vendredi 20 février 2009

Correspondance avec une fliquette en chef

Paru le 17 février sur le jura libertaire



Le 18 décembre, nous avons envoyé à la Ministre française de l’Intérieur, Michèle Alliot Marie, une lettre expliquant nos interrogations et nos désaccords par rapport à ce qui s’est passé le 11 novembre ainsi que nos revendications, notamment la re-qualification des inculpations hors du cadre législatif et procédural propres aux affaires de terrorisme.





Comité liégeois de soutien

aux inculpés de Tarnac


Rue St Léonard, 48 - 4000 Liège


à Madame la ministre de l’Intérieur

Michèle Alliot Marie,

Place Beauvau - 75008 Paris


Liège le 18 décembre 2008

Madame la Ministre,

Récemment, des hommes et des femmes ont été interpellés et incarcérés. Accusés d’avoir endommagé volontairement des caténaires de lignes TGV, ils ont été qualifiés de terroristes et traités en tant que tels. Sans nous étendre sur la nature des faits et la façon de les juger, nous nous permettons par cette lettre de vous faire part de notre préoccupation par rapport à plusieurs aspects de cette affaire.

La qualification de terroristes nous semble disproportionnée, floue et injustifiée. Nous ne comprenons pas comment cette qualification est délivrée et qui est jugé apte à la délivrer.

D’autre part, la loi française, à l’instar de la loi belge, s’applique différemment selon qu’il s’agisse de prévenus qualifiés de terroristes ou non. Cette qualification augmente les délais d’emprisonnement préventif, elle restreint les droits des prévenus, elle change le type de tribunal et elle alourdit les peines encourues. De manière plus subtile et à peine moins violente, le label terroriste attire les médias, jette le discrédit sur des personnes et souffre peu de controverse dans la sphère publique.

S’il s’agit de condamner des gens parce qu’ils ne partagent pas le mode de vie majoritaire, nous ne sommes pas d’accord ; s’il s’agit de condamner des pères et des mères de famille en jetant l’opprobre sur leurs convictions et leur famille à cause de leur façon de penser, nous ne sommes pas d’accord ; s’il s’agit de construire un dossier judiciaire vide basé sur une mystérieuse intime conviction, nous ne sommes pas d’accord. En revanche, s’il s’agit de respecter les choix, les modes de vie de chacun, de ne pas salir les accusés, nous sommes d’accord.

C’est pourquoi, Madame la Ministre, nous vous faisons part de nos revendications : nous souhaitons que les délits incriminés soient redéfinis pour ce qu’ils sont ; nous espérons que les prisonniers et les inculpés soient traités comme des prévenus normaux et attendons de votre part que vous mettiez tout en œuvre pour qu’ils soient relâchés faute d’élément probant à charge et nous demandons l’abrogation de tout l’arsenal législatif anti-terroriste. Que l’on juge les actes, les actes seuls et non les mouvances politiques ou les modes de vie.

Nous vous prions, Madame la Ministre, de recevoir l’assurance de nos sentiments distingués.

Le comité liégeois de soutien aux inculpés de Tarnac




Au même moment, nous envoyions une lettre allant dans le même sens auprès de l’ambassadeur de Belgique à Paris et nous déposions le soir une troisième missive dans les mains du Consul de France à Liège, occasion d’une première manifestation de soutien aux inculpés de Tarnac.

La Ministre de l’Intérieur s’est piquée de nous répondre, donnant une fois encore une belle démonstration de la capacité des professionnels de la politique à manier la langue de bois et l’hypocrisie : elle ne serait pour rien dans le fait que les inculpés aient été qualifiés de «terroristes» par les juges ! Elle qui ordonna au service secret de pister les gens de Tarnac pendant plusieurs mois et de les mettre sur écoute, elle qui déclara qu’était ainsi mis fin au dangereux réseau de l’Ultragauche, résurgence potentielle d’Action Directe, alors même qu’aucune des personnes perquisitionnées n’avaient encore été entendues par la police…








Nous nous sommes piqués à notre tour d’une réponse à notre sauce : sur-réaliste.


Comité Liège-Tarnac
c/o Centre Carlo Levi
Rue St Léonard, 48 - 4000 Liège - Belgique

à Madame Michèle Alliot-Marie
Ministre de l’Intérieur, de l’Outre-Mer
et des Collectivités Territoriales
Place Beauvau - 75800 Paris Cédex 08 - France


Liège, le 10 février 2009

Madame la Ministre,

Nous vous remercions de votre réponse et nous nous en félicitons quant au contenu. Contrairement à ce que vos interventions médiatiques du onze novembre auraient laissé présager, vous ne vous solidarisez pas de l’action un peu rapide des procureurs de la République en charge de l’antiterrorisme. Nous vous félicitons par ailleurs de respecter la séparation des pouvoirs.

Par contre, nous invitons la femme politique que vous êtes à se désolidariser de manière un peu plus médiatique et officielle de l’action de ces procureurs et nous appelons la Ministre de l’Intérieur que vous êtes à utiliser la notion de terrorisme avec la plus grande circonspection. Il en va du droit à exercer la liberté et à pratiquer la démocratie, il en va du droit à faire des choix de vie non conformistes, il en va du droit de vivre quelque chose qui ait du sens.

Nous vous invitons également, en tant que figure morale de la majorité et du gouvernement, en tant qu’image de la France à l’étranger, à exiger l’abrogation en France et en Europe des lois anti-terroristes et, dans l’attente, à rendre leur application non arbitraire. Nous vous rappelons que les premiers «terroristes» français étaient des gens dans la montagne qui se battaient contre un occupant, des gens qui avaient eu le courage de suivre ou d’être des voix dissidentes. Parmi ces voix, il y eut celle d’un certain Général de Gaulle. Leur crime, pour le pouvoir de l’époque, était de ne pas croire ce pouvoir invincible, infaillible et inexorable.

En vous remerciant de l’attention que vous nous avez prêtée et que vous nous prêtez, nous vous prions, Madame la Ministre, d’agréer l’assurance de notre respecteuse considération.

Le Comité Liège-Tarnac





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