Le lundi 8 novembre 2010, dans le cadre de l'émission "Spécial Investigation" Canal + diffusait un document intitulé «Tarnac : enquête sur "l'ultra-gauche"» : http://www.canalplus.fr/c-infos-documentaires/pid3357-c-special-investigation.html?vid=389357
L'auteur de ce reportage est Thierry Vincent ... un journaliste qui fut frappé par les flics à la fin de la manifestation contre la réforme des retraites du 13 octobre 2010.
ERRATUM:
Ayant attribué par erreur des propos révulsants à l'auteur du documentaire lors de cette manifestation, nous nous étions fendus d'une remarque insistante sur des propos tenus en réalité par un de ses confrères : "On est de la presse ! Nous tapez pas dessus, on est pas comme les autres !"
Nous publions fort légitimement sa réaction (reçue en commentaire) :Je suis le journaliste en question, Thierry Vincent, qui fut effectivement frappé par la police.
Mais je tiens à préciser que je ne suis pas l'auteur de cette terrible phrase, "nous tapez pas dessus, on est pas comme les autres". C'est un autre journaliste (casqué à l'image) qui dit ça.
Pour ma part, je désapprouve totalement cette phrase, qui me révulse.
Je me suis simplement insurgé contre le fait d'avoir pris des coups de matraque, et aussi contre le fait que des manifetants qui n'avaient rien fait ont également été frappés. Ceux qui me connaissent savent bien que je suis aux antipodes de ce détestable corporatisme journalistique, comme le montre d'ailleurs l'itv dans Rue 89, où je ne suis pas tendre avec certains de mes "confrères" (quel mot affreux !)
Que l'on regarde les sujets diffusés sur Canal et que l'on me critique éventuellement là dessus, au lieu de me prêter des propos que je n'ai pas tenus et qui encore une fois me choquent profondément. Merci
Christophe Payet, journaliste lui aussi, a rencontré cet "investigateur".
Entre confrères...
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Enquête sur l'ultragauche « tapie dans l'ombre », mode d'emploi
Il y a deux ans que les « inculpés de Tarnac » ont été interpellés, le 11 novembre 2008. Canal+ a diffusé une enquête sur cette affaire emblématique du cafouillage de la justice antiterroriste.
J'ai rencontré Thierry Vincent, journaliste auteur du document, pour réaliser un guide des bonnes manières à adopter face à un dangereux révolutionnaire bloqueur de trains.
Pas facile de faire un sujet télé sur ce que les services de renseignement appellent la « mouvance anarcho-autonome ».
Mais il y a plusieurs points sur lesquels le film de Thierry Vincent, « Tarnac : enquête sur l'ultragauche », se démarque nettement de tout ce que les journaux télévisés ont pu produire sur cette affaire de sabotage de ligne SNCF.
Approfondi, le document fait un bon bilan de l'enquête. Son principal avantage est par ailleurs d'avoir pu suivre les Tarnacois dans leur quotidien et ainsi montrer un tout autre portrait de ce « commando qui avait pour objet la lutte armée », comme l'a qualifié le procureur de la République, Jean-Claude Marin.
1. Ne pas faire comme ses confrères
« Ils n'ont pas été gâtés par les journalistes. » Thierry Vincent est sévère sur le traitement fait de « l'affaire de Tarnac » par les médias. Et à revoir les images des journaux télévisés de l'époque, son jugement semble se justifier.
« Le commando avait fait de ce village de Corrèze son QG (…) Ils vivaient dans une petite épicerie tapie dans l'ombre », commente ainsi le sujet du 13 heures de France 2 le jour des interpellations.
« Un épicerie tapie dans l'ombre. » L'expression devient un symbole de l'emballement médiatique, au point de se transformer en slogan ironique sur des cartes postales vendues dans ladite épicerie.
« Des équipes de TF1 se sont fait jeter de Tarnac »
La plupart des médias avaient embrayé le pas au discours politique de la ministre de l'Intérieur de l'époque, Michèle Alliot-Marie. Thierry Vincent s'en désole :
« Les Tarnacois n'ont pas vu ce qui se fait de mieux en matière de journalisme… Forcément, quand 50 caméras débarquent sans prévenir dans un petit bled de 300 habitants et qu'ils font des directs devant l'épicerie…
Il y a des équipes de TF1 qui sont repassées au village début octobre. Mais elles se sont fait jeter. Ils n'ont pu parler à personne. Du coup, ils ont réalisé une série de sujets en Corrèze pour le 13 heures de Pernaut, du type “les artisans souffleurs de verre”. »
2. Prendre du temps
C'est pourquoi le temps de gagner leur confiance est nécessaire. L'enquête de Thierry Vincent a duré six mois. Le journaliste a commencé par se rendre à Tarnac trois jours. Sans caméra :
« Ça les a beaucoup surpris que je vienne sans caméra. C'est là que j'ai rencontré Benjamin Rosoux et Christophe Becker (deux des inculpés, ndlr). J'ai passé énormément de temps avec eux. Puis je suis revenu une deuxième fois pour tourner. »
Thierry Vincent a ainsi pu les interroger face caméra, mais surtout les suivre dans leur quotidien. C'est d'ailleurs dans ce climat de confiance que Christophe Becker accorde sa première interview en deux ans.
3. Casser les fantasmes
En les voyant vivre, au cœur du petit village de Tarnac, l'image du « commando » ne peut être que bien différente de celle donnée par les sujets télévisés deux ans auparavant. L'une des conclusions les plus frappantes après le visionnage du film est en effet l'étonnante normalité de ces jeunes contestataires :
« On en a fait un faux portrait, de gens sectaires qui échafaudent des plans. Alors que quand on les rencontre, ils ont l'air de gendres idéaux. J'avais presque l'impression d'être un punk à côté d'eux.
Ils sont drôles, ils parlent de foot. Ils ne vivent même pas en communauté. Ça c'est le grand fantasme des flics qui pensent qu'ils partouzent tous ensemble »
« On s'imagine des mecs chiants, des mal-baisés »
Autre fantasme inverse dénoncé par Thierry Vincent :
« Quand on parle de l'ultra-gauche, on s'imagine des mecs chiants, des mal-baisés. Ça existe, mais eux, c'est pas Lutte ouvrière. Ce sont les délires d'une vieille droite réac ridicule. Comme si les types passaient leur temps à préparer la révolution.
Leur façon de faire de la politique, c'est de vivre autrement et d'organiser leur épicerie à petite échelle. »
Partouzeurs ou mal baisés, les Tarnacois apparaissent surtout dans le film comme des jeunes insoumis d'une trentaine d'années, qui ressemble étrangement à… des jeunes de trente ans.
4. Etre honnête
Mais acquérir la confiance doit se faire avec distance et honnêteté. Hors de question pour le journaliste de leur servir la soupe ou de cacher ses intentions.
« Ils savaient que je voyais le juge Fragnoli [Thierry Fragnoli, juge d'instruction en charge de l'affaire, ndlr] pour évoquer la politique anti-terroriste.
Je ne leur ai jamais caché non plus que je voyais des flics de la DCRI [Direction centrale du renseignement intérieur, ndlr] régulièrement. »
« Je ne leur ai jamais promis un plaidoyer pour leur cause »
Les intentions étaient donc claires dès le départ : l'objet du film est de montrer les dérapages de l'anti-terrorisme, à travers cette histoire. « L'avantage c'est que ce sont des trentenaires blancs. Même le bourgeois moyen peut s'identifier à eux, plus qu'à un Kurde », commente Thierry Vincent. Qu précise :
« Je ne leur ai jamais promis quoi que ce soit. Jamais dit que j'allais faire un plaidoyer pour leur cause. D'ailleurs, je ne juge pas l'instruction : je ne sais pas s'ils sont coupables ou non.
Je veux simplement dénoncer deux choses : une conception dangereuse de l'anti-terrorisme et la manipulation qui a eu lieu dans la présentation politico-médiatique de cette affaire. »
Malgré la clarté de ses intentions, l'enquête ne s'est pas faite sans quelques remous en interne à Canal + :
« Ça grinçait un peu, parce que certains avaient peur qu'on fasse un truc trop favorable aux Tarnacois, et qu'on ait l'air cons si leur culpabilité était démontrée ».
5. Connaître les codes
Un dernier point est essentiel pour réussir la prise de contact : comprendre leur culture politique.
« Finalement, ça n'a pas été si dur que ça de les rencontrer. Il suffit de connaître leurs codes politiques. Alors que beaucoup de journalistes n'y connaissent rien. La plupart n'ont jamais vu un mec d'ultra-gauche de leur vie.
La nana de France 2 qui parle de “l'épicerie tapie dans l'ombre”, elle a fait ça depuis Paris, et quand on lui demande sa source, elle te dit que c'est un flic. »
Pas simple cependant de « faire de la télé » avec de tels clients :
« En revanche, c'était très compliqué de tourner, car ils rejettent les codes de la télévision. Pour la télé, il faut voir du vivant. Or même quand je leur demandais de marcher ou de servir un verre, ils avaient presque l'impression de se prostituer. Là encore, il faut y passer du temps. »
Sur le rapports aux faits et aux flics, un extrait d'un portrait de Fabrice Lhomme de Mediapart paru sur le site des Inrocks cet été :
RépondreSupprimer"(...)Deux écoles d’investigation cohabitent. David Dufresne (ex-Mediapart) est lui un partisan d’une investigation hors actualité et enquête judiciaire et policière, hors course à l’info et au scoop. Les deux hommes clashent sur l’affaire Tarnac.
“Je jugeais qu’il y avait des choses intéressantes dans l’enquête de police, explique Fabrice Lhomme, Dufresne, lui, a une conception romantique du journalisme, défendre le petit contre le gros, il se méfie par définition de ce qui vient de la police ou de la justice, c’est du journalisme adolescent.”(...)"
http://www.lesinrocks.com/index.php?cHash=ed26f42da7081a154014ba27b8a15a75&id=135&tx_ttnews[date]=2010-07-24&tx_ttnews[tstamp]=47127&tx_ttnews[tt_news]=47127
Nous appellerons donc un "journaliste adulte", un journaflic...
Je suis le journaliste en question, Thierry Vincent, qui fut effectivement frappé par la police.
RépondreSupprimerMais je tiens à préciser que je ne suis pas l'auteur de cette terrible phrase, "nous tapez pas dessus, on est pas comme les autres". C'est un autre journaliste (casqué à l'image) qui dit ça.
Pour ma part, je désapprouve totalement cette phrase, qui me révulse.
Je me suis simplement insurgé contre le fait d'avoir pris des coups de matraque, et aussi contre le fait que des manifetants qui n'avaient rien fait ont également été frappés. Ceux qui me connaissent savent bien que je suis aux antipodes de ce détestable corporatisme journalistique, comme le montre d'ailleurs l'itv dans Rue 89, où je ne suis pas tendre avec certains de mes "confrères" (quel mot affreux !)
Que l'on regarde les sujets diffusés sur Canal et que l'on me critique éventuellement là dessus, au lieu de me prêter des propos que je n'ai pas tenus et qui encore une fois me choquent profondément. Merci