Le cogérant du magasin général de Tarnac, Benjamin Rosoux, mis en examen dans l'enquête sur la mouvance d'« Ultra gauche » se confie en exclusivité à La Montagne et au Populaire du Centre.
Décontracté, souriant parfois de sa situation, Benjamin Rosoux, l'un des épiciers de Tarnac mis en examen pour « association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste », donne sa vision de l'affaire des sabotages SNCF et évoque son désir de reprendre au plus vite une vie normale en Corrèze.
Quelle est votre situation depuis votre remise en liberté ?
Je suis placé sous contrôle judiciaire chez ma mère, à Avranches, en Basse-Normandie, un endroit où je n'ai jamais habité avant. Mon quotidien, c'est prendre des nouvelles de ce qui se passe pour les autres mis en examen et répondre aux messages que l'on m'envoie. Et puis, je me tiens au courant de ce qui se passe en bas à Tarnac. Mes seuls déplacements sont pour aller à Paris voir mon avocate et quand je suis convoqué devant le juge. C'est mieux que la détention, mais ça commence à faire long étant donné que je n'ai pas le droit d'aller à Tarnac.
Où en êtes-vous au niveau judiciaire ?
Jusqu'à présent, on s'était concentré sur la libération de ceux qui étaient encore en détention. Du coup, je n'ai pas reformulé de demande officielle. La dernière fois que j'ai vu le juge d'instruction, je lui ai demandé à quoi tenait mon éloignement de Tarnac et si cela avait un quelconque intérêt du point de vue de la procédure. Il m'a répondu en souriant que si ça ne tenait qu'à lui je serais encore en détention.
Cependant, depuis la libération d'Yldune Lévy, la situation a un peu évolué (...) Je pense que dans un temps relativement court je vais pouvoir réintroduire une demande pour transférer mon contrôle judiciaire à Tarnac.
Revenir à Tarnac, c'est une de vos priorités...
Cela fait quatre ans que j'y habite quasiment sans discontinuer. Mes amis, mon travail, ma vie sont là-bas. Ici, je suis un peu entre parenthèses de ma vie. Je suis coupé de tous mes liens sociaux, indépendamment même du fait que je n'ai pas le droit de rencontrer les mis en examen. L'autre problème c'est que Paul (l'autre gérant du magasin, N.D.L.R.) est seul au magasin. Même si des gens l'aident, il est débordé. Et le fait que toutes nos données de gestion courante aient été saisies n'arrange rien. On a obtenu de récupérer notre matériel informatique, mais ça fait quand même trois mois de bilan fiscal et de comptabilité à rattraper.
Comment avez-vous accueilli la création de très nombreux comités de soutien ?
C'est un peu la bonne nouvelle de toute cette histoire. En prison, dès la deuxième semaine, j'ai reçu beaucoup de courrier. Entre 8 à 20 cartes postales par jour. Ça m'a beaucoup aidé à tenir le coup [...] En sortant, ça a été une découverte de voir à quel point les gens s'étaient bougés pour qu'on parle de nous [...] Je pense que cette forte mobilisation a vraiment joué dans notre libération rapide.
Plusieurs élus locaux tels que Bernadette Bourzai et François Hollande vous soutiennent ouvertement...
Au début ce qui était frappant c'est combien ils étaient peu nombreux à prendre la parole pour notre libération. (...) Ce que j'ai appris durant ma détention et qui m'a secoué, c'est la décision des élus locaux de suspendre la subvention qui devait être attribuée au magasin. C'est quand même assez énorme. (...)
La remise en liberté d'Yldune doit vous réjouir ?
C'est un très bon signe, plus encore que notre libération à nous. Le ministère a créé une image de toutes pièces autour de Julien (Coupat, N.D.L.R.), un véritable personnage de roman, qui laissait peu d'espoir de les voir libres dans un temps court. Le fait que le juge d'instruction demande lui-même la remise en liberté est une manifestation assez évidente pour tous du type d'acharnement que pouvait avoir, depuis le début de cette affaire, le parquet, appuyé par le ministère de l'Intérieur.
Pour vous, cette affaire est politique ?
C'est très clair depuis le début. Michèle Alliot-Marie s'est vraiment mouillée dans ce dossier en voulant en faire la marque de fabrique de ses nouveaux services de renseignement. C'est elle qui a mené, à l'initiative de Nicolas Sarkozy, la fusion entre la DST et les Renseignements généraux qui a donné la DCRI (direction centrale des renseignements intérieurs). Et l'on sent vraiment que l'opération « Taïga » conduite à Tarnac devait être le coup marketing pour le lancement de ce nouveau service .
Il y a tout de même les sabotages des lignes SNCF...
Je ne suis même pas inculpé dans cette affaire. C'est ça qui n'apparaît jamais clairement dans les médias. Au terme des gardes à vue, il s'est avéré que pour le juge d'instruction lui-même, il n'y avait pas du tout d'éléments pour inculper la plupart des personnes [...] Sur les 9 mis en examen, il y en a 7 qui sont là pour complètement autre chose, dans le cadre de cette opération de surveillance lancée il y a six mois qui correspond à ce délire du ministère sur les groupes "d'ultra gauche de la mouvance anarcho-autonome".
Le seul chef d'inculpation retenu contre moi, c'est 'association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste' [...] Quand je suis passé devant le juge, il m'a posé quelques questions sur la nuit en question et ensuite les trois-quarts de mon entretien fut une enquête de moralité pour savoir pourquoi j'étais allé en Corrèze, comment je gagnais ma vie, à quelles manifestations j'avais participé (...).
Michaël NICOLAS
michael.nicolas@centrefrance.com
Retrouvez l'intégralité de cet article dans l'édition du 23 janvier 2009 de La Montagne et du Populaire du Centre.
Source: lamontagne.fr
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