du ministère de l’intérieur se faisait parvenir le script de l’intervention. C’est que Gérard Gachet suit l’affaire de près et que, dès ses premières minutes, elle se joue bien là : sur la scène médiatique. «On a quand même eu droit de la part de M. Burnel, a-t-il fait part à Mediapart, à un langage assez différent de l’image des épiciers solidaires qu’on nous servait jusqu’ici. Même si, bien sûr, ça ne prouve rien. Et que ça ne présage rien sur les suites de l’affaire.» Et d’assurer: «J’ignore d’où vient la fuite du dossier dans la presse, comme vers l’AFP. Le dossier est à l’instruction : nous n’avons pas à en avoir connaissance.»

Au fond de la salle de la Ligue des droits de l’Homme, il y avait une dernière silhouette. Celle de l’auteur discret d’un livre. Le premier à paraître sur le sujet : Le Coup de Tarnac (Editions Florent Massot). Annoncé nulle part, pour préserver la surprise, l'ouvrage s’attacherait à remonter principalement la piste allemande. Il sera en librairie le 21 avril







03 avril:

Coupat : la défense remet la pression

paru sur www.liberation.fr

Mobiliser les médias, distiller des informations et continuer d’agiter l’opinion. Les protagonistes de l’affaire de Tarnac (le sabotage de caténaires de la SNCF, en novembre dernier) alimentent le feuilleton judiciaire et tentent d’imposer leur rythme pour maintenir la pression sur le juge d’instruction antiterroriste Thierry Fragnoli.

Hier, c’était aux avocats d’occuper la scène. Réunis autour d’une table par la Ligue des droits de l’homme et son président, Jean-Paul Dubois, ils ont demandé la requalification du dossier en droit commun. Les avocats ont déposé une «requête en incompétence». Au juge d’instruction Fragnoli, de décider ensuite s’il se dessaisit lui-même de l’affaire. «C’est rare, mais c’est déjà arrivé», a indiqué l’avocate sans indiquer de délai.

Par ailleurs, ils ont exigé la libération de Julien Coupat, l’homme présenté par les policiers comme le leader du groupe. Il est le dernier des huit mis en examen pour «association de malfaiteur en relation avec une entreprise terroriste» à être détenu.

Pendant presque une heure, Me Terrel a détaillé fastidieusement le dossier d’instruction. Qu’ont révélé les filatures, surveillances et écoutes ? «Rien», affirme-t-elle. Pire, à la faveur d’une panne de la ligne téléphonique de l’épicerie de la communauté de Tarnac, Benjamin Rosoux, l’un des mis en examen, aurait découvert un boîtier destiné aux écoutes.

Antinucléaires
. Que faisaient Julien Coupat et sa compagne Yldune Lévy près d’une voie ferrée ou a eu lieu un sabotage dans la nuit du 7 au 8 novembre ? «Un câlin.» William Bourdon, nouvel avocat de Lévy, insiste : «Un rapprochement géographique et temporel est très loin de la construction d’une preuve.»

Enfin, un groupe allemand avait revendiqué dès le lendemain, et avant les interpellations, les sabotages. Or outre-Rhin, certains militants antinucléaires sont passés maîtres dans l’art de poser des crochets sur les caténaires et «personne n’enquête sur cette piste», s’agace Me Terrel. Pour elle, des pans du dossier ne sont pas étudiés. Bref, pour les avocats, «il n’y a pas de preuves matérielles». Et de s’insurger que l’Insurrection qui vient, l’ouvrage collectif dont Coupat serait l’un des auteurs, soit versé au dossier comme élément à charge, alors qu’il est en vente libre. La semaine dernière, le Monde a affirmé après avoir consulté le dossier d’instruction, qu’il n’y avait «aucune preuve matérielle ni aucun aveu».

«Manuel». La fuite a entraîné une réponse du parquet dans la journée : un «manuel de fabrication d’une bombe» se trouvait sur le disque dur de Lévy. Billevesées, répond Bourdon : point de schémas, ni de plans détaillés. Les pièces, qui n’étaient pas encore cotées au dossier lors de la fuite du parquet, ne seraient que des écrits récoltés il y a plusieurs années par une étudiante «curieuse». Pour l’avocat, «tous les éléments du dossier ont été scénarisés dans le seul objectif de les présenter comme des ennemis de l’intérieur menaçant notre démocratie». Selon Me Terrel : «Le gouvernement fait la chasse à des gens qui vivent différemment.»


GAËL COGNÉ






03 avril:

Après Outreau, Tarnac

paru sur www.liberation.fr

André Vallini député PS de l’Isère et ex-président de la commission parlementaire d’Outreau.

Depuis quelques jours, des informations circulent selon lesquelles le dossier de l’affaire dite de Tarnac ne contiendrait «ni preuves matérielles ni aveux malgré une surveillance très ancienne du groupe». Si ces informations sont confirmées, la décision de maintenir Julien Coupat en détention serait un abus manifeste, grave et caractérisé de la détention provisoire, alors même qu’il existe des possibilités de contrôle judiciaire très strict allant jusqu’à l’assignation à résidence, qu’il y a des possibilités d’empêcher toute concertation entre les protagonistes présumés de cette affaire et qu’il est tout à fait possible de s’assurer des garanties de représentation d’une personne mise en examen. Cet abus potentiel, je l’ai dénoncé dès le mois de décembre et malgré les pressions et les mises en garde je vais continuer.

Les leçons d’Outreau semblent décidément ne pas avoir été retenues par la justice française : le principe de notre procédure pénale qui veut que la liberté soit la règle et la détention l’exception est violé chaque jour et la présomption d’innocence est encore trop souvent bafouée dans notre pays.

Alors que l’affaire a commencé depuis près de six mois, il semble que les services de police ont de plus en plus de mal à établir les charges concrètes qui pourraient être retenues contre Julien Coupat et que cette affaire risque de se terminer en fiasco politicojudiciaire pour le gouvernement qui avait tenté de l’instrumentaliser. L’affaire de Tarnac est en effet une illustration des dérives du pouvoir actuel qui cherche à entretenir un climat, pour ne pas dire une psychose sécuritaire, et comme la délinquance ne suffit plus toujours à impressionner l’opinion publique, il semble qu’il cherche à utiliser la menace terroriste en essayant de l’amalgamer avec la mouvance de l’ultragauche. Le zèle de Michèle Alliot-Marie est à cet égard révélateur, qui a parlé de «terrorisme de l’ultra-gauche», du «noyau dur d’une cellule qui avait pour objet la lutte armée», rappelant Raymond Marcellin qui, dans les années 1970, voyait de dangereux gauchistes partout.

Outre celle de la détention provisoire, l’autre question que pose cette affaire est celle de «l’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste» incrimination beaucoup trop vague permettant d’englober des faits qui ne relèvent pas directement du terrorisme et de leur appliquer un régime dérogatoire qui réduit considérablement les droits de la défense. Depuis plusieurs années, de renoncements en arrangements, une procédure pénale dérogatoire au droit commun s’est considérablement développée. Or, il est évident que l’efficacité de la lutte légitime contre le terrorisme ne se situe pas sur ce terrain et en tout état de cause, une menace «hors norme» ne saurait justifier la mise en place d’une justice «hors norme» aboutissant à porter atteinte à la présomption d’innocence et aux libertés fondamentales. Au moment où Barack Obama s’apprête à démanteler Guantánamo, ce n’est faire preuve ni d’angélisme ni de naïveté de prétendre que la démocratie et l’Etat de droit ne se défendent jamais aussi bien qu’en utilisant les armes de la démocratie et de l’Etat de droit.






03 avril:

Sur le Web, des soutiens de Julien Coupat mobilisés mais dispersés

paru sur www.lexpress.fr

Alors que ses avocats montent au créneau, l'affaire de Tarnac ne laisse pas les internautes indifférents. Blogs, réseaux sociaux et forums accueillent les défenseurs de Julien Coupat, mais leur message, éparpillé, a du mal à passer.


"Groupe de soutien à Julien Coupat. Pour sa libération, tout simplement". Sur Facebook, 1249 internautes ont adhéré et protesté contre la détention de Julien Coupat, principal suspect dans l'affaire du sabotage de lignes TGV à Tarnac.

Le mur du groupe Facebook est toujours plein de messages de sympathie et une page a été créée pour l'organisation d'une manifestation le 31 janvier, mais les sujets de discussion ("Ecrire à l'Elysée ou à Julien Coupat") n'ont pas fonctionné. Trois ou quatre contributions à peine se répondent.

Sur Facebook, pour l'essentiel, on copie/colle quelques textes - souvent les mêmes. L'un d'entre eux, un tract, est intitulé "Mise au point" et signé "Le Comité invisible", un groupe secret dont les autorités prétendent qu'il est lié à Julien Coupat.

Autre texte, "Nous sommes tous des terroristes". Ces quelques paragraphes, mis en ligne à l'origine sur le site d'information communautaire Indymédia, sont régulièrement publiés sur les blogs et les forums pour soutenir le détenu. "Quel que soit l'auteur de ces sabotages, quels que soient ses motifs, une loi d'exception est absurde. Nous voyons a quel point notre société policière peut facilement, avec ses fichages, ses dérogations, sa puissance reprendre notre maigre liberté et notre faible égalité et détruire nos espaces de lutte", s'indigne l'article, daté de novembre dernier.

Peu de soutiens politiques et médiatiques

Individuellement, plusieurs blogs ou portails défendent la cause de Julien Coupat. Ils se référent régulièrement au site officiel de son comité de soutien. Un petit nombre d'entre eux se consacrent entièrement à l'affaire, mais il s'agit le plus souvent de sympathies ponctuelles. "Le dangereux Julien Coupat - faut-il désormais le représenter avec un couteau entre les dents prêt à enlever un innocent enfant d'un grand patron du CAC 40 pour le séquestrer puis l'égorger?" raille iti1081. La blogueuse-chanteuse La Parisienne Libérée tourne en dérision "L'Ultime extra totale gauche". Ailleurs encore, le blog Le Terrier met en cause les médias: "La presse dont ce gouvernement vicié, agressif et inique est le ventriloque, reproche à ces jeunes types avec le sale petit ton hautain qui lui est coutumier d'être des bourgeois."

Même critique du traitement médiatique dans plusieurs vidéos, comme celle que propose Lesbrasmentombent. On s'y amuse de l'utilisation par les journalistes du terme "ultra-gauche". Le décryptage critique de l'actualité est également au coeur des discussions du forum du site Les Insoumis - les articles sur l'affaire y sont publiés, tout comme les vidéos des extraits des journaux télévisés.

Plus méthodique et plus militant, Ultrahumandignity propose une chronologie détaillée du dossier des "neuf de Tarnac" et dénonce avec force une "stratégie anti-gauchiste", y voyant les traces de l'établissement d'un "nouvel ordre mondial [...] à l'heure où les drones surveillent nos quartiers soumis au couvre-feu, à l'heure où les policiers perquisitionnent nos classes d'écoles".

Isolées, ces voix sont, sur le Web, à peine relayées par les partis politiques, dont les sites sont prudents: le NPA et le PCF ont chacun mis en ligne un communiqué de soutien, les Verts mentionnent à peine l'affaire. Et aucun d'eux ne permet de suivre le feuilleton au jour le jour. Pas de place, notamment, pour la parole d'un groupe de personnalités politiques de gauche, dont, pourtant, Noël Mamère (Verts) ou Nicole Borvo (PCF), qui se sont prononcés en faveur de Julien Coupat.

Côté médias, seuls quelques sujets sont relayés sur la Toile, comme cette enquête vidéo, Opération Taïga, de Médiapart, Retour sur la traque de l'ultra-gauche de Bakchich.info et quelques autres sur le Monde.fr.

Les défenseurs de Julien Coupat se cachent-ils volontairement, pour mieux agir sans être vu? Morcelée, mal diffusée, essentiellement alimentée par des textes copiés/collés, sur Internet, la voix des supporters de Julien Coupat est en tous cas trop faible pour peser sur le débat.



Marie Amélie Putallaz






03 avril:

Tarnac : les avocats dénoncent les "dérives" du dossier

paru sur www.lemonde.fr

Réunis au siège de la Ligue des droits de l'Homme, quatre des avocats des neuf personnes mises en examen pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste" après des sabotages contre les lignes SNCF, ont dénoncé, jeudi 2 avril, les "dérives" d'une procédure "toxique pour les libertés publiques". "Il y a une préméditation dans cette affaire, une sorte de traque", a affirmé Irène Terrel, l'avocate de quatre des prévenus, dont Julien Coupat. Elle a rappelé que six mois avant l'interpellation des neuf de Tarnac, le ministère de la justice avait, dans une circulaire datée du 13 juin 2008, demandé aux tribunaux de se dessaisir de tout dossier lié à "la mouvance anarcho autonome" au profit du parquet antiterroriste de Paris. "On stigmatise des gens pour leur opinion", a estimé l'avocat Philippe Lescène. "S'agit-il de criminaliser le mouvement social ?", s'est interrogée Dominique Vallès, la défenseure de deux des prévenus.



Isabelle Mandraud







03 avril:

«L’Insurrection qui vient»

paru sur www.liberation.fr

par Eric Hazan écrivain, éditeur à la Fabrique.

C’est en février 2007 que paraît, à la Fabrique, un petit livre vert de 128 pages intitulé L’insurrection qui vient. Une seule journaliste le remarque et nous demande qui se cache derrière ce «Comité invisible» tenant sur la couverture la place habituelle de l’auteur. Notre réponse est que personne ne se cache, que celles et ceux qui ont écrit collectivement ce texte souhaitent garder l’anonymat en refusant le statut d’auteur avec ce qu’il comporte de satisfaction narcissique et éventuellement financière - une position éthique, donc, et non un camouflage. Le livre suit un chemin discret grâce au bouche à oreille et apparaît dans les médias début 2008, au moment de l’arrestation, à Toulouse et à Paris, de jeunes gens qualifiés d’«anarcho-autonomes», terme qui fait alors sa première sortie publique : on trouve chez certains d’entre eux un exemplaire de l’Insurrection qui vient, ce qui est retenu comme indice de leurs penchants «terroristes».

Mais c’est avec l’affaire de Tarnac que le livre connaît un vrai succès médiatique. Dans les premiers jours suivant les arrestations, les journalistes, reprenant sans états d’âme les communiqués de la police et les déclarations du procureur Marin, parlent de «bréviaire anarchiste», de «manuel de l’insurrection» (Libération) ; du «petit livre beige (sic) des saboteurs de la SNCF» (le Point), etc. Quatre mois plus tard ces sornettes sont oubliées, mais l’Insurrection qui vient reste pourtant au centre de l’affaire de Tarnac, en particulier dans le cas de Julien Coupat, présenté comme le «chef» d’une prétendue entreprise terroriste. Le texte du livre est versé au dossier de l’instruction, ce qui, sauf erreur, est sans précédent. On veut faire l’amalgame entre le comité invisible et les inculpés, principalement Julien Coupat, sur lequel le magistrat instructeur cherche par tous les moyens à faire peser la paternité de l’Insurrection qui vient. Acharnement logique, dans la procédure antiterroriste l’instruction se fait à charge : il ne s’agit nullement de faire émerger la vérité mais de détruire des liens, de séparer des amis, d’anéantir tout effort commun visant à subvertir l’ordre qui nous broie. Et vu le vide du dossier, il ne reste guère qu’un livre pour «justifier» que l’enquête continue sous le label de l’antiterrorisme et que Julien Coupat reste à la Santé.

Car le livre en question tranche sur les nombreux ouvrages inoffensifs dont le marketing se fonde sur une critique de la domination. l’Insurrection qui vient est un texte qui ouvre sur les luttes imminentes. «Ses rédacteurs n’en sont pas les auteurs. […] Ils n’ont fait que fixer les vérités nécessaires, celles dont le refoulement universel remplit les hôpitaux psychiatriques et les regards de peine. Ils se sont fait les scribes de la situation. C’est le privilège des circonstances radicales que la justesse y mène en bonne logique à la révolution. Il suffit de dire ce que l’on a sous les yeux et de ne pas éluder la conclusion.» En mettant l’Insurrection qui vient au centre de l’affaire de Tarnac, en pleine lumière médiatique, l’appareil politico-policier a assuré sa diffusion dans des cercles qui n’en avaient jamais entendu parler, et qui s’y retrouvent. Il s’agit pour le moins d’une fausse manœuvre. Dans le Discours sur la première décade de Tite-Live, Machiavel notait déjà que «la fortune, lorsqu’elle prépare le bouleversement d’un empire, place à sa tête des hommes capables d’en hâter la chute».






03 avril:

La contre-attaque de Tarnac


paru sur www.humanite.fr

Justice . Les avocats de la défense ont décortiqué, hier, devant la presse, un dossier judiciaire qu’ils jugent totalement vide et demandent au juge d’instruction de se dessaisir de l’affaire.
« Depuis sa création, la Ligue des droits de l’homme a toujours combattu l’arbitraire, la raison d’État, rappelle son président, Jean-Pierre Dubois. Je ne suis pas en train de dire que l’affaire de Tarnac est une nouvelle affaire Dreyfus, mais elle est une illustration de plus d’une justice d’exception - la justice antiterroriste - incompatible avec notre démocratie. » Et d’ajouter : « Car on est là à la limite du délit d’opinion ; à ce compte-là, on peut faire passer n’importe qui pour un dangereux terroriste. D’ailleurs, j’alerte la ministre de l’Intérieur et l’invite à s’intéresser à une bande organisée dont le siège pourrait être celui de Réseau ferré de France. Ce matin encore, il y a eu un nouvel attentat terroriste : une panne électrique a paralysé les lignes ferroviaires ! » Pour lui, « le terrorisme a bon dos ». Et de se demander si cette affaire n’est pas « un message d’intimidation envoyé aux milliers des gens qui sont en colère ».

Après les parlementaires, la veille, interpellant le gouvernement pour demander le « déclassement » du dossier Tarnac et la libération du principal mis en examen, Julien Coupat, c’était, hier au siège de la LDH, aux avocats de la défense de passer à l’offensive. « Tous les éléments du dossier ont été scénarisés dans le seul objectif de présenter les mis en examen comme des ennemis de l’intérieur menaçant notre démocratie », a asséné Me William Bourdon, le nouvel avocat de la compagne de Julien Coupat, Yldune Lévy. Pour ce dernier, de fait, la seule chose que l’on peut reprocher au couple, c’est d’avoir fait « un câlin » au bord d’une des voies ferrées où a été posé un fer à béton sur une caténaire. Et, accessoirement, de penser en dehors des clous. C’est la conclusion, en substance, de Me Irène Terrel. Qui s’est employée à démonter un dossier où il n’y a « ni preuve matérielle ni aveu » : « Dans ce dossier, on n’est pas interrogé sur des faits. Mais sur nos vies, nos lectures, nos fréquentations. »

Si la défense a d’ores et déjà demandé au juge d’instruction Thierry Fragnoli de se dessaisir et si d’autres actions sont prévues, pas question toutefois d’abandonner le terrain juridique. Aujourd’hui, Benjamin Rosoux, l’un des proches de Coupat, saura s’il peut retourner à Tarnac pour pouvoir s’occuper de l’épicerie. Car, « pour l’instant, déplore Me Terrel, son contrôle judiciaire l’oblige, alors qu’il a trente ans, à rester chez sa mère, à plus de 800 kilomètres de Tarnac ».

Par ailleurs, la semaine prochaine, les mis en examen devront être à nouveau entendus par la justice. Et ce après avoir prévenu qu’ils ne diront plus rien tant que Julien Coupat restera en prison. D’ailleurs, son avocate, qui constate que le juge d’instruction refuse d’entendre son client une bonne fois pour toutes, n’exclut pas de faire une nouvelle demande de remise en liberté. Même si, pour elle, si son client reste en prison, c’est bien « au nom de la raison d’État ».

S. H.






03 avril:

Le téléphone sonne de la semaine

Lors de l'émisssion sur france-inter dont le thème était :
Le bilan du G 20 à Londres. Le capitalisme sera-t-il mieux régulé ?

Rémuneration des patrons : La polemique continue malgré le décret du gouvernement. Le president de la Société Générale béneficiera d’une retraite de 730 000 euros par an !!
Conflits sociaux : Les signes de radicalisation se multiplient avec de nouvelles sequestrations de dirigeants d’entreprises. A qui la faute ?
Amnesty International dénonce dans un rapport l’impunité de certains policiers français accusés de graves violations des droits de l’homme.

Avec comme invités :

Roger KAROUTCHI
Secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement
Claude BARTOLONE
député PS de Seine-Saint-Denis
Yves THREARD
directeur adjoint de la rédaction du Figaro


Marc, un auditeur connu sous le surnom du "pique-niqueur de Denfert Rochereau" (voir la vidéo: Milles vaches à paris contre l'anti terrorisme ) témoigne de son interpellation rocambolesque à la fin de la manifestation du 31 mars à Paris.

Extrait:









07 avril:

Le contre-sommet de l’OTAN et la réapparition de l’"ultra-gauche".

paru sur www.soutien11novembre.org

Ce week-end, comme chacun le sait désormais, avait lieu le (contre-)sommet de l’OTAN, à Strasbourg. Nous vous disions il y a quelques jours en quoi ce qui se jouait là-bas recoupait aussi les questions d’antiterrorisme et de sécurité intérieure.

A la suite des divers incidents qui ont eu lieu durant ces trois jours (une manifestation sauvage le premier jour, l’attaque du camp par les forces de l’ordre le second, et la grande manifestation du samedi), une centaine de manifestants ont été blessés et une trentaine placés en garde-à-vue - bien loin des 300 interpellations annoncées par MAM. Les premières comparutions immédiates sont passées, et, comme souvent, il apparaît que la police a raflé dans le tas, la justice acquiesçant, en prononçant des peines de prison ferme. (Nous ne ferons pas ici le détail des condamnations, celles-ci ayant été largement relayées par la presse).

Le lendemain de la manifestation du samedi la police bouclait le "village autogéré", contrôlant tous ceux et celles qui voulaient en sortir, les filmant individuellement, confisquant des vêtements ainsi que les appareils photos et vidéos. Ils prétendent ainsi retrouver les auteurs de l’incendie de l’Hotel Ibis (qui hébergeait des policiers pendant le sommet - d’où une certaine rancoeur).

On pourra lire aussi l’interview d’un membre de la Legal Team du contre-sommet, qui présente son action, et apporte quelques critiques concernant, en France, le manque de solidarité, notamment entre les organisations politiques et les autres participants.

Enfin, on notera qu’à travers la propagande policière concernant les incidents et les désormais fameux Black Bloc, les médias tentent de relancer l’intérêt pour ces constructions policières que sont les dénominations "ultra-gauche" et "anarcho-autonomes". Ainsi, avant même le début du sommet, le Figaro parlait des casseurs et de "la forte mobilisation de l’ultra-gauche et des anarcho-autonomes, en France comme en Allemagne".

L’événement passé, certains journalistes tentent un pont avec l’affaire de Tarnac, présentant les ouvrages incriminés dans l’affaire (L’insurrection qui vient, et l’Appel) comme des "bibles" du Black Bloc. On pourra ainsi visionner le dossier sur l’ultragauche dans le 20h de France 2 du 6/04. Et, mieux encore, lire l’article d’Olivier Toscer, qui, après son odieux dossier dans le NouvelObs de cette semaine, continue ses crapuleries sur son blog.
Vous avez mal lu les dossiers que vous a fourni la police M. Toscer : il semblerait bien que le Black Bloc n’ait jamais eu besoin de bible.







09 avril:

Didier Porte - Au secours, l'ultragauche revient !

paru sur la page Dailymotion de France-Inter








09 avril:

Portable, s’il vous plaît !

paru sur www.humanite.fr

Je me rappelle avoir vu figurer, au nombre des présomptions accablantes pesant sur Julien Coupat et le « groupe de Tarnac », le fait que les membres de ce groupe n’utilisaient pas de téléphones mobiles. J’ignore si ce détail est exact. Mais le simple fait qu’il ait pu être invoqué comme l’indice d’une volonté de clandestinité, et par conséquent de quelque chose à cacher, me paraît tout compte fait l’essentiel de cette affaire, et le dévoilement (fût-ce sous forme de lapsus) du vrai pouvoir et de ses modalités. Le vrai pouvoir, qui va bien au-delà de l’obstination d’un juge, des obsessions sécuritaires d’un(e) ministre, qui échappe même probablement à leur conscience, en attendant que, tout aussi inconscients et avec les meilleures intentions du monde, ils n’édictent l’obligation de posséder cet appareil, parfait garant de la traçabilité individuelle. Pas besoin pour cela d’un Big Brother : juste la poussée générale d’une société obsédée d’omnicontrôle, conjugué à l’instinct de servitude volontaire, qui n’a pas dit son dernier mot, le tout renforcé par le matraquage de la publicité.

La police ne dira plus « vos papiers ! » mais « votre portable ! » Les portables font des photos et des films, envoient des textos qui se transforment en courriels (ou inversement), et le tout se retrouve, avec ou sans le consentement des intéressés, dans la décharge à ciel ouvert connue sous le nom de Facebook, où les amateurs de renseignements n’ont plus qu’à moissonner les lieux, les heures, les listes d’amis et leurs trombines. Une jeune manifestante anticapitaliste de Londres s’extasiait l’autre jour, devant les caméras de la télé, sur ce monde technologique « dans lequel nous avons grandi », et qui offrait à la contestation des moyens aussi efficaces de s’organiser. Merci Nokia, merci SFR, merci Yahoo et Numéricable ! Il est pas chouette, le monde technocapitaliste ? D’ailleurs, il met tout le monde d’accord. Je viens de découvrir que les jeunes catholiques, désireux de manifester devant les églises leur soutien à Benoît XVI, n’ont pas procédé autrement. « Génération Benoît XVI vous a envoyé un message sur Facebook… » « Je vous invite à aller faire un tour sur cet événement (sic). » « Faites un max de pub ds tte la France (sic). »

Et, candeur suprême : « Mais faites attention de ne pas transmettre l’info à des anticathos ! » Nul doute que saint Paul aurait apprécié. Le christianisme, au fond, qu’était-ce d’autre qu’un buzz ?

François Taillandier







09 avril:

L'éditeur Eric Hazan entendu par la police antiterroriste
Paru sur Médiapart.


Directeur de la maison ayant édité L'Insurrection qui vient, Eric Hazan a été entendu, jeudi 9 avril, par la police judiciaire antiterroriste. La PJ attribue en effet ce livre à Julien Coupat, qui est écroué depuis la mi-novembre 2008 dans l'enquête sur les éventuels projets terroristes du «groupe de Tarnac» et des «sabotages» de lignes TGV. La maison d'édition a dénoncé aussitôt «cette tentative d'impliquer un livre et un éditeur dans une association de malfaiteurs terroristes». Dans un long entretien à Mediapart, le 14 novembre, Eric Hazan avait pris les devants en s'inquiétant d'«une grave atteinte à la liberté d'expression».










10 avril:

Benjamin Rosoux n'a toujours pas le droit de quitter la Manche

dépêche AFP

PARIS (AFP) — Benjamin Rosoux, mis en examen dans l'affaire des dégradations contre des lignes SNCF, n'a toujours pas le droit de reprendre l'épicerie qu'il tenait à Tarnac (Corrèze) après une décision judiciaire de le maintenir en résidence dans la Manche, a-t-on appris vendredi auprès de son avocate.

La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a s'est opposée vendredi à un assouplissement du contrôle judiciaire de Benjamin Rosoux qui lui interdit de quitter le département de la Manche où est domiciliée sa mère.

"Le contrôle judiciaire est censé permettre de s'assurer des garanties de représentation (logement, attaches familiales etc.) d'un mis en examen mais dans ce dossier, il sert à mettre à néant le projet de vie de Benjamin Rosoux", a déclaré à l'AFP Me Irène Terrel.

M. Rosoux, âgé de 30 ans, était jusqu'à son interpellation le 11 novembre dans l'enquête sur les dégradations de lignes TGV le cogérant de l'épicerie de Tarnac, village corrézien où une partie du "groupe Julien Coupat" avait élu domicile.

"Il y a eu de nombreuses protestations dans le village contre cette interdiction opposée à mon client qui se levait tous les jours à 6 heures du matin pour notamment livrer leurs commissions aux personnes âgées", a ajouté Me Terrel, qui compte déposer prochainement une nouvelle demande de modification du contrôle judiciaire.

Mis en examen pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste", Benjamin Rosoux est présenté par les enquêteurs comme le "bras droit" de Julien Coupat, qui reste à ce jour le seul détenu dans cette affaire.

Il avait été contrôlé par des policiers dans la nuit du 7 au 8 novembre en compagnie de deux autres mis en examen non loin d'une ligne ferroviaire où devait circuler un train d'acheminement de matières radioactives.







10 avril:

C'est un peu bizarre

paru sur www.lemonde.fr

"C'est un peu bizarre", a déclaré Eric Hazan, patron de la maison d'éditions La Fabrique, à l'issue de son audition comme témoin, jeudi 9 avril de 9 heures à 12 h 15, dans l'affaire des sabotages des caténaires de la SNCF, par les enquêteurs de la sous-direction antiterroriste (SDAT).

M. Hazan a édité L'Insurrection qui vient, ouvrage signé du Comité invisible, que les policiers attribuent à Julien Coupat, ce que ce dernier nie. M. Coupat, qui a été mis en examen, notamment, "pour direction ou organisation d'un groupement formé en vue de la préparation d'une action de terrorisme" est le seul des neuf de Tarnac à être toujours incarcéré.

"Je leur ai dit qu'ils avaient frappé à la mauvaise porte s'ils attendaient de moi que je leur facilite l'amalgame entre Julien Coupat, les caténaires et L'Insurrection qui vient", a indiqué M. Hazan. L'éditeur se dit étonné "d'avoir été convoqué comme témoin", alors qu'il n'est "pas témoin des faits instruits".

Caroline Monnot






11 avril:

Des législations d'exception aux tentations totalitaires : Tarnac, la réalité d'une dérive.
Paru sur http://bellaciao.org/fr/






Le Monde du 26 mars 2009 : « Sept mois d’enquête préliminaire, quatre mois d’instruction, neuf mis en examen pour terrorisme, dont l’un Julien COUPAT, toujours incarcéré, et une polémique…Le Monde a pu consulter le dossier - près de mille pièces et procès-verbaux – qui ne contient ni preuves matérielles ni aveux. »


Le 18 avril une soirée projection suivie d’un débat autour des législations d’exception en France aura lieu au cinéma de Neuvic.

Nombre de corréziens, après le déferlante politico-médiatico-policière de novembre dernier à Tarnac, s’interrogent encore sur les fondements d’un tel déploiement. Quels sont donc les mécanismes juridiques qui permettent d’inculper sous des chefs d’inculpation « d’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste » des personnes qui, au pire, auraient pu être poursuivies pour vandalisme ?

Nombre de Corréziens n’ont pas oublié par et pour qui avaient été utilisée cette qualification de « terroristes », dans une époque somme toute pas si lointaine, des Gorges de la Dordogne au Plateau de Millevaches.

Aujourd’hui les avocats des neufs inculpés dénoncent une procédure « toxique pour les libertés publiques », « une sorte de traque ».

Une question se pose donc avec pertinence : existe-t-il actuellement une dérive totalitaire, et si oui les législations d’exception en sont elles la cause ou la conséquence ?

Les entretiens filmés de Laurent BONELLI, Eric HAZAN et Miguel BENASAYAG apporteront des points de vue avisés sur la question, Pierre TARTAKOWSKY, vice président de la Ligue des Droits de l’Homme introduira ensuite le débat. CINEMA DE NEUVIC (19) – 18 avril – à 20h30









14 avril:

Tarnac : la justice au ralenti


Paru sur http://www.humanite.fr/
Vu sur Le jura libertaire


Libertés . Les défenseurs de Julien Coupat montent un comité pour l’abolition des lois antiterroristes.

Depuis sa cellule de la Santé, Julien Coupat, le principal mis en examen dans l’affaire de Tarnac, enrage. « Depuis le 15 novembre, mon client est maintenu en détention parce qu’il serait apparemment nécessaire qu’il soit à nouveau interrogé, nous explique son conseil, Me Irène Terrel. J’ai donc demandé à ce que ce soit fait une bonne fois pour toutes. Résultat ? Les juges d’instruction préfèrent entendre ceux qui, dans cette affaire, sont libres. C’est surréaliste ! » D’autant que les proches de Coupat ont prévenu : tant qu’il restera en prison, tant que l’antiterrorisme continuera à gérer ce dossier, ils ne répondront plus à aucune question. Après Manon Glibert vendredi, ce sera aujourd’hui au tour de Gabrielle Hallez, l’ancienne compagne de Coupat, de dire… qu’elle n’a rien à dire. De fait, des deux côtés, les positions se durcissent.

Ainsi, vendredi, la demande d’allègement du contrôle judiciaire de Benjamin Rosoux, le gérant de l’épicerie de Tarnac, a été rejetée : « En lui interdisant de retourner à Tarnac et de rester - à trente ans passés - chez sa mère, à 800 kilomètres du lieu où il travaillait, on le maintient de force au chômage et on met en péril un beau projet, s’insurge Me Terrel. C’est un dévoiement du contrôle judiciaire, symbolique du durcissement actuel. » Est-ce aussi une réponse à la demande de dessaisissement du juge antiterroriste, à la démonstration de la vacuité du dossier et à la mobilisation des politiques ? Peut-être. En tout cas, l’avocate ne nous aura pas caché avoir été « abasourdie » en apprenant que la sous-direction antiterroriste (SDAT, un service de police spécialisé) avait entendu, jeudi dernier, Éric Hazan, l’éditeur de L’insurrection qui vient. Un ouvrage collectif, signé par le « comité invisible », que la police veut attribuer à Coupat.

« Le but ? Faire l’amalgame entre Julien, le livre et les actes de sabotage, nous explique l’éditeur. En matière d’antiterrorisme, pas besoin de faits, il suffit de criminaliser des intentions. Ne sachant pas ce que je faisais là, j’ai donc répondu que je n’étais pas là pour combler les vides du dossier. Que le livre, Julien et les actes de sabotage étaient des choses bien distinctes. Et que s’en prendre à un livre et à un éditeur était une attaque contre la liberté d’expression. » Voilà pourquoi se monte un comité pour l’abolition des lois antiterroristes avec, entre autres, Alain Badiou, Jacques Rancière, l’avocat des Irlandais de Vincennes, Antoine Comte, Michel Tubiana… En attendant, d’après ses proches, Julien Coupat va bien. « Il se demande juste pourquoi, sourit Hazan, avec tout ce qui se passe en ce moment, la révolution n’a pas commencé. »

Sébastien Homer






15 avril:

Comment MAM a bidonné le scoop de Tarnac


paru sur www.charliehebdo.fr




Nouvelles révélations sur les présumés terroristes de la ferme de Tarnac.
Charlie a décortiqué l’intégralité de ce volumineux dossier pénal. 4 000 pages, 910 actes de procédure. De nombreux points, inédits à ce jour, montrent la chronologie des manœuvres policières. Au cours de notre enquête, un agent du FBI interviewé remet en cause le point de départ de la procédure française.




En réalité, trois ans avant son interpellation, le 11 novembre 2008, les services de sécurité français suivaient déjà Julien Coupat. Une fiche des Renseignements généraux du 28 octobre 2005, dont nous avons trouvé la trace, demande à son sujet «une mise sous surveillance immédiate» en stipulant «individu proche de la mouvance anarcho-autonome». Julien Coupat a pris goût à la castagne lors des grandes manifestations antiglobalisation. L’administration l’a dans le collimateur.
Les services de renseignement financier de Tracfin se penchent même sur sa petite communauté d’amis, établie au village de Tarnac, son épicerie, sa ferme. Dans un rapport du 10 novembre 2005, Philippe Defins, l’un des chefs de Tracfin, les soupçonne de se livrer au «blanchiment du produit d’activités délictueuses». Une première paranoïa vite dissipée. Les parents de Julien Coupat s’avèrent à l’origine des mouvements financiers dont profitent ces jeunes fermiers. Gérard et Jocelyne Coupat, deux cadres supérieurs du groupe pharmaceutique Sanofi-Synthelabo, ne rechignent pas à aider leur intello de fils unique, adepte d’une vie communautaire loin des quartiers bobos. Le dispositif sécuritaire autour du jeune Coupat se relâche, pour peu de temps. Après l’arrivée de Michèle Alliot-Marie au ministère de l’Intérieur, au printemps 2007, on considère que l’ultragauche basculera sous peu dans le terrorisme. Une construction sécuritaire lourde de conséquences…


Guillaume Dasquié

Suite dans le numéro 878... ou sur ce BLOG ;)







15 avril:

Ils n’oublient pas Julien Coupat

Vu sur le forum lesinsoumis.org et paru sur www.montpellier-journal.fr

Les quelques membres du comité de “soutien aux inculpés du 11 novembre” étaient hier, comme toutes les semaines depuis janvier, place Jean-Jaurès à Montpellier pour faire signer une pétition demandant la libération de celui qui a été interpelé il y a maintenant 5 mois suite au sabotage de lignes SNCF. Car, selon plusieurs journalistes, le dossier d’instruction semble peu en rapport avec une incarcération aussi longue. Quant à Michèle Alliot-Marie, la ministre de l’intérieur, elle est annoncée vendredi à Castelnau-le-Lez pour animer un forum “libertés et sécurité”.




La banderole le rappelle : cela fait 154 jours que Julien Coupat est emprisonné. Présenté par la police et la justice comme le leader d’un groupe d’ “ultra-gauche, mouvance anarcho-autonome” - les termes sont de Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur - il a été arrêté le 11 novembre 2008 à Tarnac en Corrèze dans le cadre de l’enquête sur les sabotages des caténaires de la SNCF. Huit autres personnes qui avaient été interpelées en même temps que Julien Coupat, ont été relâchées mais sont mises en examen pour “association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste”. Récemment, plusieurs journaux (Le Monde, Charlie Hebdo) ont pu avoir accès au dossier d’instruction qui ne contient, selon le quotidien du soir, “aucune preuve matérielle ni aucun aveu” (25/03).

“Cette affaire est un test”

Hier à Montpellier, ils étaient cinq à tenter de sensibiliser les passants à cette affaire. En plus de la banderole, une table, une pétition, quelques textes et leur parole. Ils sont installés en haut de la place Jean Jaurès, juste sous la caméra de vidéosurveillance des halles Castellane. Tous les mardis, de 18h à 19h, le comité montpelliérain de “soutien aux inculpés du 11 novembre” (1) est là pour qu’on n’oublie pas Julien Coupat. Et pour proclamer, comme écrit dans la pétition : “En réalité, pour nous tous, cette affaire est un test.” Avant de questionner : “Jusqu’à quel point allons-nous accepter que l’antiterrorisme permette n’importe quand d’inculper n’importe qui ?”

Une vingtaine de signatures a été recueillie hier y compris par des gens qui ne savaient pas (ou avaient oublié ?) qui est Julien Coupat, où est Tarnac, comment les trains ont été perturbés à l’automne. Il y a cet étudiant qui connait bien l’affaire : “Ce n’est pas logique qu’on libère tout le monde et qu’on le laisse en prison. Et qu’on nous dise par pourquoi on l’y laisse.” Ou cette dame qui a dépassé la cinquantaine : “Je ne vois pas comment on peut mettre des gens en prison sur des points aussi vagues. C’est un délit d’opinion. Cette affaire est révélatrice d’une société où le sécuritaire est toujours mis en valeur. C’est très facile de faire peur aux gens et de les faire se cadenasser chez eux. On a peur du voisin, de l’immigré,… On a tellement peur qu’on ne voit pas les atteintes au droit du travail, à la sécurité sociale, etc.”

Bref, de la matière à apporter aux forums “libertés et sécurité” organisés dans toute la France depuis le 16 mars et jusqu’au 18 mai. Et en particulier à celui qui aura lieu vendredi, 12h, au palais des sports de Castelnau-le-Lez en présence de Michèle Alliot-Marie. Objectif de ces forums : “Permettre le débat entre les forces de l’ordre et les Français, d’expliquer les méthodes et les actions.”


Par Jacques-Olivier Teyssier








16 avril:

La fabrique d’un présumé coupable

paru sur www.liberation.fr

C’est la chronique d’un nouveau fiasco judiciaire. D’une enquête qu’on disait «fulgurante» et qui ne cesse de perdre pied.


par KARL LASKE


Dernier suspect écroué dans l’affaire des sabotages des lignes de TGV, Julien Coupat, 34 ans, mis en examen pour «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste» est maintenu en détention après le rejet de trois demandes de remise en liberté, dont la dernière fin mars. Il termine son sixième mois de détention.

«Sa détention provisoire se prolonge en dehors des règles de droit, s’indigne Me Irène Terrel, son avocate. Il n’a pas de casier judiciaire, les faits qui lui sont reprochés sont des dégradations qui n’ont rien à voir avec du terrorisme. Non seulement aucun élément matériel n’a été retrouvé, pas de trace d’ADN, ni d’empreinte, mais les faits sont revendiqués par d’autres, en Allemagne !» Un collectif antinucléaire d’outre-Rhin a, en effet, revendiqué les actions de sabotage et ce dès le 10 novembre.

Le manque de preuves et la volonté de maintenir l’accusation de terrorisme provoquent lentement la dérive du dossier. Dernier exemple en date: le juge d’instruction a consacré ses derniers interrogatoires à l’analyse de L’insurrection qui vient, un petit livre publié sous la signature du Comité invisible en 2007, et dont Julien Coupat est soupçonné d’être l’auteur.

«Deal». Jeudi dernier, Eric Hazan, l’éditeur à «la Fabrique» de L’insurrection qui vient a été interrogé durant trois heures par les policiers de la sous-direction de l’antiterrorisme (Sdat). L’intérêt policier pour le livre tient dans le fait que «le réseau TGV» soit mentionné parmi les cibles potentielles d’un sabotage insurrectionnel, et surtout qu’un témoin sous x a désigné Coupat, non pas comme l’auteur des sabotages, mais comme l’auteur de l’ouvrage… Julien Coupat nie pour les sabotages comme pour le livre. A la question «Qui est l’auteur principal ou collectif de L’insurrection qui vient ?», il a clairement répondu au juge: «Je l’ignore et je ne suis pas l’auteur de ce livre.»

«J’ai dit aux policiers que ce livre a été écrit par un collectif d’auteurs dont je me suis engagé à préserver l’anonymat», explique Eric Hazan à Libération. Aucun contrat n’a d’ailleurs été signé. «Ils ne voulaient pas d’argent, le deal était que je leur donne autant de livres qu’ils voulaient.»

Mais les policiers ont aussi consigné les réponses d’Eric Hazan interviewé sur RMC sur le livre. «On l’a qualifié de bréviaire anarchiste… de manuel de terrorisme… En fait, c’est un livre de critique sociale et de philosophie, a expliqué l’éditeur. Julien Coupat n’est pas un spécialiste de sabotage ou de cocktail Molotov, c’est un philosophe, il a écrit un livre de philosophie.» Les policiers surlignent la phrase «il a écrit». «Je me suis embrouillé ce jour-là au téléphone, concède Eric Hazan. Mais ils ont relevé cette phrase, en oubliant les dizaines d’autres. Leur problème n’est pas de faire émerger la vérité, mais de charger à fond.»

«Légal». Les policiers ont aussi réalisé la retranscription de Salut les terriens, l’émission de Thierry Ardisson, qui avait interviewé Gérard Coupat, le père de Julien. «Cela montre le vide du dossier et le manque de sérieux de cette instruction», s’insurge Eric Hazan.

Le Comité invisible, présenté dans le livre comme un «collectif imaginaire», est devenu l’appellation policière du groupe. Le procureur Jean-Claude Marin l’a transformé en «cellule invisible» lors de sa conférence de presse, en novembre. «Nous avons retrouvé des écrits qui légitiment les attaques contre l’Etat», avait dit la ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, en décembre. Dans la foulée, le juge Fragnoli a estimé que le livre pourrait être «le support idéologique justifiant les actes de sabotages». «C’est un ouvrage public, légal, qu’on trouve à la Fnac, qui n’a jamais fait l’objet d’aucune poursuite», s’insurge Irène Terrel.


+ suivi d'un article : Sept mois de traque d’une cellule invisible








16 avril:

MAM à Inter - Morceaux choisis

Mam est l'invité du 7-10 de france inter le 16/04/09

Morceaux choisis:

- Sa réaction sur l'affaire de Tarnac et sur sa proposition
d'interdire le port de la cagoule pendant les manifs.

- Ses réponses aux questions de 2 auditeurs.











16 avril:

Coupat : l'affaire dans l'affaire

paru sur www.politis.fr
par Sébastien Fontenelle










18 avril:

Julien Coupat forcément coupable ?

paru sur www.sudouest.com

« ULTRAGAUCHE ». Alors que Julien Coupat est toujours en prison, le dossier des « terroristes » de Tarnac paraît vide. Dernière pièce versée : une émission de Thierry Ardisson


L'affaire de « l'ultragauche » corrézienne prend l'eau de toute part. Elle fuite dans « Le Monde », puis dans « Charlie Hebdo », puis dans « Libération ». Et, à en lire les morceaux choisis, le dossier est désespérément vide.

Face à ce pilonnage en règle, la ministre de l'Intérieur répond a minima. « Ce ne sont pas les journaux qui rendent la justice dans notre pays, a déclaré Michèle Alliot-Marie, jeudi sur France Inter. La police a apporté et continue d'apporter au juge un certain nombre d'éléments. » Dont on ne saura rien car, a conclu la ministre, « ceux qui savent n'ont pas le droit de parler ».

Julien Coupat est derrière les barreaux depuis ce 11 novembre 2008 quand quelque 150 policiers ont investi la petite communauté de Tarnac, en Corrèze, où il vivait. Il est la dernière personne incarcérée parmi les dix mises en examen pour « dégradation de biens et association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste », dans le cadre de l'affaire des sabotages des lignes SNCF.

Dès mars 2007

Au tout début de l'enquête, largement médiatisée par le ministère de l'Intérieur, il était question de preuves irréfutables, de traces d'ADN confondantes. Aujourd'hui, il apparaît clairement que le coup de filet de Tarnac était l'aboutissement non pas de l'enquête sur les dégradations commises sur les lignes TGV mais d'un long travail de surveillance policière entamé dès mars 2007 avec la publication de « L'Insurrection qui vient » (« Sud Ouest » du 12 novembre 2008).

Objectif : donner corps à cette « ultragauche anarcho-autonome » que dénonce Michèle Alliot-Marie. L'ouvrage, resté alors confidentiel, serait à la fois la bible et le manuel du parfait petit terroriste. Les policiers sont persuadés que cet essai collectif, signé d'un mystérieux Comité invisible, est l'oeuvre de Julien Coupat, ce qu'il nie.

Le dossier d'instruction ne compte pas moins de 4 000 pages et plus de 900 actes de procédure. Qu'apprend-il ? Que ceux de Tarnac ne vivent pas et ne pensent pas comme tout le monde. Qu'ils ont participé à des manifestations parfois violentes. Que, la nuit du 7 au 8 novembre, Julien Coupat et Yldune Lévy se trouvaient bien en Seine-et-Marne, à deux pas de l'endroit où une ligne SNCF a été sabotée (« Nous avons fait l'amour », ont-ils expliqué au juge Thierry Fragnoli).

« Vide sidéral »

Pour le reste, ce sont des kilomètres de rapports de filatures, de transcriptions d'écoutes téléphoniques, d'enregistrements de vidéosurveillance, de comptes rendus d'expertises, de dépositions...

« La police a engagé sur cette affaire des moyens colossaux, pointe Me Terrel. Pendant des mois, le groupe de Tarnac a été filé, espionné, mis sur écoute. On a même saisi Tracfin pour voir si l'acquisition de la ferme du Goutailloux ne cachait pas une opération de blanchiment d'argent. Rien. Vous pensez bien que s'il y avait des éléments à trouver, ils les auraient trouvés ! »

Pour combler ce « vide sidéral », dixit l'avocate, la justice fait feu de tout bois. Le juge vient même de verser au dossier la transcription intégrale d'une émission télé de... Thierry Ardisson à laquelle Gérard Coupat, le père de Julien, était invité. « Je ne me souviens pas précisément de ce que j'ai pu dire, explique l'intéressé, mais c'était sans doute ce que je répète depuis le début : Julien est un militant, pas un terroriste. C'est un prisonnier d'opinion pris dans une manipulation politico-judiciaire. »

« Si c'est cela les "nouveaux éléments" de Mme Alliot-Marie, ironise Irène Terrel, c'est bien la preuve du sérieux des accusations. Toute l'instruction est menée à charge, à partir de rien. »

Auteur : pierre-marie lemaire
lemaire@sudouest.com







20 avril:

De l'affaire Coupat à l'affaire Hazan ?

paru sur www.lemonde.fr

"Si le viol, le poison, le poignard, l'incendie/N'ont pas encor brodé de leurs plaisants dessins/Le canevas banal de nos piteux destins,/C'est que notre âme, hélas ! N'est pas assez hardie." En août 1857, ce ne sont pas ces vers qui ont valu à Baudelaire et son éditeur Auguste Poulet-Malassis la censure des Fleurs du mal, mais six poèmes "licencieux" de ce recueil, relevant selon la justice de l'"outrage à la morale publique". La France de 2009 n'est certes plus celle du Second Empire : les bien tièdes "outrances" érotiques de Baudelaire passeraient aujourd'hui comme une lettre à la poste.

Un progrès, assurément. Mais est-ce si sûr ? Car ces vers-là, qui pourrait garantir qu'ils ne tomberaient pas aujourd'hui sous le coup d'une instruction pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste" ?

Le parallèle s'impose en effet, à la lecture de la prose policière relative à l'"affaire de Tarnac", qui a valu à Julien Coupat et huit autres personnes d'être arrêtés le 11 novembre 2008 puis d'être mis en examen sous ce motif, car soupçonnés de sabotages visant le réseau de la SNCF. Au fil des mois, la pièce essentielle de cette accusation semble se réduire à... un livre : L'insurrection qui vient, signé par un "Comité invisible" et publié en mars 2007 par les Editions La Fabrique, que dirige Eric Hazan.

En témoigne notamment le rapport de la sous-direction antiterroriste de la direction centrale de la police judiciaire au procureur de Paris établi le 15 novembre 2008 et explicitant les "investigations diligentées en exécution des réquisitions (...) ayant permis d'identifier et de démanteler une structure clandestine anarcho-autonome basée sur le territoire national et se livrant à des opérations de déstabilisation de l'Etat".

Que dit ce rapport ? Ceci : "Ce groupe constitué autour de son leader charismatique et idéologue, le nommé Julien Coupat, (...) obéit à une doctrine philosophico-insurrectionnaliste qui, ayant fait le constat que la société actuelle est "un cadavre putride" (tel qu'il est mentionné au sein du pamphlet intitulé "L'insurrection qui vient" signé du Comité invisible, nom du groupe constitué autour de Julien Coupat), a décidé d'user des moyens nécessaires pour se "débarrasser du cadavre" et provoquer la chute de l'Etat."

Et il ajoute : "Les cibles désignées dans cet ouvrage, dont il a été établi dans la présente enquête qu'il avait été rédigé sous l'égide de Julien Coupat, étant, de manière récurrente, tout ce qui peut être, par analogie, défini comme un "flux" permettant la survie de l'Etat et la société de consommation qu'il protège. Sont ainsi cités dans cet opuscule, avec insistance, le réseau TGV et les lignes électriques comme autant de points névralgiques par le sabotage desquels les activistes peuvent, à peu de frais, arrêter plus ou moins durablement les échanges de biens et de personnes, et ainsi porter un coup au système économique qu'ils combattent."

Par les temps qui courent, ceux de la paranoïa d'Etat, nous pouvons comprendre pourquoi un écrit "subversif" d'un groupe de révoltés - dont la genèse collective et volontairement anonyme ne permet pourtant de l'attribuer à aucun individu en particulier - suscite les exégèses orientées des services de police.

Mais pour autant, comment admettre que cela suffise à arrêter, à grand spectacle, de simples dissidents de l'ordre dominant ? Et comment admettre que l'éditeur du livre qui leur est attribué, cette fameuse "insurrection qui vient", soit entendu comme "témoin" dans l'affaire, alors qu'il n'est évidemment pas témoin des faits instruits ? Cette convocation par l'antiterrorisme vise évidemment à en faire un "complice objectif" d'une prétendue "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste" ?

Car c'est bien ce qu'il faut retenir de l'audition, le 9 avril pendant trois heures trente, par la sous-direction de l'antiterrorisme de la police judiciaire, d'Eric Hazan, l'éditeur de L'Insurrection qui vient. Cette convocation avait évidemment pour objectif d'établir un lien entre ce livre et la sombre "affaire des caténaires". "On n'a pas vu ça depuis la guerre d'Algérie", a déclaré Me Antoine Comte, l'avocat de l'éditeur.

Cela, nous ne l'admettons pas : pour nous, l'édition est avant tout un espace de liberté. La question n'est pas d'être d'accord ou non avec les thèses du "comité invisible". La question, c'est, très simplement, celle de la liberté d'expression, aujourd'hui gravement menacée en France par les représentants de son Etat, au nom d'une conception dévoyée de la lutte contre le terrorisme.

L'"affaire Hazan" n'est qu'un des nombreux symptômes de cette dérive. C'est pourquoi nous tenons à affirmer notre pleine solidarité avec notre confrère.



Auteur :
François Gèze (éd. La Découverte)

Premiers signataires : Patrick Beaune (éd. Champ Vallon), Laurent Beccaria (Les Arènes), David Benassayag (Le Point du Jour), Olivier Bétourné (Albin Michel), Teresa Cremisi (Flammarion), Bernard Coutaz et Frédéric Salbans (Harmonia Mundi), Gilles Haéri (Flammarion), Marion Hennebert (éditions de l'Aube), Hugues Jallon (La Découverte), Joëlle Losfeld (éd. Joëlle Losfeld), Anne-Marie Métailié (Métailié), Françoise Nyssen (Actes Sud), Paul Otchakovsky-Laurens (P.O.L.), Jean-Marie Ozanne (Folie d'encre), Yves Pagès (éd. Verticales), Rémy Toulouse (Les Prairies ordinaires), Michel Valensi (éd. de l'Eclat).








21 avril:
Les livres de Coupat sur PV.

Paru sur Libération.fr
Par GAËL COGNÉ


Les lectures du dernier détenu de l’affaire de Tarnac intéressent les enquêteurs



«Il pouvait oublier de manger ou de dormir pour lire.» Quelques jours après les médiatiques arrestations de Tarnac (Corrèze), en novembre, Olivier Pascault, ancien étudiant à l’EHESS, se rappelait en ces termes son ancien condisciple Julien Coupat. Les lectures du dernier détenu de l’affaire de Tarnac intéressent les enquêteurs à l’instar de la ministre de l’Intérieur qui a évoqué des «écrits qui légitiment les attaques contre l’Etat».

Dans le dossier d’instruction un long PV revient sur la bibliothèque de la communauté de Tarnac. «Cinq mille ouvrages», écrit en gras le brigadier qui relate les perquisitions du 11 novembre. Des livres conservés dans une pièce de l’appartement du 2, place de l’Eglise, à Tarnac et classés entre «les archives, les pensées philosophiques, les ouvrages littéraires et l’histoire des civilisations».

De cette bibliothèque, on ne connaît qu’un fragment : les ouvrages qui ont retenu l’attention des enquêteurs (27 en tout). La plupart, sont des livres gauchistes comme Books for Burning, d’Antonio Negri, The Insurrectionnal Project, d’Alfredo M. Bonanno, un anarchiste italien, Passage à l’acte, de Michael «Bommi» Baumman, un militant d’extrême gauche allemand. Plusieurs sont dans la langue d’origine. D’autres sont des ouvrages d’experts à l’instar de Black Blocks, la liberté et l’égalité se manifestent, de Francis Dupuis-Déri, professeur en sciences politiques à l’université du Québec à Montréal. Un auteur abondamment cité lors du contre-sommet de l’Otan.

Plus amusant, les enquêteurs s’arrêtent sur The Adventures of Tintin - Breaking free, un détournement anticapitaliste de Tintin,Anarchie au Royaume-Uni, de Nick Cohn, dont le titre s’inspire d’un morceau des Sex Pistols, groupe punk, ou Techniques du chaos de Timothy Leary, le pape du LSD. Finalement, point de petit manuel du parfait saboteur de TGV. Mais une collection de brochures et de textes disponibles sur Internet ou en librairie.

Aujourd’hui, les enquêteurs cherchent à déterminer si Julien Coupat est l’auteur de l’Insurrection qui vient. Un texte signé d’un Comité invisible qui pourrait être «le support idéologique justifiant les actes de sabotage», pour le juge Thierry Fragnoli. Julien Coupat nie, son éditeur aussi, et parle d’un «livre de critique sociale et de philosophie».







22 avril:

L’aventure théorique de Julien Coupat

paru sur www.liberation.fr


Philosophie. Le dernier des détenus de Tarnac fut, de 1999 à 2001, un des animateurs de la revue Tiqqun.



Emprisonné depuis près de six mois dans le cadre de l’enquête sur les sabotages de TGV, Julien Coupat est aussi un jeune intellectuel qui, de 1999 à 2001, fut l’un des six animateurs d’une aventure aussi brève qu’intense : celle de la revue Tiqqun. Deux numéros seulement sont parus (1) qui, par leur style et leur contenu, annoncent l’Insurrection qui vient, le fameux manifeste «anarcho-autonome» dont la police attribue la rédaction à Julien Coupat. Durant cette brève aventure, Tiqqun avait noué un dialogue étroit avec le philosophe italien Giorgio Agamben. Dimanche soir, c’est ce dernier qui, dans une salle du XVIIIe arrondissement de Paris, est venu présenter Contribution à la guerre en cours (2), reprise de plusieurs articles de Tiqqun.

Filiation. Contribution est un ouvrage de philosophie politique particulièrement difficile, écrit dans une langue sophistiquée et saturée de références. Au départ du raisonnement, il y a la volonté de récuser toutes les philosophies politiques existantes, toutes les «anthropologies positives» qui prétendent dire «ce que c’est, "un homme", ce que "nous" sommes, ce qu’il est permis de vouloir et d’être». Par exemple, la philosophie anglo-saxonne qui réduit l’homme à l’homo œconomicus. Tiqqun aspire au contraire à «une anthropologie radicalement négative», à «quelques abstractions suffisamment vides, suffisamment transparentes pour nous interdire de préjuger de rien». Une façon, lit-on, de laisser «à chaque être et à chaque situation sa disposition au miracle».

Dimanche, dans sa présentation, Giorgio Agamben a placé Tiqqun dans la filiation du dernier Michel Foucault. En 1983, celui-ci dénonçait la propension de la gauche à se figurer l’histoire comme un simple conflit entre l’individu opprimé et le pouvoir oppresseur. A cette interprétation naïve, il proposait de substituer l’analyse du pouvoir comme ensemble de dispositifs sociaux (surveillance policière, politiques publiques…) dont chaque individu est constitué et à l’intérieur duquel il va se former lui-même, c’est-à-dire devenir «sujet». Or, poursuit Giorgio Agamben, «Tiqqun va encore plus loin : pour eux, il n’y a plus de différence entre le pouvoir et le sujet. Il n’y a plus de sujet, il n’y a plus de théorie du sujet, mais seulement des "dispositifs"».

Autoroute. Ce pouvoir qui est partout et qui n’a plus de centre, Tiqqun l’appelle «l’Empire» (à ne pas confondre avec celui du philosophe italien Toni Negri, vertement critiqué à plusieurs reprises) et repose sur deux piliers, le Biopouvoir et le Spectacle (hommage, cette fois, aux grands inspirateurs de Tiqqun, puisque le premier terme est emprunté à Michel Foucault, le second à Guy Debord). «L’ennemi de l’Empire est intérieur. […] C’est tout ce qui pourrait arriver, et qui mettrait à mal le maillage des normes et des dispositifs. L’ennemi est donc, logiquement, partout présent, sous la forme du risque.» Pour se faire une idée plus concrète du propos, on lira à cet égard, page 121, l’analyse inattendue mais éclairante de l’autoroute comme dispositif : «Là, le maximum de circulation coïncide avec le maximum de contrôle […]. Tout a été soigneusement paramétré pour que rien ne se passe.»

Dimanche, quelqu’un dans la salle a lancé : «Tout cela est bien abstrait. Concrètement, que faut-il faire de cela ?» Ecrit il y a huit ans, Contribution à la guerre en cours refuse d’être un programme. Mais une piste s’y esquisse. Aujourd’hui, chacun est sommé d’avoir une identité, d’être «grand, blanc, fou, riche» (en philosophie, cela s’appelle des «prédicats»), de se comporter «en homme, en employé, en chômeur, en mère»… Tiqqun propose de subvertir ce principe, d’être infidèle à son identité, de «faire la grève humaine», de «refuser de jouer le rôle de la victime», de «se réapproprier la violence». De «laisser être une béance entre le sujet et ses prédicats». Oui, c’est abstrait : il faudra se débrouiller avec ça.


(1) Articles consultables sur www.bloom0101.org (2) Editions la Fabrique, 197 pp., 12 euros, à paraître demain.



ÉRIC AESCHIMANN








22 avril:

Julien Coupat: «L'antiterrorisme est la forme moderne du procès en sorcellerie»


paru sur www.mediapart.fr










25 avril:

Pourquoi l'affaire Coupat nous concerne tous

paru sur www.mediapart.fr

Cette analyse fait suite aux nombreux articles de Mediapart sur l'affaire de Tarnac, sous les signatures de Jade Lindgaard, David Dufresne, Erich Inciyan, Fabrice Arfi et Fabrice Lhomme. Parmi les premiers, ils ont mis en évidence la disproportion entre la version officielle et la réalité de l'enquête. Or, malgré cette démonstration, aujourd'hui partagée par d'autres journaux et médias, les grands partis d'opposition et les grandes consciences intellectuelles ne se sont jusqu'ici guère émus ou exprimés. Comme si le radicalisme supposé des neuf de Tarnac les incitait à la prudence ou les invitait à la distance. C'est à ces silencieux et à ces timorés que s'adresse en priorité cette réflexion autour d'une affaire qui me semble un révélateur des vrais dangers qui nous menacent. Dans l'espoir qu'ils se réveillent et s'engagent



LIRE L'ARTICLE COMPLET ICI








25 avril:

160 jours de détention pour J.Coupat


Le Groland Mag'zine débute par un bien triste décompte :

" Aujourd'hui 25 avril 2009, cela fait maintenant 160 jours que Julien Coupat est détenu par la justice française. Comme dans les cachots du Roi à la grande époque, enfermé aux oubliettes et avec personne qui n'en parle à la cour ... "










28 avril:

Libérez Julien Coupat !, par Irène Terrel

paru sur www.lemonde.fr

Tout ou presque a été dit sur le dossier, sur l'inconsistance des charges, sur la présomption de culpabilité dont bénéficient les détenus politiquement ciblés, sur les détentions provisoires qui trop souvent sont la règle, sur l'absurdité de l'épithète "terroriste" accolée à une dégradation purement matérielle, sur la toute-puissance du parquet, sur les dérives tentaculaires des lois antiterroristes, sur la criminalisation à découvert de l'édition, sur l'expansion à l'infini des répressions, ici les bandes, là, les cagoules, etc.

Tous ou presque ont exprimé leur indignation, leur solidarité, leur intérêt, pas une émission politique, culturelle, branchée ou pas, du matin au soir, pas un blog, pas un journal qui n'y soit allé de son couplet pro-Tarnac. Sûrement, bientôt des livres dévoileront le mystère de la nuit des caténaires...

Et pourtant Julien Coupat est toujours détenu, sans même, au diable la jurisprudence européenne, avoir été autorisé à étudier son propre dossier... ! Cela fera bientôt six mois qu'il arpente les courettes de la Santé, les sous-sols du Palais de justice, les cabinets des juges, et qu'en rentrant le soir dans sa cellule, si petite qu'elle pourrait devenir invisible, il découvre sa photo de filature sur l'écran de la télévision...

Huit "terroristes" pourtant vite relâchés, abusivement dispersés depuis dans l'Hexagone et, lui seul, toujours détenu, mais pourquoi ?

Pour s'être tu pendant quatre-vingt-seize heures de garde à vue antiterroriste, pour avoir défié les convenances judiciaires, pour avoir protesté contre les fouilles à nu, pour avoir refusé les enquêtes de personnalité, pour avoir ri parfois du questionnement des juges, pour n'avoir pas livré ses goûts littéraires, ses penchants philosophiques, ses opinions politiques, pour avoir sillonné le monde sans téléphone portable et s'y être fait des amis dont il a tu les noms, pour avoir refusé tous les fichages, pour avoir pensé, écrit, manifesté, voyagé, pour n'être pas tombé dans le panneau des idéologies précuites, pour avoir dérangé l'ordre morose d'un temps qui parfois passe si lentement, bref pour avoir à sa façon "travaillé à l'établissement conscient et collectif d'une nouvelle civilisation" (Armand Gatti).

Déjà, souvenons-nous, le 19 décembre 2008, un juge des libertés et de la détention (depuis lors introuvable) avait ordonné sa libération, en estimant "que dans ce dossier, toutes les personnes mises en examen ont été placées sous contrôle judiciaire (...), que Julien Coupat a été interrogé (...), que la détention provisoire de l'intéressé n'apparaît pas aujourd'hui indispensable à la manifestation de la vérité (...), qu'il offre toutes garanties de représentation, qu'au surplus, il n'a jamais été condamné". C'était compter sans l'acharnement désespéré d'un parquet mis à mal.

Une nouvelle demande de mise en liberté a été déposée au nom de la simple application de la loi française : "La personne mise en examen, présumée innocente, reste libre" (article 137 du code de procédure pénale).

"Vous tiendrez votre liberté de ce que vous aurez libéré..."
, écrivait le poète Joë Bousquet. Que tous ceux qui se sentent concernés demandent avec nous la libération immédiate de Julien Coupat.

Irène Terrel est avocate.







29 avril:

Coupat ou pas?

paru sur www.lejdd.fr




Par Jérôme GUILLAS

Rebondissement? Diversion? L'arrestation d'une femme, mardi à Paris, par les policiers de la sous-direction anti-terroriste, dans le cadre de l'enquête sur des sabotages de lignes TGV relance une affaire embourbée. De même que les révélations du Point, affirmant que les enquêteurs disposent de nouveaux éléments à charge contre Julien Coupat, toujours incarcéré à la Santé.


Une longue investigation dont les fruits tardent à être récoltés. En cinq mois, les policiers de la sous-direction anti-terroriste (Sdat) n'ont toujours pas recueilli de preuve tangible de l'implication de Julien Coupat, cerveau présumé d'un groupe de saboteurs de lignes SNCF. L'arrestation d'une jeune femme de 36 ans, mardi à Paris, dans le 20e arrondissement, sur commission rogatoire du juge Thierry Fragnoli qui instruit le dossier, ne semble pas apporter de l'eau au moulin des enquêteurs. Le tort de cette personne? Les policiers l'ont repérée autour d'une ferme de Tarnac, en Corrèze, où le couple Julien Coupat-Yildune Lévy réunissait quelques amis pour animer des soirées autour de discussions philosophiques et politiques. Ce sont d'ailleurs les lectures du couple, au sein d'une bibliothèque de 5 000 ouvrages, qui ont intrigué les enquêteurs. Vingt-sept livres exactement, parmi lesquels Techniques du chaos, de Timothy Leary, ou encore Black Blocks, la liberté et l'égalité se manifestent, de Francis Dupuis-Déri. Coupable de mauvaises lectures Julien Coupat? L'enquête le dira. Si elle se termine un jour.

Des éléments probants?

L'arrestation de la jeune femme mardi à Paris, placée en garde-à- vue pour une durée de 96 heures, la fera peut-être avancer. Elle ne semble pas cependant être directement liée à Julien Coupat. Le Point en revanche, sur son site internet, semble détenir des informations qui pourraient prolonger la détention du principal suspect. Les policiers auraient saisi un carnet appartenant à Coupat et dans lequel figurerait une liste de fournitures permettant des sabotages en série ainsi que des documents prouvant ses relations avec la mouvance anarcho-autonome américaine. Parmi la liste figurent "tubes et ficelles", potentiellement utilisés pour poser des crochets métalliques sur les caténaires, ou encore "gants spéciaux, 25 000 v", révèle Le Point. Le carnet aurait été retrouvé dans une voiture que "Coupat et ses compagnons avaient abandonnée au Canada pour entrer clandestinement aux États-Unis. Les militants de Tarnac avaient alors gagné New York et participé à plusieurs réunions avec d'autres groupes" de l'ultragauche, poursuit l'édition électronique de l'hebdomadaire.

L'avocate de Coupat, Me Irène Terrel, a annoncé dans une tribune publiée dans Le Monde datée du 29 avril qu'elle déposait une nouvelle demande de remise en liberté de son client, placé en détention provisoire depuis novembre 2008. A ce jour, la seule "culpabilité" avérée de Julien Coupat se concentre autour de ses fréquentations et de ses lectures. Un drôle de crime pour une histoire qui l'est beaucoup moins.







29 avril:

Sabotages SNCF: une femme interpellée à Paris

paru sur www.liberation.fr

Elle ne serait pas directement liée à Julien Coupat, présenté par les enquêteurs comme le cerveau du groupe soupçonné de sabotages et seul mis en examen à être toujours détenu dans ce dossier.
Une femme de 36 ans a été interpellée mardi matin à Paris par les policiers de la Sous-direction antiterroriste (Sdat) dans le cadre de l'enquête sur des sabotages de lignes TGV commis en novembre 2008.


Cette femme a été interpellée mardi matin dans le XXe arrondissement de Paris sur commission rogatoire du juge Thierry Fragnoli qui instruit le dossier des sabotages de lignes SNCF commis à l'automne 2008.


Elle a été placée en garde à vue dans les locaux de la Sdat à Levallois (Hauts-de-Seine). Sa garde à vue peut durer jusqu'à 96 heures s'agissant d'un dossier de terrorisme.


Elle aurait gravité autour d'une ferme de Tarnac (Corrèze) où vivait une partie des jeunes mis en examen dans ce dossier. Elle ne serait pas directement liée à Julien Coupat, présenté par les enquêteurs comme le cerveau du groupe soupçonné de sabotages et seul mis en examen toujours détenu dans ce dossier. Elle aurait plutôt été en relation régulière avec d'autres membres de ce groupe.


Neuf jeunes gens, âgés de 22 à 34 ans, avaient été mis en examen en novembre pour destructions et association de malfaiteurs, le tout en relation avec une entreprise terroriste. Ils sont soupçonnés d'appartenir à un groupe d'ultragauche à l'origine de dégradations contre des lignes TGV.


(Source AFP)





"On sent bien que l’enquête piétine", estime Mathieu, l’un des inculpés dans cette affaire, joint par Europe1:









29 avril:

Sabotages de lignes SNCF: prolongation de la garde à vue d'une femme arrêtée à Paris


PARIS (AFP) — La garde à vue de la femme de 36 ans, interpellée mardi dans l'enquête sur des sabotages de lignes TGV commis en novembre 2008, a été prolongée mercredi de 24 heures, a-t-on appris de sources proches du dossier.

Cette femme, animatrice du comité de soutien aux membres du "groupe de Tarnac" poursuivis dans ce dossier, notamment pour association de malfaiteurs à caractère terroriste, a été interpellée dans le XXe arrondissement de Paris, sur commission rogatoire du juge Thierry Fragnoli. Sa garde à vue est susceptible de durer jusqu'à 96 heures.

Interrogée par les policiers de la Sous-direction antiterroriste (Sdat) à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), elle est soupçonnée d'avoir été en contact avec plusieurs membres de ce groupe mais ne serait pas directement liée à Julien Coupat, présenté par les enquêteurs comme leur chef.

Les policiers souhaitent également savoir les raisons pour lesquelles Benjamin Rosoux, Gabrielle Hallez et Manon Glibert, trois des mis en examen, avaient été contrôlés par les gendarmes alors qu'ils dormaient à bord d'une voiture lui appartenant, selon une source proche du dossier.

Les trois mis en examen avaient été contrôlés le soir du 7 novembre sur la commune de Haut-Clocher (Moselle) en lisière d'un bois, à moins de quatre kilomètres d'une ligne ferroviaire sur laquelle devait passer cette nuit-là un train "Castor" transportant des déchets nucléaires.

La même nuit, un sabotage de ligne SNCF avait lieu à moins de 10 kilomètres de là, relèvent les policiers de la Sdat. Benjamin Rosoux, Gabrielle Hallez et Manon Glibert ne sont cependant pas poursuivis pour ce fait-là.

Les enquêteurs disposent par ailleurs de nouveaux éléments transmis par les autorités canadiennes dans le cadre d'une commission rogatoire internationale, selon une source proche de l'enquête, confirmant une information du Point.

Les Canadiens ont notamment transmis des photocopies d'un carnet de notes ayant appartenu à Julien Coupat retrouvé dans une voiture après un voyage effectué en janvier 2008 aux Etats-Unis et au Canada.

Dans ce carnet figure notamment la mention de "tubes et ficelles", susceptibles d'être utilisés pour poser des crochets métalliques sur les caténaires sans risquer l'électrocution. Le carnet mentionne également des "gants spéciaux, 25.000 V". La tension électrique qui traverse les lignes TGV s'élève justement à 25.000 volts, relève une source proche de l'enquête.

Ce sac contenait par ailleurs plusieurs photos d'identité de Julien Coupat, ainsi que des documents nourrissant l'hypothèse de liens entre Coupat et des militants autonomes étrangers.


AFP






29 avril:

La demande de mise en liberté de Julien Coupat à nouveau rejetée

paru sur www.lemonde.fr

Julien Coupat, incarcéré depuis le 15 novembre dans l'enquête sur des dégradations contre des lignes SNCF, voit encore un espoir de libération s'envoler. Selon les informations du journal Le Monde, sa demande de remise en liberté a de nouveau été rejetée, mercredi 29 avril. Il s'agissait de la quatrième demande de mise en liberté déposée par cet homme de 35 ans mis en examen pour "direction d'une entreprise terroriste et destructions en réunion à visée terroriste".

Le 13 mars, lors du troisième refus, son avocate, Me Irène Terrel, avait annoncé qu'elle allait "demander à ce que la juridiction antiterroriste soit déclarée incompétente". Julien Coupat reste le seul détenu parmi les neuf personnes mises en examen dans cette enquête.

Mardi, dans le cadre de l'enquête des sabotages de la SNCF, une femme de 36 ans a été interpellée par les policiers de la sous-direction antiterroriste à Paris et placée en garde à vue. Cette femme, prénommée Tessa, était en relation avec des membres du groupe de Tarnac (Corrèze) soupçonnés d'avoir dégradé les voies SNCF en novembre 2008. Membre de l'un des comités de soutien "aux inculpés du 11 novembre", elle aurait prêté son véhicule à plusieurs d'entre eux, contrôlés en octobre 2008.











30 avril:

L’époque révélée par l’affaire des neuf de Tarnac

paru sur www.liberation.fr

Par les comités de soutien aux inculpés du 11 novembre


C’est raté. Nous n’avons pas eu peur des terroristes «anarcho-autonomes» tissant des réseaux internationaux. Cette irruption si brutale, si grossière, de la police politique nous a poussés à mettre des mots sur nos amertumes, à sortir de nos isolements.

Dès le lendemain des arrestations, les comités de soutien ont fleuri comme des crocus après le dégel. Sans concertation ni mot d’ordre, la contagion a opéré : concerts, débats, rencontres, soirées… Partout, le soutien a réuni des dizaines, des centaines de personnes.

C’est raté. C’était trop gros, peut-être. Personne n’a voulu croire que celles et ceux qu’on accusait d’avoir débranché des TGV étaient des brutes sanguinaires qui fomentaient de terribles attentats. L’affaire de Tarnac a été un déclic. Parce que nous avions oublié qu’on traitait ainsi les ennemi-e-s politiques, oublié que quelques intentions radicales pouvaient mener si officiellement dans vos geôles. Nous ne savions pas non plus que ce qui représente à vos yeux un si grand danger était isolable dans une fantasmatique mouvance. Nous avons senti, différemment, de maints endroits, épidermiquement, que quelque chose clochait. Et si ces arrestations mettent à jour une volonté de terroriser, elle ne vient pas des personnes inculpées. Il y a une étrange résonance, partout où nous évoquons l’affaire qui ici nous occupe.

Et nous sentons bien que le soutien, au moins autant que dans le nombre des signataires d’une pétition, est dans le regard amusé de la passante qui observe une altercation entre des policiers et un groupe de jeunes en souhaitant secrètement que ces derniers l’emportent, qu’il est dans l’œil espiègle de celui qui consulte au bureau un pamphlet antisocial caché dans un manuel de management, dans le geste discret de l’administratif dissimulant les pièces qui justifieraient une reconduite à la frontière, dans la détermination de celles et ceux qui séquestrent leurs patrons, qui pratiquent les réquisitions de biens, ou dans la tension qui monte désormais systématiquement à chaque fin de cortège. L’«affaire de Tarnac» est un prisme efficace pour lire l’époque et les luttes qui la traversent. On reconsidère avec moins d’indifférence les arrestations - plus discrètes - qui avaient précédé. On voit plus clairement à quoi servent les lois antiterroristes. Et à quoi sert le fichage, et ce qu’il en coûte de vouloir s’y soustraire, et ce qu’il en coûte d’accepter de s’y soumettre. Ce qui était diffus, dans l’air, s’est cristallisé là de telle manière qu’il est devenu très difficile de ne pas prendre parti.

On saisit mieux la nécessité pour un gouvernement, dans une époque si explosive, d’inventer la figure d’un ennemi intérieur. Et l’on devine en filigrane le cauchemar inavoué d’un système qui perd pied : celui dans lequel les citoyens d’hier arrêtent de jouer le jeu, se défient de l’ordre établi, et s’organisent en conséquence. Il y a finalement bien des légendes auxquelles, en chemin, nous avons cessé de croire. Comment, dès lors, ne pas se sentir proche d’insoumis-es qui ont pris au sérieux la nécessité de s’organiser collectivement ? Comment, dans cette époque où ce qui se partage le mieux est l’amertume et le sentiment de passer à côté de sa vie, ne pas ressentir une complicité avec celles et ceux qui ont cherché à s’extraire de la tristesse ambiante, et à lutter contre ses causes ?

Comment ne pas percevoir dans leur défiance l’écho de celle que nous éprouvons tous ? Sans les arrestations du 11 novembre, L’insurrection qui vient n’aurait peut-être jamais été aussi lu - en tout cas, pas collectivement, et sans doute pas dans une perspective si évidemment pratique - ; comme n’auraient peut-être jamais eu lieu toutes ces discussions, toutes ces actions, toutes ces rencontres.

Nous éprouvons la force et la joie qu’il y a à mettre en commun nos doutes et nos colères, et nous voyons des «bandes» se former que vos récentes lois n’arriveront pas à dissoudre. Nous voyons combien les arrestations qui, pour des motifs plus ou moins oiseux, se succèdent, relèvent du réflexe panique d’un pouvoir affolé. Aussi, elles ne nous dissuadent plus de grand-chose. D’autres personnes sont encore en prison pour des motifs similaires à ceux de Tarnac. Certaines y retournent, pour n’avoir pas scrupuleusement respecté l’interdiction qui leur était faite de se voir. Les contrôles judiciaires, la dispersion forcée de toutes les amitiés qui s’organisent, se multiplient. Vos prisons, et toutes celles que vous pourriez construire, ne suffiront jamais à enfermer tout ce qui sort de vos normes. Et où que nous soyons, les solidarités se tissent. Dans cette période de crise et de troubles, nous ne sommes qu’une voix dans le concert de celles et ceux qui ne s’accommoderont plus de rabibochages. Dans des pans entiers du territoire, dans des pans entiers du peuple, l’adhésion au système est en miettes. La désaffiliation devient un peu partout un chemin praticable. Et c’est tant mieux.

Rien ne nous console tant de ce que vous avez voulu infliger aux «neuf de Tarnac», que de constater que de toutes parts surgissent pour vous des menaces autrement plus nombreuses que ce que vous avez cru conjurer. Ce n’est plus de l’incompréhension que nous ressentons, à retracer le fil de cette affaire. Mais comprendre les logiques à l’œuvre n’apaise pas. Cela aiguise seulement la colère.

Les inculpations doivent être levées, comme doivent être défaits les arsenaux antiterroristes, antibandes, antimasques, antirassemblements, qui visent à briser toute solidarité effective.

Durant tout le mois de mai, dans chaque ville où ils se trouvent, les comités de soutien multiplieront les initiatives ; le 8 mai, se tiendront des réunions publiques afin que se pose partout la question de savoir ce que signifie réagir à hauteur de la situation qui nous est faite. Il n’y a pas neuf personnes à sauver, mais un ordre à faire tomber.

A la fin mars, près de trentes comités de soutien aux inculpés de Tarnac se sont retrouvé à Limoges pour discuter des suites à donner à leur action. Ce texte a été élaboré au cours de ces rencontres.








30 avril:
Prolongation de la garde à vue d'une femme arrêtée à Paris

Paru sur AFP

PARIS (AFP) — La garde à vue de la femme de 36 ans, interpellée mardi dans l'enquête sur des sabotages de lignes TGV commis en novembre 2008, a été prolongée jeudi de 48 heures, a-t-on appris de sources proches du dossier.

Cette femme, animatrice du comité de soutien parisien aux membres du "groupe de Tarnac" poursuivis dans ce dossier, notamment pour association de malfaiteurs à caractère terroriste, a été interpellée dans le XXe arrondissement de Paris sur commission rogatoire du juge Thierry Fragnoli. Sa garde à vue est susceptible de durer jusqu'à 96 heures.

La garde à vue a été prolongée jeudi de 48 heures mais peut être interrompue à tout moment.

Interrogée par les policiers de la Sous-direction antiterroriste (Sdat) à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), elle est soupçonnée d'avoir été en contact avec plusieurs membres de ce groupe mais ne serait pas directement liée à Julien Coupat, présenté par les enquêteurs comme leur chef.

Un des mis en examen dans ce dossier, Benjamin Rosoux, a ainsi rapporté jeudi dans un texte publié sur le site Médiapart avoir été en compagnie de cette femme au moment de son interpellation.

Dans ce texte, signé "Benjamin, épicier-terroriste", M. Rosoux, théoriquement assigné à résidence chez sa mère dans La Manche, décrit l'arrestation "par une bande de types patibulaires surgis de tous les côtés, armes au poing".

Les policiers souhaitent également connaître les raisons pour lesquelles Benjamin Rosoux, Gabrielle Hallez et Manon Glibert, trois des mis en examen, avaient été contrôlés le 7 novembre en Moselle par les gendarmes alors qu'ils dormaient à bord d'une voiture appartenant à cette femme, non loin du lieu d'un des cinq sabotages commis en France cette nuit-là.












30 avril:
Coupat(ble) ou pas ? Le faux débat.

Paru sur Fluctuat.net

Julien Coupat, incarcéré depuis le 15 novembre dernier pour "direction d'une entreprise terroriste et destructions en réunion à visée terroriste" vient de se voir refuser une troisième demande de remise en liberté. Alors que son avocate dénonce l'absurdité de la justice française dans une tribune du Monde et réitère sa demande de libération, Le Point révèle des indices compromettants pour le leader du groupe de Tarnac.



"Vous tiendrez votre liberté de ce que vous aurez libéré...", scande Irène Terrel dans sa tribune du Monde, ressuscitant les mots du poète Joël Bousquet pour exiger la libération de son client.
La force des mots. C'est tout ce qu'il reste à l'avocate de Julien Coupat face à l'obstination du parquet de Paris.



Petit rappel, depuis son arrestation le 15 novembre dernier, le juge des liberté a demandé à trois reprises la remise en liberté du cerveau estimé du sabotage de la ligne SNCF. Trois échecs. Julien Coupat est tout bonnement "présumé coupable", estime Irène Terrel. L'ex-avocate de Cesare Battista cite le juge des libertés en décembre dernier : "la détention provisoire de l'intéressé n'apparaît pas aujourd'hui indispensable à la manifestation de la vérité (...) au surplus, il n'a jamais été condamné".



Le problème dans cette affaire n'est donc pas tant de statuer sur la culpabilité de Coupat, mais d'abord de refuser qu'après six mois de geôle, il n'ait pas encore eu accès à son dossier. Et d'appliquer la loi: "La personne mise en examen, présumée innocente, reste libre" (article 137 du code de procédure pénale).



Niveau enquête par contre, de nouveaux "indices compromettants" révélés par Le Point rendent la nouvelle demande de remise en liberté de l'avocate compromise. Le juge d'instruction aurait reçu des preuves tangibles de la culpabilité de Coupat, notamment un carnet de bord avec une liste de fournitures nécessaires au sabotage retrouvée dans la voiture du groupe de Tarnac. Actuellement exploités par la sous-direction de l'antiterrorisme (SDAT), ces indices devraient être présentés à Julien Coupat au cours de son prochain interrogatoire, prévu le 4 mai.