Dans Le Courrier (quotidien Suisse) du 24 septembre 2010.
Des TGV bloqués plusieurs heures en rase campagne après le sabotage de leur alimentation en électricité. Puis des dizaines de policiers encagoulés qui prennent d’assaut un village du centre de la France pour neutraliser une organisation anarcho-autonome sur le point de s’engager dans la lutte armée. Deux ans après l’opération surmédiatisée qui a conduit à l’arrestation et l’inculpation d’une dizaine de personnes accusées de vouloir déstabiliser l’État, l’affaire de Tarnac se situe à un tournant. La cour d’appel de Paris se penche en effet depuis hier sur une demande d’annulation de la procédure.
Au-delà de la menace réelle pesant sur le destin de ces militants clamant leur innocence — ils risquent jusqu’à vingt ans de réclusion —, l’enjeu concerne l’ensemble des défenseurs des libertés publiques. Car ce dossier constitue un exemple saisissant des conséquences pour l’État de droit de l’adoption de lois antiterroristes autorisant toutes les dérives — disproportion des moyens mis en œuvre, violation de la présomption d’innocence, limitation extrême des droits de la défense, détention préventive interminable et mesures de contrôle judiciaire vexatoires.
En l’occurrence, aussi impressionnant soit-il, cet arsenal ne permet pas à lui seul de transformer une banale affaire de sabotage n’ayant pas mis en danger de vie humaine en un démantèlement spectaculaire d’une prétendue cellule terroriste. Sans preuves matérielles, sans aveux, les charges retenues contre les «dix de Tarnac» reposent essentiellement sur l’enquête des services de sécurité français qui surveillaient la bande d’amis depuis plusieurs mois.
Les avocats de la défense ont alors épluché ces rapports et témoignages policiers. Ils ont d’abord mis en lumière une série d’incohérences et d’invraisemblances parfois grossières dans le récit des filatures censées confondre les suspects — elles n’ont jamais été clarifiées. Ensuite, et c’est ce qui motive la requête en annulation examinée ces jours, les avocats dénoncent l’utilisation illégale de caméras vidéos et d’écoutes téléphoniques lors de l’enquête préliminaire.
Le château de cartes s’écroulera-t-il avant la tenue d’un procès devant une cour d’assises spéciale ? Alors que la rue recommence à contester le pouvoir, cette perspective paraît improbable. La figure d’un ennemi intérieur d’ultra gauche n’est pas inutile pour calmer les ardeurs du mouvement social. À moins que la menace islamiste réactivée depuis quelques jours soit jugée suffisante.
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