samedi 12 décembre 2009

Contrôles en suspens







Par KARL LASKE le 11/12/09.

Les juges doivent examiner aujourd’hui la demande de levée des restrictions de liberté imposées, pour certaines depuis plus d’un an, aux dix personnes mises en examen.


A quel moment la justice peut-elle reconnaître qu’elle s’acharne, ou qu’elle s’enferre ? C’est la délicate question que les magistrats de la chambre de l’instruction se poseront, peut-être, aujourd’hui, devant les dix mis en examen de Tarnac et leurs avocats, dans l’affaire des sabotages des lignes TGV. Le juge antiterroriste Thierry Fragnoli ayant, début novembre, maintenu toutes les dispositions de leur contrôle judiciaire, ils font appel. S’ils viennent tous à l’audience, ils se reverront pour la première fois depuis un an. Alors que les restrictions de leurs déplacements sont diverses et variées, leur demande est collective et indifférenciée. «Les mesures de contrôle judiciaire n’ont plus aucune espèce de justification, explique Me William Bourdon, l’un de leurs avocats. Alors qu’on s’approche de la fin de l’instruction, non seulement les charges s’évanouissent complètement, mais la conduite de la sous-direction antiterroriste [Sdat, ndlr] est source de lourdes interrogations». «Il y a plus de huit mois que Julien Coupat est sorti de prison, et il n’a pas été entendu par le juge depuis le mois de mai», précise Me Jérémie Assous.

Pistes. Dans une tribune parue dans le Monde du 3 décembre, les dix de Tarnac ont dénoncé «la torsion de toutes les notions du droit», une procédure «démente». Ils se déclarent prêts à s’affranchir des contrôles judiciaires :«Nous ne pointerons plus, et nous comptons bien nous retrouver, comme nous l’avons fait déjà pour écrire ce texte», annoncent-ils. «Nous désertons la sorte de guerre privée dans laquelle la sous-direction antiterroriste voudrait nous engager à force de nous coller aux basques, de "sonoriser" nos appartements, d’épier nos conversations, de retranscrire tout ce que nous avons pu dire à nos familles durant nos parloirs en prison.»

Le poids du contrôle judiciaire est là. Il a été plus dur pour Mathieu et Aria, bloqués en Seine-Maritime, qui n’ont pas pu faire soigner leur fils gravement malade à Paris, comme ils le voulaient (Libération du 20 novembre). Benjamin R., qui vivait depuis plusieurs années à Tarnac, est contraint de loger dans la Manche, où il n’a jamais habité. Son contrôle judiciaire a été durci après l’interview dans les locaux de Libération en décembre 2008, mais il a été autorisé à travailler en Ille-et-Vilaine. Manon G., qui ne peut circuler que dans le Limousin, a interdiction de résider à Tarnac, où vit et travaille son mari - Christophe, qui a été mis en examen fin novembre. Julien Coupat et Yildune Lévy, qui se sont mariés, ne peuvent quitter la région parisienne. Tous doivent pointer.

Quelles «nécessités» de l’enquête pourraient encore exiger un maintien sous contrôle judiciaire ? Faute de preuves et de pistes sérieuses, l’instruction s’est éloignée des faits. Examinant la rédaction du livre L’insurrection qui vient ou les incidents lors des manifestations de Vichy, où Coupat et ses amis s’étaient rendus. En avril et en mai, les enquêteurs ont fait subir des gardes à vue de soixante-douze heures à des membres du comité de soutien, sans suite. Ils ont entendu la fille au pair allemande de Coupat lorsqu’il avait douze ans. Ils ont aussi auditionné la sage-femme de l’ex-amie de Coupat.

Filature. Comme l’ont révélé les avocats, des anomalies entachent le début de l’affaire : un procès-verbal de filature approximatif voire fallacieux, des traces de pas et de pneus négligées, une déposition du témoin sous X incohérente ou manipulée (lire page ci-contre)… Tous ces sujets vaudraient bien un examen approfondi de la chambre de l’instruction. Le juge Fragnoli a refusé la plupart des demandes d’actes des avocats.




+ UNE DÉCISION SERA PRISE LE 18 DÉCEMBRE paru sur La Montagne le 11/12/09.


+ LA LEVÉE DU CONTROLE JUDICIAIRE EXAMINÉE paru sur Le Monde le 12/12/09.







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