mardi 29 mars 2011

Tarnac : nouvelle tentative de la défense pour faire annuler une partie de l'enquête



paru le 29/03/11 sur lemonde.fr

Entretien avec Patrice Spinosi, avocat de Julien Coupat.




La défense du groupe de Tarnac, ces dix personnes mises en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste après des sabotages de lignes SNCF fin 2008 , a fait, mardi 29 mars, une nouvelle tentative pour faire annuler une partie de l'enquête qu'elle estime entâchée d'irrégularités. L'un des avocats de Julien Coupat, Me Patrice Spinosi, a plaidé devant la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) – nouvelle procédure permise par la révision de la Constitution et rendue célèbre par le récent procès de Jacques Chirac – sur laquelle la Cour pourrait se prononcer dès mercredi matin.

Sur quels points cette question prioritaire de constitutionnalité portait-elle ?

Dans le dossier, au début de l'instruction, le domicile de Julien Coupat a été placé sous surveillance par les policiers en août 2008 sans autorisation. Nous avons donc demandé l'annulation des pièces de la procédure liées à cette surveillance. Mais cette nullité a été refusée en octobre 2010 par la cour d'appel de Paris, non parce qu'elle a estimé que cette surveillance était légale : elle n'a pas jugé sur le fond. Elle a rejeté la nullité, car cette demande a été faite trop tardivement dans l'instruction. En France, aujourd'hui, la défense n'a que six mois pour relever la nullité de pièces du dossier. Et dans cette affaire, elle n'a été demandée qu'au bout d'un an et demi environ. Mais le parquet, lui, a jusqu'à la fin de l'instruction. Il y a donc ici atteinte au principe d'égalité des armes. Notre QPC consiste donc à exiger que désormais, sur ce point, les droits de la défense s'alignent sur ceux de l'accusation, et que n'importe quel mise en examen puisse demander la nullité d'une pièce jusqu'à la fin de l'instruction. Car imaginez, de façon plus générale : un mis en examen change d'avocat au bout d'un an et celui-ci remarque des irrégularités dans le dossier que son prédécesseur n'avait pas vues. Aujourd'hui, il ne peut pas en demander la nullité.

Ce que vous reprochez à la procédure judiciaire en cours, c'est que personne n'a jamais remis en cause cette surveillance sans autorisation ?

Oui. Il est quand même extraordinaire qu'on doive se battre pour qu'un juge veuille bien examiner le contenu du dossier qui contient un certain nombre de pièces irrégulières. On est là dans une affaire ultra-sensible, où les policiers ont commis de nombreuses fautes. On ne peut quand même pas condamner quelqu'un sur la base de pièces obtenues de façon illégale ! Et cette loi qui limite le temps laissé à la défense pour dénoncer des pièces a jusqu'ici empêché qu'un juge se penche sur le fait que les policiers n'étaient pas autorisés à surveiller le domicile de Julien Coupat. Et qu'ils ont commis une atteinte grave à ce droit fondamental qu'est en France le droit à la vie privée. Pour une simple raison de délai, les pièces obtenues sans autorisation seraient recevables ? C'est inacceptable.

Vous avez plaidé mardi devant la Cour de cassation. Quelle est la prochaine étape ?

La Cour doit décider si elle transmet, ou pas, notre QPC au Conseil constitutionnel. On pourrait avoir la réponse dès mercredi matin. Si la réponse est négative, alors nous pourrions saisir la Cour européenne des droits de l'homme. Si la réponse est positive, alors le Conseil constitutionnel devra examiner notre question. Il faut changer cette loi qui impose ce délai de six mois et aligner le régime de l'ensemble des parties sur celui du parquet. Cette procédure existait d'ailleurs dans le droit français jusqu'en 1993, et n'a été changée que pour des questions d'organisation, de gestion administrative. Cela ne peut prévaloir sur le respect d'une liberté fondamentale. Si ce verrou était remis en cause, alors cela nous permettrait une nouvelle saisine de la chambre d'instruction qui pourrait entraîner l'annulation d'une partie importante du dossier contre Julien Coupat et les autres mis en examen.



Pour en savoir plus :

Propos recueillis par Aline Leclerc

Qu'est-ce-qu'une QPC ?

La question prioritaire de constitutionnalité (QPC) a été instaurée par la révision constitutionnelle de juillet 2008 et est entrée en vigueur le 1er mars 2010. Elle permet à un justiciable de saisir le Conseil constitutionnel sur une loi ou un article de loi en vigueur. Ce recours passe par le filtre du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.





2 commentaires:

  1. salut UHD

    -"alors nous pourrions saisir la Cour européenne des droits de l'homme"

    La même CEDH qui, dans le cas du meurtre de Carlo Giuliani par un policier lors du sommet d'un G8 à Gènes en 2001, conclut, par 13 voix contre quatre, à la non-violation de l’article 2 (droit à la vie) de la
    Convention européenne des droits de l’homme pour ce qui est du recours à la force meurtrière...
    http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?action=open&documentId=883452&portal=hbkm&source=externalbydocnumber&table=F69A27FD8FB86142BF01C1166DEA398649

    Bon courage et surtout ne lâchez rien !

    Amitiés

    RépondreSupprimer
  2. salut UHD

    "sur laquelle la Cour pourrait se prononcer dès mercredi matin."

    Pas de nouvelles = bonnes nouvelles ?

    RépondreSupprimer