mardi 25 janvier 2011

Le « Ninja », martyr de l’ultragauche ?







Trouvé sur le
75020.fr : Journal web d'informations sur le 20e arrondissement de Paris en date du 24 janvier 2011.


Dans l'article la rédactrice ayant utilisé 6 fois les nom et prénom de l'interpellé, une simple initiale de son prénom sera retranscrite ici ...


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Le « Ninja », martyr de l’ultragauche ?

Interpellé à la station de métro Gambetta, le « Ninja » de la manif’ contre la réforme des retraites du 16 octobre 2010 a écopé d’une peine de six mois de prison ferme pour dégradations et violences. Pour ses avocats, il est victime d’une traque à « l’ultragauche », ennemie de l’intérieur désignée depuis l’affaire du groupe de Tarnac.
Après la manifestation du 16 octobre 2010, une vidéo agite le web. La séquence a été filmée par l’agence de presse Reuters qui couvrait l’événement. On y voit un homme, le visage dissimulé sous une capuche, briser la vitre d’une banque avec un poteau en métal. Au même moment, un manifestant au visage découvert, Bertrand de Quatrebarbes, intervient pour l’en empêcher.
C’est alors qu’un autre homme au visage masqué intervient, et envoie un coup de pied sauté dans le dos Bertrand de Quatrebarbes pour l’éloigner du casseur. Cet homme, que le web surnomme rapidement le « Ninja », c’est G. .

Les médias, circonstance aggravante ?

La vidéo, consultée plus de 200 000 fois sur Youtube, a rapidement alimenté une rumeur sur le web, relayée par la presse et attisée par les déclarations de Jean-Luc Mélenchon et Bernard Thibault : le Ninja serait un « flic casseur ». Un policier infiltré parmi les manifestants pour les provoquer à déraper dans la violence. L’arrestation du Ninja devient une priorité pour la police dont l’honneur est remis en cause. G. est interpellé le 28 octobre 2010 par la brigade criminelle à la station de métro Gambetta.
« Le 6 décembre, il a été condamné pour dégradations de biens privés en réunion et de violences n’ayant entraîné aucune incapacité de travail », raconte Maître Devonec, l’un de ses deux avocats. Il écope de six mois de prison ferme, condamné avec « circonstances aggravantes pour avoir couvert son visage et refusé de donner son ADN ». Pourtant la séquence filmée par Reuters montre bien que G. ne casse rien et celui-ci a affirmé ne pas connaître le casseur lors de son procès.
Considéré comme un « anarchiste » par la Police, G. a fait les frais du buzz médiatique selon ses avocats. « Il n’aurait jamais dû écoper d’une peine ferme, vu ses antécédents », explique Me Devonec. Le portrait esquissé dans la presse à coups de fuites policières en a fait un homme dangereux, interpellé « à proximité d’un squat du XXe arrondissement » et qui posséderait des manuels d’Al Quaeda dans sa bibliothèque. Rumeurs démenties lors du procès. « Les journalistes ont joué au flic, et la médiatisation a alourdi la peine », estime Me Bedossa.

Rue des Vignoles, on s’inquiète

À la Confédération nationale des travailleurs (CNT), le syndicat « révolutionnaire et anarcho-syndicaliste », on s’inquiète des amalgames entre « ultragauche » et terrorisme.
« Il n’y a qu’à voir comment le JT de Direct 8 a parlé de la CNT après la manifestation du 16 octobre. Ils ont fait un amalgame entre anarchiste, violence et terrorisme », résume Bruno Carrié, secrétaire adjoint de la section santé-sociale de la CNT. « Les médias discréditent notre mouvement. »
« À la fin de la manifestation pour les retraites du 16 octobre, le cortège de la CNT s’est dirigé vers le MEDEF. Mais les flics ont barré la route, alors même que la manifestation avait été déclarée. Ils étaient en sous-effectif. Au final, 5 000 personnes nous ont rejoint, des militants isolés de la CGT, mais également Sud-Rail et Sud-Education. »
Pour Bruno Carrié, « l’objectif de la police était de provoquer une réponse violente pour montrer que la violence vient de l’ultragauche. Nous appelons à l’action directe sur les lieux de travail. Aucun rapport avec Action directe, qui tuait les gens de pouvoir ».

L’ultragauche, cible n°1 de la police ?

« Depuis l’élection de Nicolas Sarkozy en 2007, les autonomes ont été baptisés ultragauche », explique Me Bedossa. Selon l’avocate, le gouvernement applique « la théorie de l’ennemi de l’intérieur » incarné par « une gauche violente et dangereuse montée de toutes pièces, pour faire peur à l’opinion publique. Un amalgame entre anarchie et terrorisme ». En 2008, le terme d’« ultragauche » fait la Une de Libération après les déclarations de la ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie dans l’affaire du groupe de Tarnac. L’« ultragauche » sur le devant de la scène.
Pour mieux traquer ces autonomes, la Police a récemment transformé sa brigade de sécurisation créée en 2006. Basée en Seine-Saint-Denis et dans la région de Marseillle pour lutter contre les vols à l’arrachée, elle a peu à peu changé de vocation, pour surveiller de près les groupuscules de gauche. « Ces brigadiers sont jeunes et se fondent facilement dans une foule. Ils repèrent de possibles casseurs et les suivent jusqu’à la fin d’une manifestation. Et lorsque le cortège se disperse, ils sont interpellés », raconte Hugo Hayat, journaliste et réalisateur d’un documentaire sur cette brigade. « Au départ, la technique de la brigade de sécurisation est louable. Mais avec le temps, elle s’apparente à une guerre préventive », conclut-il.
Mais comment un policier repère-t-il un casseur au milieu des manifestants ? « Nous sommes des physionomistes, et nos agents ont de l’expérience », assure Laurent Simonin, commissionnaire divisionnaire à la Préfecture de police de Paris. « Lors de grandes manifestations, cinq sections sont mobilisées : les renseignements généraux, les brigades de sécurisation et judiciaire, les CRS et les policiers en civils », poursuit-il.
G., lui, a bénéficié d’un traitement spécial : il a été interpellé par la brigade criminelle. Quant à l’homme qui brisait la vitrine de la banque, il n’a pas été poursuivi. « Vous savez, on ne peut pas arrêter tout le monde dans une manifestation. Et si c’est la brigade criminelle qui l’a arrêté, c’est parce que c’est la première à l’avoir repérée », se justifie Laurent Simonin.
Mais G. est un cas parmi d’autres dans une « ultragauche » mise sous surveillance. « On repère les autonomes au fur et à mesure des manifestations, grâce à nos hommes et à la vidéosurveillance », explique Bernard Elbaz, secrétaire régional de la Syndicat général de la Police-Force Ouvrière (SGP-FO).

En 2011, plus de vidéosurveillance et de policiers en civils

La police prévoit d’être encore plus efficace dans les manifestations qui ne manqueront pas en 2011. « Avec les caméras que l’on ajoutera dans les rues de Paris, nos agents travailleront sur l’image instantanée, ce qui améliorera les enquêtes judiciaires. D’autre part, davantage de policiers en civils seront mobilisés pour des interpellations mieux ciblées. » Après deux bavures au flashball à Montreuil, dont la dernière a grièvement blessé à l’œil un lycéen le 14 octobre 2010, l’utilisation de l’arme par les policiers de Paris et de la petite couronne a été suspendue. Mais certaines « bonnes vieilles méthodes » resteront, comme l’utilisation du gaz lacrymogène « très efficace pour pénétrer dans un groupe », justifie Bernard Elbaz.
Les prochaines grandes manifestations s’annoncent encore plus qu’auparavant comme un piège à « ultragauchistes ». 2011, une année remplie de cas G. ? « Ce qui est sûr, affirme Me Bedossa, c’est qu’il a été arrêté pour ses convictions. »
Annabelle Azadé




1 commentaire:

  1. Un petit hommage à G. (n° d'écrou 3840 085 J, Maison d'arrêt de Fleury Mérogis, bâtiment D3, 7 avenue des Peupliers, 91700 Fleury Mérogis)

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