mercredi 22 décembre 2010

Arrestation et incarcération de Bruno





Paru sur Indymedia Nantes le 22 décembre 2010


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Lundi 20 décembre 2010, Bruno a été arrêté à Paris.

Il est mis en examen dans l’"affaire des fumigènes" depuis janvier 2008 sous enquête antiterroriste, accusé de « transport et détention de produits incendiaires ou explosifs », en l’occurrence des fumigènes, alors qu’il allait à une manifestation devant le Centre de Rétention de Vincennes (voir Mauvaises Intentions).

Il avait été incarcéré pendant 4 mois et demi début 2008, puis avait choisi de soustraire à son contrôle judiciaire depuis juillet 2008. Il était donc sous mandat d’arrêt.

Alors que l’instruction devait être close en cette fin 2010, il a été incarcéré ce mardi 21 décembre à la prison de Fresnes.

Plus d’infos bientôt.

Liberté pour tous !
La solidarité est une arme !

lundi 13 décembre 2010

LES AMIS DE LA COMMUNE DE TARNAC


Article paru le 10/12/10 sur Le Jura libertaire.




Tarnac, le 1er décembre 2010

Bonjour!

Nous ne vous écrivons pas, aujourd'hui, pour vous entretenir des obscurs dédales de procédure dans lesquels la justice s'attache à enfermer certains d'entre nous, et dont nous essayons encore de les sortir. Nous vous écrivons dans une perspective nettement plus joyeuse : ce que nous avons commencé à construire, depuis plusieurs années, sur le plateau de Millevaches.

Si nous nous sommes installés à Tarnac, c'est bien sûr pour la vieille tradition de résistance à l'autorité centrale, d'entraide populaire, de communisme rural qui y survivait. Notre idée n'a jamais été de nous y réfugier, mais au contraire de nous y regrouper pour y élaborer d'autres rapports sociaux, y rendre vivables d'autres rapports au monde que ceux qui dominent, et précisément dévastent le monde.

Nous imaginions des communes qui se répartissent les cultures élémentaires et se partagent lors de fêtes mémorables les récoltes selon leurs besoins, des garages collectifs, des camions sillonnant le plateau pour apporter à ceux qui ne peuvent se déplacer le ravitaillement nécessaire, des discussions de bar plus pointues qu'un séminaire à la fac, une laiterie commune qui fournirait à tous le lait à prix coûtant, bref : tout un territoire qui s'affranchit peu à peu du recours à l'argent, à la police, à l'Etat.

L'offensive policière qui nous a frappés visait, entre autres choses, à détruire l'expérience qui commence à prendre racine ici, à trancher les liens qui nous unissent et nous unissent aux autres habitants du plateau : isoler pour mieux anéantir. Non seulement l'opération n'a pas rencontré le succès escompté, mais elle a eu l'effet exactement inverse. La solidarité qui s'est exprimée ici a dépassé tout espoir raisonnable. Grâce au soutien de tant d'inconnus aux quatre coins de la France et du monde, grâce à votre soutien donc, nous avons pu traverser l'épreuve qui devait nous pulvériser. Ce plateau qu'il s'agissait de nettoyer de toute dissidence finit par l'attirer comme magnétiquement. Quant à nous, tout cela n'a fait que tremper un peu plus notre détermination, et nous attacher un peu plus fermement à réaliser nos perspectives initiales. Le bar - épicerie est toujours là. La ferme du Goutailloux voit paisiblement croître son troupeau et ses cultures communes. Une assemblée populaire a même vu le jour sur le plateau afin d'intervenir et d'appuyer le dernier mouvement contre la réforme des retraites; et elle est intervenue.

A présent, nous nous lançons dans l'installation d'une scierie et d'un atelier bois afin de construire des habitats à bas coût pour qui vient repeupler le plateau. A compter du printemps, nous voulons entreprendre de transformer le bâtiment principal du Goutailloux en grand lieu ouvert à l'organisation de toutes sortes de rencontres. Et dans le courant 2012, nous comptons faire l'acquisition d'un bâtiment dans le centre du bourg pour le transformer en maison de soin accessible à tous. Or, si nous disposons de stocks d'énergie et de bonne volonté, il nous manque 35 OOO € pour achever la scierie et l'atelier bois et 55 000 € pour la réfection du bâtiment principal de la ferme. Si nous voulons continuer à aller de l'avant, nous devons donc réunir d'ici fin janvier 90 000 €. Pour la maison de soin, qui réclamera 90 000 € supplémentaires, nous avons plus de temps. C'est un des paradoxes de l'époque qu'il faille de l'argent pour se doter des moyens de s'affranchir de l'argent. Or quelque chose nous dit que ce n'est pas l'Etat qui, dans les circonstances présentes, va nous soutenir dans cette louable direction. C'est pourquoi nous avons créé une structure qui permet à tous ceux qui souhaitent soutenir notre démarche de donner de l'argent et de déduire les deux tiers de leur don de leurs impôts.

Cette structure s'appelle « Les Amis de la Commune de Tarnac ». Il s'agit d'un fonds de dotation. Elle a vocation à recueillir et redistribuer des fonds à des initiatives vivifiantes pour le plateau. Nous vous écrivons pour vous demander de nous aider, dans la limite de vos possibilités, à continuer sur notre lancée et rendre au beau mot de partage un sens non dérisoire.


Des Amis de la Commune de Tarnac


NB : Ceci est un appel à l'aide financière parce que, dans la séparation régnante, donner de l'argent est bien souvent le mieux que l'on puisse faire pour témoigner de son attachement à ce qu'existe quelque chose à quoi nous n'avons pas le loisir de participer. Il va de soi que ceux qui disposent des savoir-faire, de la liberté ou simplement du désir de nous aider de leurs mains, par leur participation directe, sont les bienvenus. Ils savent où nous trouver.









+ voir aussi sur Les blog de Politis et sur Europe1




lundi 6 décembre 2010

"Mystérieuse explosion" à Chartres-de-Bretagne ...




Vue partielle et dégagée de la route Nantes-Rennes à Chartres-de-Bretagne.



... et la presse locale s'agite.

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Le Mensuel de Rennes
du 4 décembre 2010.



Des activistes de « l’ultra-gauche » soupçonnés d'avoir fait exploser une bombe à Chartres.

[par K.T. avec C.S. et X.T.]



Le 23 novembre, une explosion a retenti à Chartres. Des gendarmes ont laissé filer quatre personnes. Leur véhicule était pourtant surveillé par les services de renseignement, dans le cadre de la lutte anti-terroriste.

Mardi 23 novembre, vers 1 h du matin, à Chartres-de-Bretagne. Un témoin appelle le 17. Il vient d’entendre une déflagration et constate un début d’incendie. Les faits se déroulent non loin d’une grande ferme abandonnée, à 300 mètres environ des premières habitations, sur un terrain coincé entre la route de Nantes, un bassin de décantation, la nouvelle piscine et un transformateur ERDF. On y accède par un petit chemin à sens unique.

Surveillé par le Renseignement intérieur

Quelques minutes après l’appel, une patrouille de gendarmerie se présente sur place. Elle tombe nez à nez avec un véhicule utilitaire. A l’intérieur, quatre personnes : deux hommes et deux femmes, tous âgés d'une trentaine d'années. L’un des hommes présente des traces de brûlure. Notamment aux cheveux. Selon le récit fait au Mensuel, le contrôle "ne se déroule pas très bien". Les gendarmes n'arrivent à récolter que des identités orales. L'un des hommes dit qu'il vient de Paris, un autre du Canada. Sur ces déclarations, les gendarmes laissent repartir le quator, après avoir relevé l’immatriculation de l’utilitaire.

Surprise, quelques heures plus tard. Selon nos informations, il apparaît que le propriétaire du fourgon fait l'objet d'une surveillance de la Direction centrale du renseignement-intérieur (DCRI), le contre-terrorisme français. L’individu est soupçonné d'appartenir à la mouvance, dite « autonome violente », dénommée aussi « ultra-gauche » dans les milieux judiciaires. Il serait susceptible "d'être dangereux".

Tentative d'attentat ? Entraînement ? Accident ?

A l’heure où nous écrivons ces lignes, ces informations n’ont pas été confirmées de source officielle. L’histoire semble cependant faire les choux gras du monde judiciaire depuis la semaine dernière. Elle a également été racontée dans un article du Télégramme publié ce samedi.

Que s’est-il passé ? Une tentative d’attentat ? Un entraînement au maniement d’explosif qui aurait dérapé ? Un simple accident ? Difficile d’y voir clair pour l’instant. Lundi dernier en tout cas, selon les constations faites par Le Mensuel, il ne restait aucune trace d’explosion sur le site, éloigné de toute cible potentielle. Juste quelques preuves d'un squat (bière, feu, allumettes, tags). Et encore, impossible de savoir si elles sont récentes.

Voiture piégée devant les Douanes en 2007

« L’ultra-gauche » a été pointée du doigt par le ministère de l’Intérieur lors de l’affaire de Tarnac en 2008 (sabotage de voies ferrées). Depuis, l’affaire très médiatisée a tourné au fiasco judiciaire. Il n’empêche. Les services de sécurité français semblent garder un œil sur ce milieu diffus. En particulier à Rennes, où la direction régionale des Douanes a fait l’objet d’une tentative d’attentat, attribuée à cette mouvance, le 8 novembre 2007.

Deux hommes de 20 et 23 ans et une femme de 21 ans, fréquentant les milieux d'extrême gauche, à Rennes, et jouant les agitateurs à la fac de Toulouse-Mirail durant les grèves contre le LRU, ont, depuis, été interpellés à Toulouse et mis en examen pour « fabrication et détention d'engins explosifs » par un juge rennais.


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Le Télégramme (cité dans l'article précédent) du 4 décembre 2010.


Chartres-de-Bretagne (35). Mystérieuse explosion

[par Hervé Chambonnière]

Appelée pour une explosion proche d'un chantier à Chartres-de- Bretagne (35), une patrouille de gendarmerie alaissé filer quatre mystérieux individus dans une camionnette... fichée par les services de renseignement.

Il est près d'une heure du matin, dans la nuit du mardi 23 au mercredi 24 novembre derniers, quand l'explosion retentit. La scène se déroule près d'un chantier de construction de bureaux, proche de la quatre voies reliant Rennes à Nantes, sur la commune de Chartres-de-Bretagne. Alerté par un témoin, le Centre opérationnel de la gendarmerie dépêche une patrouille sur place. Celle-ci, dans un chemin de terre menant à une ferme abandonnée jouxtant le chantier, tombe nez à nez avec quatre individus, deux jeunes hommes et deux jeunes femmes, qui montent à bord d'un fourgon Mercedes. Deux d'entre eux portent des traces de brûlures. L'un semble même assez sérieusement touché à la tête. Mais le groupe refuse de se rendre à l'hôpital.

Fausses identités


Les militaires veulent alors contrôler l'identité des quatre personnes. Aucune ne dispose de papiers. Le ton monte. Le groupe finit par décliner ses identités. Contre touteattente, peut-être pressés par d'autres urgences, les gendarmes s'en contentent et laissent le groupe partir. Sans procéder à d'immédiates vérifications. Résultat : les identités sont fausses. Et la plaque d'immatriculation du véhicule révèle que la camionnette est fichée par la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur, ex-DST-RG) comme étant utilisée par des membres de la «mouvance anarcho-autonome». Cette fameuse «ultra-gauche» pointée du doigt par le ministère de l'Intérieur, il y a deux ans, à l'occasion de la retentissante affaire de Tarnac (sabotage de voies ferrées)... qui tourne depuis au fiasco judiciaire.


Sabotage?


Qu'est venu faire ce groupe de quatre personnes à Chartres-de-Bretagne?L'explosion,qui n'aurait provoqué aucun dégât matériel, semble avoir été provoquée par le sectionnement d'un gros câble électrique. Acte de sabotage? Répétition en vue d'une action ultérieure? Tentative de neutralisation d'un système d'alarme ou de l'éclairage public ? Quelle était la cible? Seule une poignée de bâtiments figure dans le proche périmètre de l'accident:une piscine-centre fitness et deux chantiers de construction de bureaux. L'une des sociétés implantées sur le site a-t-elle plus particulièrement retenu l'attention du groupe ? La plupart ont leur activité dans les secteurs des télécommunications, de l'électricité et de l'informatique. «A priori, rien de sensible ou rien qui puisse susciter l'intérêt de cambrioleurs», s'étonne un élu de Chartres-de-Bretagne, qui ignorait l'existence de cet incident.




vendredi 3 décembre 2010

Tarnac : l’engagement en procès





Article paru dans Libération du 2 décembre 2010 (spécial ..."Libé des philosophes" !) sur le procès de 3 participants à la manifestation du 31 janvier 2009.


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Procès . Hier [mercredi 1er décembre 2010], trois participants aux manifestations de soutien à Julien Coupat, en janvier 2009, ont été jugés à Paris.

Par PHILIPPE BUTTGEN, BARBARA CASSIN


«Vous avez tous les trois une forme de philosophie de l’engagement […]. Jusqu’où va votre philosophie de l’engagement ?» Les trois prévenus questionnés hier par une juge de la Xe chambre correctionnelle de Paris ont participé à la manifestation du 31 janvier 2009, à l’appel des comités de soutien aux inculpés de Tarnac. Agés de 25 à 32 ans, ils répondent de «violences en réunion sur personnes dépositaires de l’autorité publique». Jets de bouteilles, tirs de fusées devant la prison de la Santé, cinq CRS blessés. Ils nient les faits.

«Symbolique». Ils ont été interpellés quand la manifestation se dispersait, sur le témoignage de trois policiers en civil, dont deux mêlés au cortège (le chef était trop vieux pour être pris pour un jeune). Qui était camouflé ? Tous, prévenus et policiers, portaient des masques blancs, percés aux yeux, avec «TERRORISTE» écrit dessus : «Symbolique», disent les prévenus, pour signifier que «n’importe qui aujourd’hui peut être terroriste».

Photos, vidéos : personne n’est reconnaissable au moment des tirs. Pourtant, malgré masques et capuches, les policiers infiltrés sont formels : c’est cette jeune fille-là, métisse à lunettes, c’est ce jeune homme-ci, mat aux cheveux bruns, qui entourent le grand qui lance la fusée. On ne retrouve pas le tube ? «Il a dû s’en débarrasser» : «Je m’étais éloigné par discrétion», dit le policier qui les filait… Le droit à manifester est un droit essentiel, proclament juges et procureure. «On ne parle pas de Jérôme [Julien, ndlr] Coupat ni de Tarnac aujourd’hui. Là, on est sur la manifestation du 31 janvier.» Mais, peu après : «Vous en saviez quoi, de cette affaire de Tarnac ?» Et y a-t-il eu des «violences policières» ? Il n’y en a pas eu, on le fera dire aux prévenus, plus d’une fois. Police irréprochable, même infiltrée.

Etape suivante : les prévenus doivent dire qu’ils condamnent, qu’ils regrettent. Question : «A quel moment est-ce que ça dérape et pourquoi ?»Réponse : «Je n’ai pas à répondre de violences que je n’ai pas commises.»La juge : «Soit on se sent solidaire, soit on quitte la manifestation.» Réponse : «Je suis solidaire des raisons quimotivent la manifestation.»Solidaire des motifs ou des violences ? «Vous n’avez participé à rien ?» - «A une manifestation, mais à aucune violence.» L’autre juge est philosophe : «Vous vous désolidarisez effectivement, au sens philosophique du terme ?» «Il m’est impossible d’entrer dans des considérations morales pour des faits que je n’ai pas commis», dira un prévenu. Et l’autre : «La prise de la Bastille, on m’a appris à l’école que c’était bien.»

«Bons». La procureure requiert huit mois avec sursis : «Il y a eu la prise de la Bastille, mais il y a eu aussi le Comité de salut public et les femmes tondues à la Libération.» La défense demande : «A-t-on attrapé les bons ?» On juge un délit de violence, pas un délit d’opinion : tous l’auront dit, mais si différemment. «Philosophie de l’engagement» ? Décision le 5 janvier.





samedi 20 novembre 2010

Documentaire C+ du 8 novembre 2010






Ci-après, les reportages intitulés «Tarnac : enquête sur "l'ultra-gauche"» et «Tous terroristes» diffusés le lundi 8 novembre 2010 sur Canal +, dans le cadre de l'émission "Spécial Investigation".




1ere partie : «Tarnac : enquête sur "l'ultra-gauche"»





2eme partie : «Tous terroristes»







mardi 16 novembre 2010

Enquête sur l'ultragauche « tapie dans l'ombre », mode d'emploi







Le lundi 8 novembre 2010, dans le cadre de l'émission "Spécial
Investigation" Canal + diffusait un document intitulé «Tarnac : enquête sur "l'ultra-gauche"» : http://www.canalplus.fr/c-infos-documentaires/pid3357-c-special-investigation.html?vid=389357

L'auteur de ce reportage est Thierry Vincent ... un journaliste qui fut frappé par les flics à la fin de la manifestation contre la réforme des retraites du 13 octobre 2010.


ERRATUM:

Ayant attribué par erreur des propos révulsants à l'auteur du documentaire lors de cette manifestation, nous nous étions fendus d'une remarque insistante sur des propos tenus en réalité par un de ses confrères : "On est de la presse ! Nous tapez pas dessus, on est pas comme les autres !"

Nous publions fort légitimement sa réaction (reçue en commentaire) :
Je suis le journaliste en question, Thierry Vincent, qui fut effectivement frappé par la police.
Mais je tiens à préciser que je ne suis pas l'auteur de cette terrible phrase, "nous tapez pas dessus, on est pas comme les autres". C'est un autre journaliste (casqué à l'image) qui dit ça.
Pour ma part, je désapprouve totalement cette phrase, qui me révulse.
Je me suis simplement insurgé contre le fait d'avoir pris des coups de matraque, et aussi contre le fait que des manifetants qui n'avaient rien fait ont également été frappés. Ceux qui me connaissent savent bien que je suis aux antipodes de ce détestable corporatisme journalistique, comme le montre d'ailleurs l'itv dans Rue 89, où je ne suis pas tendre avec certains de mes "confrères" (quel mot affreux !)
Que l'on regarde les sujets diffusés sur Canal et que l'on me critique éventuellement là dessus, au lieu de me prêter des propos que je n'ai pas tenus et qui encore une fois me choquent profondément. Merci




Christophe Payet, journaliste lui aussi, a rencontré cet "investigateur".
Entre confrères...


Article publié sur le site de Rue 89 le 15 novembre 2010.

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Enquête sur l'ultragauche « tapie dans l'ombre », mode d'emploi


Il y a deux ans que les « inculpés de Tarnac » ont été interpellés, le 11 novembre 2008. Canal+ a diffusé une enquête sur cette affaire emblématique du cafouillage de la justice antiterroriste.

J'ai rencontré Thierry Vincent, journaliste auteur du document, pour réaliser un guide des bonnes manières à adopter face à un dangereux révolutionnaire bloqueur de trains.

Pas facile de faire un sujet télé sur ce que les services de renseignement appellent la « mouvance anarcho-autonome ».

Mais il y a plusieurs points sur lesquels le film de Thierry Vincent, « Tarnac : enquête sur l'ultragauche », se démarque nettement de tout ce que les journaux télévisés ont pu produire sur cette affaire de sabotage de ligne SNCF.

Approfondi, le document fait un bon bilan de l'enquête. Son principal avantage est par ailleurs d'avoir pu suivre les Tarnacois dans leur quotidien et ainsi montrer un tout autre portrait de ce « commando qui avait pour objet la lutte armée », comme l'a qualifié le procureur de la République, Jean-Claude Marin.


1. Ne pas faire comme ses confrères

« Ils n'ont pas été gâtés par les journalistes. » Thierry Vincent est sévère sur le traitement fait de « l'affaire de Tarnac » par les médias. Et à revoir les images des journaux télévisés de l'époque, son jugement semble se justifier.

« Le commando avait fait de ce village de Corrèze son QG (…) Ils vivaient dans une petite épicerie tapie dans l'ombre », commente ainsi le sujet du 13 heures de France 2 le jour des interpellations.

« Un épicerie tapie dans l'ombre. » L'expression devient un symbole de l'emballement médiatique, au point de se transformer en slogan ironique sur des cartes postales vendues dans ladite épicerie.

« Des équipes de TF1 se sont fait jeter de Tarnac »

La plupart des médias avaient embrayé le pas au discours politique de la ministre de l'Intérieur de l'époque, Michèle Alliot-Marie. Thierry Vincent s'en désole :

« Les Tarnacois n'ont pas vu ce qui se fait de mieux en matière de journalisme… Forcément, quand 50 caméras débarquent sans prévenir dans un petit bled de 300 habitants et qu'ils font des directs devant l'épicerie…

Il y a des équipes de TF1 qui sont repassées au village début octobre. Mais elles se sont fait jeter. Ils n'ont pu parler à personne. Du coup, ils ont réalisé une série de sujets en Corrèze pour le 13 heures de Pernaut, du type “les artisans souffleurs de verre”. »


2. Prendre du temps

C'est pourquoi le temps de gagner leur confiance est nécessaire. L'enquête de Thierry Vincent a duré six mois. Le journaliste a commencé par se rendre à Tarnac trois jours. Sans caméra :

« Ça les a beaucoup surpris que je vienne sans caméra. C'est là que j'ai rencontré Benjamin Rosoux et Christophe Becker (deux des inculpés, ndlr). J'ai passé énormément de temps avec eux. Puis je suis revenu une deuxième fois pour tourner. »

Thierry Vincent a ainsi pu les interroger face caméra, mais surtout les suivre dans leur quotidien. C'est d'ailleurs dans ce climat de confiance que Christophe Becker accorde sa première interview en deux ans.


3. Casser les fantasmes

En les voyant vivre, au cœur du petit village de Tarnac, l'image du « commando » ne peut être que bien différente de celle donnée par les sujets télévisés deux ans auparavant. L'une des conclusions les plus frappantes après le visionnage du film est en effet l'étonnante normalité de ces jeunes contestataires :

« On en a fait un faux portrait, de gens sectaires qui échafaudent des plans. Alors que quand on les rencontre, ils ont l'air de gendres idéaux. J'avais presque l'impression d'être un punk à côté d'eux.

Ils sont drôles, ils parlent de foot. Ils ne vivent même pas en communauté. Ça c'est le grand fantasme des flics qui pensent qu'ils partouzent tous ensemble »

« On s'imagine des mecs chiants, des mal-baisés »

Autre fantasme inverse dénoncé par Thierry Vincent :

« Quand on parle de l'ultra-gauche, on s'imagine des mecs chiants, des mal-baisés. Ça existe, mais eux, c'est pas Lutte ouvrière. Ce sont les délires d'une vieille droite réac ridicule. Comme si les types passaient leur temps à préparer la révolution.

Leur façon de faire de la politique, c'est de vivre autrement et d'organiser leur épicerie à petite échelle. »

Partouzeurs ou mal baisés, les Tarnacois apparaissent surtout dans le film comme des jeunes insoumis d'une trentaine d'années, qui ressemble étrangement à… des jeunes de trente ans.


4. Etre honnête

Mais acquérir la confiance doit se faire avec distance et honnêteté. Hors de question pour le journaliste de leur servir la soupe ou de cacher ses intentions.

« Ils savaient que je voyais le juge Fragnoli [Thierry Fragnoli, juge d'instruction en charge de l'affaire, ndlr] pour évoquer la politique anti-terroriste.

Je ne leur ai jamais caché non plus que je voyais des flics de la DCRI [Direction centrale du renseignement intérieur, ndlr] régulièrement. »

« Je ne leur ai jamais promis un plaidoyer pour leur cause »

Les intentions étaient donc claires dès le départ : l'objet du film est de montrer les dérapages de l'anti-terrorisme, à travers cette histoire. « L'avantage c'est que ce sont des trentenaires blancs. Même le bourgeois moyen peut s'identifier à eux, plus qu'à un Kurde », commente Thierry Vincent. Qu précise :

« Je ne leur ai jamais promis quoi que ce soit. Jamais dit que j'allais faire un plaidoyer pour leur cause. D'ailleurs, je ne juge pas l'instruction : je ne sais pas s'ils sont coupables ou non.

Je veux simplement dénoncer deux choses : une conception dangereuse de l'anti-terrorisme et la manipulation qui a eu lieu dans la présentation politico-médiatique de cette affaire. »

Malgré la clarté de ses intentions, l'enquête ne s'est pas faite sans quelques remous en interne à Canal + :

« Ça grinçait un peu, parce que certains avaient peur qu'on fasse un truc trop favorable aux Tarnacois, et qu'on ait l'air cons si leur culpabilité était démontrée ».


5. Connaître les codes

Un dernier point est essentiel pour réussir la prise de contact : comprendre leur culture politique.

« Finalement, ça n'a pas été si dur que ça de les rencontrer. Il suffit de connaître leurs codes politiques. Alors que beaucoup de journalistes n'y connaissent rien. La plupart n'ont jamais vu un mec d'ultra-gauche de leur vie.

La nana de France 2 qui parle de “l'épicerie tapie dans l'ombre”, elle a fait ça depuis Paris, et quand on lui demande sa source, elle te dit que c'est un flic. »

Pas simple cependant de « faire de la télé » avec de tels clients :

« En revanche, c'était très compliqué de tourner, car ils rejettent les codes de la télévision. Pour la télé, il faut voir du vivant. Or même quand je leur demandais de marcher ou de servir un verre, ils avaient presque l'impression de se prostituer. Là encore, il faut y passer du temps. »





jeudi 11 novembre 2010

2 ans déjà !





Paru le 11/11/10 sur LES CONTRÉES MAGNIFIQUES

Il y a deux ans, le ministère de l'Intérieur lançait l'opération de communication qui faisait découvrir au monde l'existence d'un village de Corrèze et de son épicerie "tapie dans l'ombre". Evénement à propos duquel je suis assez régulièrement intervenu.
L'une des pièces à conviction retenue contre les dix personnes interpellées était l'existence d'un livre titré L'insurrection qui vient, présent en librairie depuis près d'un an. Texte qui méritait d'être lu, qui l'a donc été beaucoup, et d'autant plus que la dite opération de communication a foiré lamentablement, réussissant surtout à transformer le livre en bestseller. On s'en réjouit ici, même si on estime que ce texte mérite bien des critiques, et il en est paru effectivement beaucoup, certaines même non dépourvues de pertinence.
En tous les cas, ces arrestations à grand spectacle furent quand même l'occasion d'un beau mouvement de solidarité transnational et ultrarégional, du plateau de Millevaches à Moscou et New York, signe parmi d'autres d'un réveil de l'insoumission. Pour saluer cet anniversaire, on pourra mesurer la progression de l'esprit rebelle dans le monde en jetant un coup d'oeil sur deux documentaires. On pourra aussi visiter un excellent site universitaire (l'université mène à tout) qui fournit une base documentaire sur les émeutes dans le monde.
On pourra aussi, éventuellement, descendre dans la rue.

S. QUADRUPPANI



Tarnac, retour sur deux ans d'enquête






Paru le 11/11/10 sur LEMONDE.FR




Le 11 novembre 2008, Michèle Alliot-Marie, alors ministre de l'intérieur, annonçait que des personnes suspectées de sabotages sur des voies de TGV avaient été arrêtés. Ils appartiendraient, selon ses services, à "l'ultra-gauche, mouvance anarcho-autonome".

Depuis, les membres du "groupe de Tarnac" – du nom d'un village corrézien où ils vivaient – ont été remis en liberté. Mais l'enquête n'a pas été annulée, fin octobre par la cour d'appel de Paris comme le demandaient les avocats. La chambre d'instruction de la cour d'appel a validé la surveillance du domicile en août 2008 de Julien Coupat et le placement sur écoutes de l'épicerie, que la défense considérait comme "entachées d'irrégularités".


De nombreuses questions subsistent toutefois. La qualification terroriste se justifiait-elle ? Quelle est la valeur des témoignages recueillis ? Y a-t-il eu précipitation ou acharnement de la part de la justice ? Retour sur deux ans d'enquête.


Des sabotages sur les lignes TGV Les 26 octobre et le 8 novembre 2008, plusieurs dégradations volontaires sur des caténaires en Moselle, dans l'Oise, en Seine-et-Marne et dans l'Yonne provoquent d'importantes perturbations sur les lignes de TGV. Ce sont pour ces cinq dégradations que les membres du "groupe de Tarnac" sont poursuivis.


A chaque fois, le mode opératoire est similaire. Afin de couper le courant sur le réseau ferré, des fers à bétons (des tiges métalliques utilisées dans le bâtiment), ont été transformés en crochets et attachés aux caténaires de manière à ce qu'il soit difficile de les retirer. Le premier train de la journée heurtait le crochet et arrachait fatalement la caténaire avec la vitesse.


Une série d'interpellations au sein de "l'ultra-gauche" Tôt dans la matinée du 11 novembre, une vingtaine de personnes âgées d'une trentaine d'années et appartenant à "l'ultra-gauche, mouvance anarcho-autonome" sont interpellées, notamment à Paris et à Tarnac, annonce la ministre de l'intérieur. Pour au moins deux d'entre elles, les enquêteurs affirment avoir acquis la certitude qu'elles se trouvaient à proximité des voies au moment des incidents.


Mme Alliot-Marie souligne que cette opération avait été rendue possible grâce "au travail de renseignement effectué depuis des mois sur cette mouvance par la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), et aux investigations conduites sur ce groupe par la sous-direction anti-terroriste (SDAT)". La section antiterroriste du parquet de Paris avait été saisie de l'enquête la veille.


"Une bande de jeunes cagoulés et armés jusqu'aux dents s'est introduite chez nous par effraction. Ils nous ont menacés, menottés et emmenés non sans avoir préalablement tout fracassé. Ils nous ont enlevés à bord de puissants bolides roulant à plus de 170 km/h en moyenne sur les autoroutes", expliquera Julien Coupat, présenté comme le "chef " du groupe, en mai 2009 dans un entretien au Monde auquel il a répondu par écrit depuis la prison parisienne de la Santé.


"Entreprise terroriste" Le 15 novembre, au terme de 96 heures de garde à vue – comme l'autorise la loi en matière de lutte contre le terrorisme –, neuf personnes sont présentées au juge antiterroriste. Julien Coupat est mis en examen comme "dirigeant d'une structure à vocation terroriste", quatre autres pour "association de malfaiteurs à visée terroriste et dégradation en réunion sur des lignes ferroviaires dans une perspective d'action terroriste". Ces cinq personnes sont placées en détention provisoire. Les quatre autres repartent libres sous contrôle judiciaire.


On apprendra plus tard que le "groupe de Tarnac" faisait l'objet d'une surveillance particulière en raison de "discours très radicaux et de liens avec des groupes étrangers", comme le précise l'entourage de la ministre. Une enquête préliminaire avait même été ouverte par le parquet de Paris depuis avril.


Libération de trois des cinq suspects. Le 2 décembre, Gabrielle H., Manon G. et Benjamin R. sont remis en liberté, sur décision de la chambre d'instruction de la cour d'appel de Paris. "C'est un premier pas fondamental, et surtout un désaveu assez radical de la manière dont cette affaire a été présentée politiquement et médiatiquement", s'est félicitée Irène Terrel, l'avocate de quatre des cinq personnes incarcérées. Quelques jours plus tard, Benjamin R. livre un long témoignage à Libération, dans lequel il raconte son interpellation et ses interrogatoires. Il estime que l'opération venait surtout d'une "volonté de la police de diaboliser, de construire du coupable".


Le 19 décembre, le juge des libertés et de la détention ordonne la libération de Julien Coupat et de sa compagne, Yldune Lévy, leur incarcération n'étant pas "indispensable à la manifestation de la vérité". Le parquet interjette appel à cette décision, assorti d'un référé-détention à effet suspensif, qui permet de les garder en détention provisoire.


La cour d'appel de Paris ordonne le 16 janvier 2009 la libération d'Yldune Lévy contre la volonté du parquet. Julien Coupat reste en revanche en détention.



Mobilisation pour le "groupe de Tarnac" Alors que plusieurs demandes de libération de Julien Coupat sont rejetées, ses proches se mobilisent pour attirer l'attention sur son sort et dénoncer "l'acharnement" du système judiciaire à son égard. Le 16 mars, les huit autres mis en examen rédigent une tribune dans les colonnes du Monde dans laquelle ils demandent la libération de Julien Coupat et défendent leur mode de vie.


La plupart des neuf interpellés sont des étudiants brillants et surdiplômés. A Tarnac, petit village corrézien de 335 habitants, le groupe, décrit comme une bande de jeunes sympas et serviables, avait acheté une ferme de 40 hectares, où il élevait des animaux, et repris l'épicerie du hameau dans l'idée de vivre à l'écart de la société marchande.


Coupat libéré. Le 28 mai 2009, Julien Coupat est finalement libéré. Le parquet a indiqué qu'il ne s'y opposait plus, estimant "en l'état du dossier" que la détention provisoire de M. Coupat ne se justifiait plus car "les auditions essentielles ont été faites, les perquisitions réalisées".


Anomalies dans l'enquête. Le 2 novembre, les avocats des neuf de Tarnac demandent, dans une note adressée au juge au juge d'instruction Thierry Fragnoli, des explications sur les "anomalies" repérées dans l'enquête. Les doutes des avocats portent notamment sur "des éléments qui ne sont pas compatibles", comme les traces de pneus relevées à proximité de la voie sabotée, qui ne correspondent pas avec la voiture de Coupat. Les avocats pointent aussi le fait qu'aucun policier chargé de la surveillance n'a "déclaré avoir vu l'un [des membres du groupe] sortir du véhicule ou y entrer, ni avoir vu personne sur la voie ferrée".


Le 25 novembre, la demande des avocats est relayée par des députés de l'opposition. Lors d'une conférence de presse à l'Assemblée nationale, ils mettent notamment en cause un témoignage "sous X..." à charge, qu'ils soupçonnent d'avoir été fabriqué. Le témoin, un agriculteur de 30 ans, a été auditionné deux fois. La première fois, sous X, il décrivait Coupat comme un "gourou de secte" lui prêtant des intentions violentes : "Il pourrait être un jour envisagé d'avoir à tuer car la vie humaine a une valeur inférieure au combat politique". Lors de la seconde audition, sous son identité, son discours est radicalement différent. A la question "les résidents de Tarnac vous ont-ils jamais fait part de projets violents ?", il répond : "Non, jamais." (Lire : Les dépositions très contradictoires d'un agriculteur, ex-témoin sous X..., en zone Abonnés).


Par ailleurs, une dixième personnes est interpellée dans le cadre de l'enquête.


Le contrôle judiciaire assoupli. S'ils sont libres, les neuf mis en examen de Tarnac sont soumis à un strict contrôle judiciaire, qui leur défend de se rencontrer. "Imaginez que vous ayez le droit de voir qui vous voulez, sauf ceux que vous aimez, que vous puissiez habiter n'importe où, sauf chez vous, que vous puissiez parler librement, au téléphone ou devant des inconnus, mais que tout ce que vous dites puisse être, un jour ou l'autre, retenu contre vous", écrivent les dix de Tarnac dans une tribune publiée dans Le Monde du 4 décembre.


Le 18 décembre 2009, le contrôle judiciaire est allégé par la cour d'appel de Paris, contre l'avis du parquet. Elle a uniquement maintenu l'interdiction de "se recevoir, (se) rencontrer ou d'entrer en relation" entre elles.


Demande d'annulation. En janvier 2010, les avocats des membres du groupe de Tarnac demandent l'annulation de toute la procédure devant la cour d'appel de Paris. Selon les avocats qui s'exprimaient sur Europe 1, les policiers auraient illégalement utilisé un système de vidéosurveillance. L'audience est fixée au 22 septembre ; la décision du tribunal à la fin octobre.


L'enquête validée. Le 22 octobre, la cour d'appel de Paris a rejeté, vendredi 22 octobre, la demande d'annulation de l'enquête antiterroriste visant le "groupe de Tarnac". L'intégralité de l'enquête est validée par la cour d'appel de Paris. "Les observations réalisées sur le groupe (ont permis) d'avérer sa volonté d'agir de manière concertée et violente afin de porter atteinte à l'Etat, ses représentants et ses infrastructures", lit-on dans l'arrêt de la cour.


Me Jérémie Assous, un des avocats de Julien Coupat, a annonçé qu'il allait se pourvoir en cassation. Selon lui, "la police n'a eu de cesse dans ce dossier de violer les règles élémentaires du code de procédure pénale". Il ajoute que "ce n'est que le début du cauchemar pour l'accusation car il y a un très grand nombre d'actes et de requêtes en nullité qui vont être déposées."



LeMonde.fr





samedi 23 octobre 2010

Rejet de la demande d'annulation









• Extraits du 19/20 de France 3 Limousin (22/10/10)


Rejet de la demande d'annulation pour "les 10 de Tarnac"
envoyé par ultrahumandignity.






• Tarnac : l’enquête continue
Est Républicain, le 23/10/2010


Une procédure d’exception, des lois d’exception et, au bout du compte, forcément, des décisions de justice exceptionnelles et donc étrangères à l’État de droit.
En rejetant la demande d’annulation de plusieurs pièces du dossier d’instruction du juge anti-terroriste Thierry Fragnoli, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a validé, hier, des actes qualifiés d’« invraisemblables » et d’« incohérents » par les avocats de Julien Coupat et des neuf autres personnes mises en examen pour « direction d’une entreprise terroriste » (pour le premier) et « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » (pour les autres). Les Dix de Tarnac sont soupçonnés d’avoir saboté les caténaires de la SNCF dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008 provocant une grosse pagaille dans les gares, en ce début de long week-end du 11 novembre.
Les autonomes Interpellés au cours d’une opération à grand spectacle par 150 policiers et gendarmes dans la commune de Tarnac (Corrèze), mais aussi à Rouen et à Paris, les suspects ont été présentés comme appartenant à l’ultra-gauche. « Mouvance anarcho-autonome », précisait même la ministre de l’Intérieur de l’époque. Michel Alliot-Marie faisait allusion à un ouvrage, « L’insurrection qui vient » (La Fabrique) qu’aurait écrit Julien Coupat. Au-delà de ce lien ténu et purement intellectuel entre les suspects et les actes commis sur voies qu’est-ce qui permet d’incriminer le groupe de Tarnac ?
Peu de choses en vérité. Car depuis le mois d’avril déjà, Julien Coupat et son amie (devenue son épouse depuis) sont placés sous étroite surveillance policière. Dans la nuit du 7 au 8 novembre, une vingtaine de policiers, dont six de la sous-direction anti-terroriste (SDAT) de la PJ et quatorze de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), prennent en filature la Mercedes de Julien Coupat. Ils sont à Dhuisy, en Seine-et-Marne, durant toute la nuit, là où l’on retrouvera l’un des quatre crochets sur une caténaire.
Leur PV de filature minutée (cote D 104) est truffé d’incohérences. Par exemple, les policiers affirment que personne n’est sorti de la Mercedes durant la surveillance nocturne.
Or, aux gendarmes qui enquêtent sur le sabotage, les mêmes policiers assurent avoir vu Julien Coupat sur la voie. Dans le PV D104, ils prétendent que le crochet a été placé « à l’aplomb d’un pont » qui enjambe une petite route. Or les gendarmes trouveront le crochet 300 m plus loin. Les policiers affirment qu’ils ont prévenu la police ferroviaire vers 5 h 10. Or les gendarmes constatent que les enregistrements téléphoniques de cette nuit ont disparu.
Hors de tout cadre légal Pourquoi l’élite de la police, qui surveille des terroristes potentiels, n’arrête-t-elle pas Julien Coupat en flagrant délit ? Pourquoi les policiers ne font-ils pas de photo ? Pourquoi le juge ne procède-t-il pas à une reconstitution ?
Les avocats de la défense ont demandé l’annulation de ce PV qu’ils soupçonnent d’être un faux. Ils ont demandé aux juges de la cour d’appel d’annuler d’autres actes, comme la surveillance vidéo du domicile de Julien Coupat ou les écoutes du magasin de Tarnac, « en dehors de tout cadre légal. » Demandes rejetées.
Pourtant, la défense ne baissera pas les bras. « D’autres requêtes en nullité vont être déposées », affirme Me Jérémie Assous, l’un des avocats du groupe de Tarnac. « Ce n’est que le début du cauchemar de l’accusation. »

Marcel GAY
Est Républicain, le 23/10/2010







• Autres articles sur le rejet de la demande d'annulation :


- Tarnac : terroristes ou épouvantails à grève ?
Agoravox

- Tarnac - L'instruction confirmée
France Soir
- Tarnac : pour les juges l'enquête n'a pas déraillé
Libération
- Groupe de Tarnac : l'enquête n'est pas annulée
Le Figaro
- L'enquête sur Tarnac se poursuit
L'Express
- Tarnac: La justice se prononce sur l'annulation de l'enquête
20minutes.fr
- La cour d'appel valide l'enquête sur le groupe de Tarnac
Le Point
- Tarnac : l'enquête n'est pas annulée
Europe1
- L'enquête sur le groupe de Tarnac validée
TF1
- Tarnac: la demande d'annulation de l'enquête rejetée
Metro France
- "Groupe de Tarnac" : le parquet valide l'intégralité de l'enquête
Le Monde
- Affaire "Tarnac" : l'enquête anti-terroriste validée
France Info




mardi 5 octobre 2010

Colloque Lois anti-terroristes 25 ans d'exception

Dernière mise à jour le 23/10/10


RETROUVEZ TOUT CE COLLOQUE EN AUDIO SUR FRAGMENTS DU VISIBLE








paru le 11/10/10 sur http://fragmentsduvisible.org/



Colloque Lois anti-terroristes 25 ans d'exception
Tarnac, un révélateur du nouvel ordre sécuritaire


LUNDI 18 OCTOBRE 2010 9h30 - 18h00
ASSEMBLÉE NATIONALE (Salle 6217)


« Juridictions d’exception ou lois d’exception, nous n’avons pas à les supporter, ni à les conserver. Elles sont inutiles, précisément du fait de leur caractère exceptionnel. Elles sont dangereuses au regard de notre liberté. Elles sont, enfin, détestables pour l’esprit même de nos lois »

Robert Badinter 1981, Garde des Sceaux.



• 9h30 Accueil

• 10h00 à 11h30 : 1ère TABLE RONDE
Contexte des lois antiterroristes


Modérateur : André Vallini, Député

En réponse à telle ou telle circonstance exceptionnelle, depuis 25 ans se sont accumulées dans le droit toutes sortes de dispositions, de procédures, d'instances, de dérogations visant à "lutter contre le terrorisme". À l'épreuve, il apparaît que ces exceptions ont une fâcheuse tendance, une fois admises, à contaminer l'ensemble du droit, devenant le modèle de nouvelles normes juridiques toujours plus menaçantes. Depuis le Patriot Act, cette logique a trouvé son point de référence mondial, vers quoi un grand nombre d'Etats semblent tendre. Comment analyser cette évolution ?

- William Bourdon, Avocat
- Hélène Flautre, Députée européenne; Membre de la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures au Parlement européen
- Jean-Claude Paye, Sociologue
- Serge Portelli, Magistrat



• 11h30 à 12h30 : Conférence de presse avec les défenseurs
Jérémie Assous, W. Bourdon, Th. Lévy

+ Pour récupérer le verbatim (format pdf) de cette conférence de presse du 18/10/10 (reçu en commentaires ci dessous): cliquez ici


• 12h30 à 14h15 : Déjeuner


• 14h30 à 16h00 : 2ème TABLE RONDE

Gouvernance et terrorisme

Modérateur : Patrick Braouezec, Député

Ce que l'on nomme de nos jours "démocratie" s'est souvent accommodé, du moins tant que leurs activités restaient marginales, d'organes non soumis à ses critères, comme les services secrets ou de renseignement. Or il semble que, sous couvert de lutte contre le terrorisme, de protection de l'Etat et des populations, ces organes soient en train de prendre une importance et une autonomie nouvelles. Tarnac peut être vu comme un exemple de ce qui se passe lorsque le renseignement fusionne avec le judiciaire. Comment peut-on nommer un régime qui traite comme "terroriste" toute opposition radicale ? A l'inverse, quel est le rôle de la "menace terroriste" dans les nouvelles façons de gouverner ?

- Alain Brossat, Professeur de philosophie
- Jean-Claude Monod, Chercheur au CNRS
- Gilles Sainati, Magistrat
- Carlo Santulli, Professeur de droit


• 16h00 à 18h00 : 3ème TABLE RONDE
Que pouvons-nous opposer à l’exception antiterroriste ?


Modérateur : Noël Mamère, Député

C'est le plus souvent par souci de "l'efficacité", des "résultats", que l'on justifie l'entrave aux grands principes du droit, quand ce n'est pas par l'émotion du moment. Quelle est cette "efficacité" dont se prévaut "l'exception" antiterroriste ? Que seraient des principes qui ne se laisseraient pas constamment contourner et rejeter au rang de vieillerie par l'excuse de l'efficacité ? Au nom de quoi, et comment, s'opposer au démantèlement en cours de nos libertés ?

- Jean-Pierre Dubois, Président de la Ligue des Droits de l’Homme
- Matthieu Bonduelle, Secrétaire Général du Syndicat de la Magistrature
- Antoine Comte, Avocat

• Conclusion
- Thierry Lévy, Avocat
- Edwy Plenel, Mediapart




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*** Informations pratiques ***

Pour assister au colloque : Rendez-vous sur un des liens suivants pour confirmer votre présence :

Je confirme ma présence au colloque le matin

Je confirme ma présence au colloque l'aprés-midi

Je confirme ma présence au colloque toute la journée


Une pièce d'identité est requise pour entrer à l'Assemblée Nationale.
Il est conseillé de venir avant l’heure dîte du fait des formalités à l’entrée


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*** Liens utiles ***

- Enjeux, positionnement, inscription et programme : Page dédiée à l'événement

- Lien direct pour télécharger le document word contenant le texte d'annonce de l'événement corrigé incluant un entête de l'Assemblée Nationale.

- Contactez-nous sur colloquetarnac@fragmentsduvisible.org


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Le CALAS, Comité pour l'abrogation des lois anti-terroristes

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RETROUVEZ TOUT CE COLLOQUE EN AUDIO SUR FRAGMENTS DU VISIBLE



+ Pour récupérer le verbatim (format pdf) de la conférence de presse du 18/10/10 des avocats des "10 de Tarnac"(reçu en commentaires ci dessous): cliquez ici



jeudi 30 septembre 2010

Réunion publique contre l'antiterrorisme le 9 octobre à Lyon




Le Comité d’Information sur l’Antiterrorisme de Lyon cherche à démasquer les pratiques et les stratégies de l’antiterrorisme pour mieux les combattre. Le comité veut également répondre à la nécessité de créer des liens de solidarité avec les cibles des barbouzes antiterroristes. En effet, l’antiterrorisme stigmatise des individus, collectifs ou forces sociales qui remettent en cause l’ordre établi. Le but est d’isoler les soit-disant «terroristes» de leur entourage, des soutiens, de leur quartier… tout en apportant un prétexte à la mise en place par l’État d’instruments de contrôle de la population (fichage policier, vidéo-surveillance, lois répressives, censure etc.).

Pour briser ces tentatives d’isolement et lutter contre le chantage imposé par l’antiterrorisme (se dissocier des soit-disant «terroristes» ou être classé comme tel), le comité organise une journée de débats le 9 octobre 2010 à Lyon. Elle se concrétisera par une rencontre entre des collectifs venant d’horizons géographiques et politiques différents mais qui font face à la même violence d’État.

Réunion publique le samedi 9 octobre 2010 à 15h à la Marmite Colbert, 7 rue Diderot à Lyon.



... lu sur le Jura Libertaire

dimanche 26 septembre 2010

Ce serait de la folie de ne pas le signaler !






Les opérations mains propres n'en finissent plus, après MAM qui le 15 juin 2010 affirmait n'avoir jamais employé le terme de terrorisme par rapport à cette "histoire", c'est à présent le tour d'Alain Bauer de jouer à Mr propre.



C'était ce soir (là) ou jamais pour ce pseudo profiler râté me direz vous ?
En effet, il a attendu le 21 septembre 2010, jour où la chambre d'instruction se réunissait afin d'examiner la requête en annulation déposée par les avocats ( Maitres Thierry Lévy et Jérémie Assous) des inculpés du 11 novembre, pour commencer à récurer ses mains entachées d'un épais cambouis.

Lors de sa participation à cette émission (voir vidéo de morceaux choisis ci dessous) dont le thème était Terrorisme : le territoire français en état d'alerte et où fut évoqué l'affaire dite de Tarnac par les autres invités, alors qu'il décrivait le fonctionnement alambiqué des services de renseignements et les approximations que ceux ci produisent (comme pour mieux les réformer), "BoBo" en profite pour soudainement attester et dénoncer le fait que

(…) "des gens" essayent régulièrement de manipuler, d'instrumentaliser ou de mettre en scène la menace terroriste comme dans l'affaire de Tarnac (…) et que ce serait de la folie de ne pas le signaler !




EXTRAITS-cesoiroujamais-210910-byUHD
envoyé par ultrahumandignity.


LIEN DE TELECHARGEMENT DIRECT



Mais de qui peut-il bien parler ? Qui peuvent être ces "gens" ?

Des gens qui jouent, dans cette affaire, un pan entier de leur lamentable carrière ?

Des gens qui ont aidés l'intérieur à désigner une menace fictive et à piloter une piteuse opération de communication ?

Des gens qui commandent des dizaines d'exemplaires d'un même livre pour les ré-expédier aussitôt aux pontes de la PJ ?

Des gens qui seraient d'un côté, les instigateurs d'une société plus sécuritaire en participant activement à la stratégie de la terreur, et de l'autre, qui en retireraient des bénéfices par le biais de leur propre société privée de conseil et solution en sécurité ?


Si vous avez d'autres idées de qui peuvent être ces "gens", vous pouvez l'ajouter en commentaire ... ce serait de la folie de ne pas le signaler !




vendredi 24 septembre 2010

Tarnac : ennemi intérieur où es-tu ?


Dans Le Courrier (quotidien Suisse) du 24 septembre 2010.

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Des TGV bloqués plusieurs heures en rase campagne après le sabotage de leur alimentation en électricité. Puis des dizaines de policiers encagoulés qui prennent d’assaut un village du centre de la France pour neutraliser une organisation anarcho-autonome sur le point de sengager dans la lutte armée. Deux ans après lopération surmédiatisée qui a conduit à larrestation et linculpation dune dizaine de personnes accusées de vouloir déstabiliser l’État, laffaire de Tarnac se situe à un tournant. La cour dappel de Paris se penche en effet depuis hier sur une demande dannulation de la procédure.

Au-delà de la menace réelle pesant sur le destin de ces militants clamant leur innocence — ils risquent jusquà vingt ans de réclusion —, lenjeu concerne lensemble des défenseurs des libertés publiques. Car ce dossier constitue un exemple saisissant des conséquences pour l’État de droit de ladoption de lois antiterroristes autorisant toutes les dérives — disproportion des moyens mis en œuvre, violation de la présomption dinnocence, limitation extrême des droits de la défense, détention préventive interminable et mesures de contrôle judiciaire vexatoires.

En loccurrence, aussi impressionnant soit-il, cet arsenal ne permet pas à lui seul de transformer une banale affaire de sabotage nayant pas mis en danger de vie humaine en un démantèlement spectaculaire dune prétendue cellule terroriste. Sans preuves matérielles, sans aveux, les charges retenues contre les «dix de Tarnac» reposent essentiellement sur lenquête des services de sécurité français qui surveillaient la bande damis depuis plusieurs mois.

Les avocats de la défense ont alors épluché ces rapports et témoignages policiers. Ils ont dabord mis en lumière une série dincohérences et dinvraisemblances parfois grossières dans le récit des filatures censées confondre les suspects — elles nont jamais été clarifiées. Ensuite, et cest ce qui motive la requête en annulation examinée ces jours, les avocats dénoncent lutilisation illégale de caméras vidéos et découtes téléphoniques lors de lenquête préliminaire.

Le château de cartes sécroulera-t-il avant la tenue dun procès devant une cour dassises spéciale ? Alors que la rue recommence à contester le pouvoir, cette perspective paraît improbable. La figure dun ennemi intérieur dultra gauche nest pas inutile pour calmer les ardeurs du mouvement social. À moins que la menace islamiste réactivée depuis quelques jours soit jugée suffisante.

Olivier Chavaz





Tarnac : les bricolages de l’antiterrorisme






Article de Karl Laske paru dans Libération du 24 septembre 2010.


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Les avocats du groupe de Tarnac, qui demandent l’annulation d’une partie de l’enquête, seront fixés le 22 octobre.


Quand un objet revient ainsi à la tête de celui qui l’a lancé, on dit que c’est un boomerang. Le volumineux dossier de l’enquête sur les sabotages des lignes TGV dans la nuit du 7 ou 8 novembre 2008 est désormais en suspension. Et il pourrait bien retomber sur les responsables de la sous-direction antiterroriste (Sdat), coauteurs du «coup de filet» visant la «mouvance arnarcho-autonome» à Tarnac. En deux ans d’instruction, aucune preuve n’est venue confirmer l’accusation contre les jeunes de Tarnac, toujours poursuivis pour «association de malfaiteurs, destructions et dégradation en relation avec une entreprise terroriste». Au terme d’une véritable contre-enquête, les avocats de la défense, Me Thierry Lévy, Jérémie Assous et William Bourdon ont soulevé, hier, la nullité de plusieurs actes de procédure devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris. Ils seront fixés le 22 octobre.

Témoin sous X, procès-verbaux approximatifs, filatures imprécises et écoutes illégales : les méthodes employées par la Sdat dans la phase préliminaire de l’enquête sont désormais en cause. «Si un procès a lieu, ce sera celui de la police antiterroriste, estime Me Jérémie Assous. La procédure est en miettes, parce que la police n’a eu de cesse de la piétiner.» Sous la pression des avocats, le juge antiterroriste Thierry Fragnoli a été contraint d’interroger les responsables policiers, faisant apparaître de nouvelles contradictions. D’ores et déjà, le parquet général a requis, hier, l’annulation de la surveillance vidéo mise en place à Paris dans l’immeuble de Julien Coupat.
«Ces irrégularités de procédure sont évidemment liées à l’instrumentalisation politique de cette affaire, commente Me William Bourdon. C’est l’obsession de livrer un dossier clé en main qui a conduit à ces dérapages.» Analyse des zones d’ombre et des failles procédurales.

Des surveillances illicites ?

La police s’est livrée à une enquête «préventive» plus que préliminaire. En avril 2008, lorsque l’enquête préliminaire est ouverte, les policiers de la Sdat ne disposent d’aucun soupçon précis, hormis l’entrée sans visa, ni passeport, de Julien Coupat sur le territoire américain, en janvier 2008. Ils n’en dénoncent pas moins l’existence d’une «structure clandestine anarcho-autonome», disposant de «bases logistiques» en France, et projetant des «actions violentes». Loin de stopper immédiatement cette menace, ils attendent l’été pour équiper de caméras des arbres de la ferme du Goutailloux, à Tarnac, réaliser un album photo des visiteurs, et les placer sur écoutes. Cette surveillance intensive n’apporte aucun élément à charge dans l’affaire des sabotages de la SNCF. Une caméra est aussi fixée sur le toit d’un immeuble parisien. Celle-ci est orientée sur la cour intérieure, de façon à surveiller les allées et venues dans l’appartement occupé par Julien Coupat. Or cette dernière mesure, dans une phase d’enquête préliminaire, nécessite désormais l’accord du juge des libertés et de la détention (JLD), qui n’a pas été sollicité. Le parquet général s’est prononcé en faveur de l’annulation des procès-verbaux de cette vidéosurveillance. «Le parquet s’est désolidarisé de la Sdat, en signalant qu’il n’avait même pas été averti de ce dispositif de surveillance», explique Me Assous. Les avocats mettent également en doute la légalité d’écoutes découvertes à Tarnac, par un agent de France Télécom, en avril 2008.

Le témoin anonyme a-t-il été influencé ?

C’est un témoin sous «x» qui a apporté à l’accusation sa pièce maîtresse. Baptisé «témoin 42», il décrit Coupat comme un homme «qui n’a jamais caché faire peu de cas de la vie humaine» , qui «pourrait envisager d’avoir à tuer» et souhaite «le renversement de l’Etat par le biais d’actions de déstabilisation». Des expressions qui seront reprises in extenso lors du «coup de filet». Sans qu’on sache pourquoi, la Sdat réentend, un mois plus tard, 42 sous son identité réelle, Jean-Hugues Bourgeois, un jeune militant devenu agriculteur. Bourgeois contredit frontalement 42. Il n’a jamais été informé des «projets violents» du groupe et a un peu de mal à croire qu’on puisse présenter Coupat «comme un terroriste». «Une forfaiture !» commente Me Assous. Encore un an plus tard, il confie à TF1 que «ce témoignage» sous x «est faux». Comprendre dicté. Aux journalistes, Bourgeois confirme être 42. Le juge Fragnoli l’interroge aussitôt. Bourgeois refuse de parler de sa déposition en tant que 42, et dit qu’il n’a «rien à ajouter ou retrancher» au témoignage effectué sous sa véritable identité. On a donc trois versions. Les avocats de la défense ont demandé - sans succès - au juge un nouvel interrogatoire de Bourgeois en leur présence. La chambre de l’instruction a été, hier, saisie de ce refus et d’une question prioritaire de constitutionnalité exposée par les avocats. Le code de procédure pénale n’offre qu’un délai de dix jours pour contester le recours à «l’anonymisation» d’un témoignage. «Sur le fond, ce délai est trop restrictif pour permettre à un mis en examen d’exercer un recours effectif, explique Me Bourdon. C’est d’autant plus scandaleux que le témoin anonyme est un témoin clé.» L’objectif des avocats est d’obtenir l’examen du sujet par le Conseil constitutionnel.

Quel crédit pour le PV de filature ?

Les policiers étaient une vingtaine : 6 appartenaient à la Sdat, 14 à la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). Ils ont suivi Julien Coupat et Yildune Lévy la nuit du 7 au 8 novembre 2008, dans une zone voisine du lieu des sabotages. Le couple a dîné, et dormi dans leur voiture, à 30 kilomètres de là. Et selon les policiers, il serait allé se garer à proximité immédiate de la voie TGV sabotée ce soir-là. En relisant attentivement le PV, les avocats de la défense ont d’abord relevé de graves incohérences. Selon le relevé policier, le couple avait parcouru le chemin entre la commune où il avait dormi et le lieu du sabotage, soit 26,6 km en dix minutes, de 3 h 50 à 4 heures. Impossible à moins d’avoir roulé à 159 km/h. Questionnés par le juge, les policiers ont plaidé l’erreur de la prise de notes. Ils auraient écrit un «5» au lieu d’un «3». Mais selon le PV initial, la voiture de Coupat avait aussi stationné de 4 heures à 4 h 20 quelques mètres «avant le pont de chemin de fer» incriminé. Dans une nouvelle version communiquée au juge, le véhicule se serait posté dans une autre voie de service, à une centaine de mètres du pont. D’autres PV indiquent aussi «après le pont» ou encore «sous le pont». Ces approximations ont pour avantage d’écarter l’analyse des traces de pneus réalisée par les experts, qui ne correspondaient pas à ceux de la voiture de Coupat. Il n’y a pas que ça : les policiers avaient aussi indiqué avoir levé leur dispositif à 5 h 25, après avoir vu «une gerbe d’étincelles», au passage du premier TGV. «L’ensemble des effectifs a quitté la zone immédiatement» , indiquait le PV. Or à 5 h 30, nouvelle erreur de prise de notes, les policiers étaient déjà de retour dans le village où le couple avait dormi. Soit cinq minutes pour faire 26,6 km… 324 km/h cette fois ! En réalité, l’analyse du trafic téléphonique montre que les fonctionnaires étaient encore sur place à 6 heures du matin. «Le récit des services de police paraît pour le moins invraisemblable», concluent les avocats. «Pour que ce PV ait une force probante, il faudrait aussi que l’officier soit témoin de l’ensemble des faits qu’il relate, explique Me Assous. Ce n’est pas le cas : c’est un PV de synthèse, un PV de renseignement. Pourquoi les 20 policiers présents n’ont pas rédigé, chacun, un procès-verbal comme ils l’ont fait dans les opérations suivantes ?» La défense n’a pas curieusement pas eu accès au trafic téléphonique de 3 h 30 à 5 h 10. Le juge d’instruction pourrait réaliser prochainement une reconstitution des faits.