vendredi 10 avril 2009

Y a-t-il quelqu'un pour arrêter Alain Bauer ?








Conseiller ès « ultra-gauche » de Michèle Alliot-Marie, Alain Bauer peut se vanter d'avoir contribué à faire arrêter Julien Coupat, et à le faire maintenir en détention malgré un dossier d'accusation plus que léger. Mais, après avoir vu le journal de France 2 lundi soir, il me semble qu'on doit se poser la question : qui arrêtera Alain Bauer ?

Certes, à la différence de cet idéologue sécuritaire, je ne souhaite pas qu'on prive quiconque de liberté - ni de celle d'aller et venir, ni de celle de penser et de s'exprimer.

Mais, quand on voit le « dossier » proposé par la chaîne du service public, qui mélange allègrement des images de Strasbourg, de l'affaire dite de Tarnac, les propos sommaires (mais lui a-t-on laissé le temps d'en tenir d'autres ? ) d'un individu présenté par la télé comme un autonome et… la ronde des obstinés (on voudrait insinuer que les enseignants-chercheurs sont infiltrés par de dangereux individus violents qu'on ne s'y prendrait pas autrement), quand on voit cet étrange ragoût auquel Alain Bauer vient apporter une pincée de théorie, on se demande : comment arrêter ça ?

Un parfait réprésentant de l'« industrie de la peur »

Certes, le personnage est intéressant. Ancien de l'Unef-Id tendance rocardienne, influent franc-maçon il a été administrateur de la Mnef et grand maître du Grand Orient de France. Après un stage au début des années 90 dans une société très liée à la CIA, il enseigne ou a enseigné aussi bien à Paris-I qu'au centre national de formation judiciaire de la gendarmerie et à l'académie de police criminelle de Chine (un haut lieu démocratique, comme chacun sait).

Coauteur de nombreux ouvrages avec Xavier Raufer (Christian de Bongain, ancien d'Ordre nouveau), ami de dirigeants socialistes (Dray, Valls, Huchon, Cambadélis), qu'il a aidés de sa « science » dans le virage sécuritaire du Parti socialiste, il est maintenant dirigeant d'une société, AB Sécurité, de dimensions mondiales. Un parfait représentant de ce que Mike Davis appelle l'« industrie de la peur ».

Sur la fantasmatique « ultra-gauche anarcho-autonome », « l'expert » médiatiquement consacré transpose simplement la leçon apprise outre-Atlantique : de même que, dans le catéchisme néoconservateur, ceux qui cassent des vitres ouvrent la voie à, et sont potentiellement des dealers-tueurs, celui qui commence par contester la loi en ne s'en prenant qu'aux biens doit être traité comme le terroriste qu'il risquerait de devenir.

Une transposition du concept de « guerre préventive »

Faisant fi d'abyssales différences dans les positions politiques comme dans les contextes historiques, Bauer affirme en effet, dans l'émission citée, après des images montrant le livre « L'Insurrection qui vient » et Julien Coupat, que les « prémisses sont les mêmes » que celles d'Action directe et des Brigades rouges.

Dans un simple mémoire de maîtrise, un tel postulat téléologique mériterait à tous coups un refus de validation, mais on sait que l'enracinement de Bauer dans le sarkozisme est si solide qu'on a créé spécialement pour lui une chaire au Cnam, malgré ses titres universitaires vivement constestés.

En réalité, l'individu importe peu. Des gens à carrière, qui savent se placer dans l'air du temps, on n'a eu que trop l'occasion de les voir à l'œuvre, de Kouchner à Tapie et de Val à Dati. Ce qui importe, c'est de quoi Bauer est le nom : une transposition sur le plan intérieur de ce concept de « guerre préventive » qui a si bien réussi à Bush, c'est-à-dire une politique tendant à criminaliser toute dissidence sociale, une politique au nom de laquelle « les mauvaises lectures », des « mœurs dissolues » et la participation à des manifestations occupent des dizaines et des dizaines de pages dans le dossier des Tarnacois.

Une politique au nom de laquelle les policiers se sentent toujours plus tout permis (voir les si nombreux témoignages rapportés sur ce site et ailleurs). Une politique menaçant gravement ce qu'AB Sécurité, par un renversement orwellien, prétend respecter : les libertés publiques. C'est cette politique-là qu'il s'agit d'arrêter.

Par Serge Quadruppani | Nomade italo-bellevilois | 08/04/2009 | 19H48 sur www.rue89.com



2 commentaires:

  1. Y a-t-il quelqu'un pour arrêter Alain Bauer?
    Oui: Nicolas Sarkozy.
    Pour que l'Elysée puisse se sortir de ce pétrin politico-judiciaire et que Julien Coupat soit libéré sans provoquer un raz de marée, il faudra un bouc émissaire: Alain Bauer en a le profil parfait. Toute l'affaire pourra "venir de lui" et de "ses erreurs d'analyse" et pour la peine "il sera viré" et ensuite "on en parlera plus". De cette façon, L'Elysée peut rétablir le tir et le gouvernement, MAM, la cellule anti-terrorisme, les juges, etc. bref, tout le monde peut en sortir indemne. Pour pouvoir lui faire porter le chapeau, il faut d'abord médiatiser Alain Bauer, et pour pouvoir le virer, il faut d'abord lui construire un emploi: une chair de criminologie par exemple...
    Conclusion de cette analyse: plus les médias parleront d'Alain Bauer, plus Julien Coupat sera proche de la sortie.

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  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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