jeudi 30 septembre 2010

Réunion publique contre l'antiterrorisme le 9 octobre à Lyon




Le Comité d’Information sur l’Antiterrorisme de Lyon cherche à démasquer les pratiques et les stratégies de l’antiterrorisme pour mieux les combattre. Le comité veut également répondre à la nécessité de créer des liens de solidarité avec les cibles des barbouzes antiterroristes. En effet, l’antiterrorisme stigmatise des individus, collectifs ou forces sociales qui remettent en cause l’ordre établi. Le but est d’isoler les soit-disant «terroristes» de leur entourage, des soutiens, de leur quartier… tout en apportant un prétexte à la mise en place par l’État d’instruments de contrôle de la population (fichage policier, vidéo-surveillance, lois répressives, censure etc.).

Pour briser ces tentatives d’isolement et lutter contre le chantage imposé par l’antiterrorisme (se dissocier des soit-disant «terroristes» ou être classé comme tel), le comité organise une journée de débats le 9 octobre 2010 à Lyon. Elle se concrétisera par une rencontre entre des collectifs venant d’horizons géographiques et politiques différents mais qui font face à la même violence d’État.

Réunion publique le samedi 9 octobre 2010 à 15h à la Marmite Colbert, 7 rue Diderot à Lyon.



... lu sur le Jura Libertaire

dimanche 26 septembre 2010

Ce serait de la folie de ne pas le signaler !






Les opérations mains propres n'en finissent plus, après MAM qui le 15 juin 2010 affirmait n'avoir jamais employé le terme de terrorisme par rapport à cette "histoire", c'est à présent le tour d'Alain Bauer de jouer à Mr propre.



C'était ce soir (là) ou jamais pour ce pseudo profiler râté me direz vous ?
En effet, il a attendu le 21 septembre 2010, jour où la chambre d'instruction se réunissait afin d'examiner la requête en annulation déposée par les avocats ( Maitres Thierry Lévy et Jérémie Assous) des inculpés du 11 novembre, pour commencer à récurer ses mains entachées d'un épais cambouis.

Lors de sa participation à cette émission (voir vidéo de morceaux choisis ci dessous) dont le thème était Terrorisme : le territoire français en état d'alerte et où fut évoqué l'affaire dite de Tarnac par les autres invités, alors qu'il décrivait le fonctionnement alambiqué des services de renseignements et les approximations que ceux ci produisent (comme pour mieux les réformer), "BoBo" en profite pour soudainement attester et dénoncer le fait que

(…) "des gens" essayent régulièrement de manipuler, d'instrumentaliser ou de mettre en scène la menace terroriste comme dans l'affaire de Tarnac (…) et que ce serait de la folie de ne pas le signaler !




EXTRAITS-cesoiroujamais-210910-byUHD
envoyé par ultrahumandignity.


LIEN DE TELECHARGEMENT DIRECT



Mais de qui peut-il bien parler ? Qui peuvent être ces "gens" ?

Des gens qui jouent, dans cette affaire, un pan entier de leur lamentable carrière ?

Des gens qui ont aidés l'intérieur à désigner une menace fictive et à piloter une piteuse opération de communication ?

Des gens qui commandent des dizaines d'exemplaires d'un même livre pour les ré-expédier aussitôt aux pontes de la PJ ?

Des gens qui seraient d'un côté, les instigateurs d'une société plus sécuritaire en participant activement à la stratégie de la terreur, et de l'autre, qui en retireraient des bénéfices par le biais de leur propre société privée de conseil et solution en sécurité ?


Si vous avez d'autres idées de qui peuvent être ces "gens", vous pouvez l'ajouter en commentaire ... ce serait de la folie de ne pas le signaler !




vendredi 24 septembre 2010

Tarnac : ennemi intérieur où es-tu ?


Dans Le Courrier (quotidien Suisse) du 24 septembre 2010.

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Des TGV bloqués plusieurs heures en rase campagne après le sabotage de leur alimentation en électricité. Puis des dizaines de policiers encagoulés qui prennent d’assaut un village du centre de la France pour neutraliser une organisation anarcho-autonome sur le point de sengager dans la lutte armée. Deux ans après lopération surmédiatisée qui a conduit à larrestation et linculpation dune dizaine de personnes accusées de vouloir déstabiliser l’État, laffaire de Tarnac se situe à un tournant. La cour dappel de Paris se penche en effet depuis hier sur une demande dannulation de la procédure.

Au-delà de la menace réelle pesant sur le destin de ces militants clamant leur innocence — ils risquent jusquà vingt ans de réclusion —, lenjeu concerne lensemble des défenseurs des libertés publiques. Car ce dossier constitue un exemple saisissant des conséquences pour l’État de droit de ladoption de lois antiterroristes autorisant toutes les dérives — disproportion des moyens mis en œuvre, violation de la présomption dinnocence, limitation extrême des droits de la défense, détention préventive interminable et mesures de contrôle judiciaire vexatoires.

En loccurrence, aussi impressionnant soit-il, cet arsenal ne permet pas à lui seul de transformer une banale affaire de sabotage nayant pas mis en danger de vie humaine en un démantèlement spectaculaire dune prétendue cellule terroriste. Sans preuves matérielles, sans aveux, les charges retenues contre les «dix de Tarnac» reposent essentiellement sur lenquête des services de sécurité français qui surveillaient la bande damis depuis plusieurs mois.

Les avocats de la défense ont alors épluché ces rapports et témoignages policiers. Ils ont dabord mis en lumière une série dincohérences et dinvraisemblances parfois grossières dans le récit des filatures censées confondre les suspects — elles nont jamais été clarifiées. Ensuite, et cest ce qui motive la requête en annulation examinée ces jours, les avocats dénoncent lutilisation illégale de caméras vidéos et découtes téléphoniques lors de lenquête préliminaire.

Le château de cartes sécroulera-t-il avant la tenue dun procès devant une cour dassises spéciale ? Alors que la rue recommence à contester le pouvoir, cette perspective paraît improbable. La figure dun ennemi intérieur dultra gauche nest pas inutile pour calmer les ardeurs du mouvement social. À moins que la menace islamiste réactivée depuis quelques jours soit jugée suffisante.

Olivier Chavaz





Tarnac : les bricolages de l’antiterrorisme






Article de Karl Laske paru dans Libération du 24 septembre 2010.


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Les avocats du groupe de Tarnac, qui demandent l’annulation d’une partie de l’enquête, seront fixés le 22 octobre.


Quand un objet revient ainsi à la tête de celui qui l’a lancé, on dit que c’est un boomerang. Le volumineux dossier de l’enquête sur les sabotages des lignes TGV dans la nuit du 7 ou 8 novembre 2008 est désormais en suspension. Et il pourrait bien retomber sur les responsables de la sous-direction antiterroriste (Sdat), coauteurs du «coup de filet» visant la «mouvance arnarcho-autonome» à Tarnac. En deux ans d’instruction, aucune preuve n’est venue confirmer l’accusation contre les jeunes de Tarnac, toujours poursuivis pour «association de malfaiteurs, destructions et dégradation en relation avec une entreprise terroriste». Au terme d’une véritable contre-enquête, les avocats de la défense, Me Thierry Lévy, Jérémie Assous et William Bourdon ont soulevé, hier, la nullité de plusieurs actes de procédure devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris. Ils seront fixés le 22 octobre.

Témoin sous X, procès-verbaux approximatifs, filatures imprécises et écoutes illégales : les méthodes employées par la Sdat dans la phase préliminaire de l’enquête sont désormais en cause. «Si un procès a lieu, ce sera celui de la police antiterroriste, estime Me Jérémie Assous. La procédure est en miettes, parce que la police n’a eu de cesse de la piétiner.» Sous la pression des avocats, le juge antiterroriste Thierry Fragnoli a été contraint d’interroger les responsables policiers, faisant apparaître de nouvelles contradictions. D’ores et déjà, le parquet général a requis, hier, l’annulation de la surveillance vidéo mise en place à Paris dans l’immeuble de Julien Coupat.
«Ces irrégularités de procédure sont évidemment liées à l’instrumentalisation politique de cette affaire, commente Me William Bourdon. C’est l’obsession de livrer un dossier clé en main qui a conduit à ces dérapages.» Analyse des zones d’ombre et des failles procédurales.

Des surveillances illicites ?

La police s’est livrée à une enquête «préventive» plus que préliminaire. En avril 2008, lorsque l’enquête préliminaire est ouverte, les policiers de la Sdat ne disposent d’aucun soupçon précis, hormis l’entrée sans visa, ni passeport, de Julien Coupat sur le territoire américain, en janvier 2008. Ils n’en dénoncent pas moins l’existence d’une «structure clandestine anarcho-autonome», disposant de «bases logistiques» en France, et projetant des «actions violentes». Loin de stopper immédiatement cette menace, ils attendent l’été pour équiper de caméras des arbres de la ferme du Goutailloux, à Tarnac, réaliser un album photo des visiteurs, et les placer sur écoutes. Cette surveillance intensive n’apporte aucun élément à charge dans l’affaire des sabotages de la SNCF. Une caméra est aussi fixée sur le toit d’un immeuble parisien. Celle-ci est orientée sur la cour intérieure, de façon à surveiller les allées et venues dans l’appartement occupé par Julien Coupat. Or cette dernière mesure, dans une phase d’enquête préliminaire, nécessite désormais l’accord du juge des libertés et de la détention (JLD), qui n’a pas été sollicité. Le parquet général s’est prononcé en faveur de l’annulation des procès-verbaux de cette vidéosurveillance. «Le parquet s’est désolidarisé de la Sdat, en signalant qu’il n’avait même pas été averti de ce dispositif de surveillance», explique Me Assous. Les avocats mettent également en doute la légalité d’écoutes découvertes à Tarnac, par un agent de France Télécom, en avril 2008.

Le témoin anonyme a-t-il été influencé ?

C’est un témoin sous «x» qui a apporté à l’accusation sa pièce maîtresse. Baptisé «témoin 42», il décrit Coupat comme un homme «qui n’a jamais caché faire peu de cas de la vie humaine» , qui «pourrait envisager d’avoir à tuer» et souhaite «le renversement de l’Etat par le biais d’actions de déstabilisation». Des expressions qui seront reprises in extenso lors du «coup de filet». Sans qu’on sache pourquoi, la Sdat réentend, un mois plus tard, 42 sous son identité réelle, Jean-Hugues Bourgeois, un jeune militant devenu agriculteur. Bourgeois contredit frontalement 42. Il n’a jamais été informé des «projets violents» du groupe et a un peu de mal à croire qu’on puisse présenter Coupat «comme un terroriste». «Une forfaiture !» commente Me Assous. Encore un an plus tard, il confie à TF1 que «ce témoignage» sous x «est faux». Comprendre dicté. Aux journalistes, Bourgeois confirme être 42. Le juge Fragnoli l’interroge aussitôt. Bourgeois refuse de parler de sa déposition en tant que 42, et dit qu’il n’a «rien à ajouter ou retrancher» au témoignage effectué sous sa véritable identité. On a donc trois versions. Les avocats de la défense ont demandé - sans succès - au juge un nouvel interrogatoire de Bourgeois en leur présence. La chambre de l’instruction a été, hier, saisie de ce refus et d’une question prioritaire de constitutionnalité exposée par les avocats. Le code de procédure pénale n’offre qu’un délai de dix jours pour contester le recours à «l’anonymisation» d’un témoignage. «Sur le fond, ce délai est trop restrictif pour permettre à un mis en examen d’exercer un recours effectif, explique Me Bourdon. C’est d’autant plus scandaleux que le témoin anonyme est un témoin clé.» L’objectif des avocats est d’obtenir l’examen du sujet par le Conseil constitutionnel.

Quel crédit pour le PV de filature ?

Les policiers étaient une vingtaine : 6 appartenaient à la Sdat, 14 à la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). Ils ont suivi Julien Coupat et Yildune Lévy la nuit du 7 au 8 novembre 2008, dans une zone voisine du lieu des sabotages. Le couple a dîné, et dormi dans leur voiture, à 30 kilomètres de là. Et selon les policiers, il serait allé se garer à proximité immédiate de la voie TGV sabotée ce soir-là. En relisant attentivement le PV, les avocats de la défense ont d’abord relevé de graves incohérences. Selon le relevé policier, le couple avait parcouru le chemin entre la commune où il avait dormi et le lieu du sabotage, soit 26,6 km en dix minutes, de 3 h 50 à 4 heures. Impossible à moins d’avoir roulé à 159 km/h. Questionnés par le juge, les policiers ont plaidé l’erreur de la prise de notes. Ils auraient écrit un «5» au lieu d’un «3». Mais selon le PV initial, la voiture de Coupat avait aussi stationné de 4 heures à 4 h 20 quelques mètres «avant le pont de chemin de fer» incriminé. Dans une nouvelle version communiquée au juge, le véhicule se serait posté dans une autre voie de service, à une centaine de mètres du pont. D’autres PV indiquent aussi «après le pont» ou encore «sous le pont». Ces approximations ont pour avantage d’écarter l’analyse des traces de pneus réalisée par les experts, qui ne correspondaient pas à ceux de la voiture de Coupat. Il n’y a pas que ça : les policiers avaient aussi indiqué avoir levé leur dispositif à 5 h 25, après avoir vu «une gerbe d’étincelles», au passage du premier TGV. «L’ensemble des effectifs a quitté la zone immédiatement» , indiquait le PV. Or à 5 h 30, nouvelle erreur de prise de notes, les policiers étaient déjà de retour dans le village où le couple avait dormi. Soit cinq minutes pour faire 26,6 km… 324 km/h cette fois ! En réalité, l’analyse du trafic téléphonique montre que les fonctionnaires étaient encore sur place à 6 heures du matin. «Le récit des services de police paraît pour le moins invraisemblable», concluent les avocats. «Pour que ce PV ait une force probante, il faudrait aussi que l’officier soit témoin de l’ensemble des faits qu’il relate, explique Me Assous. Ce n’est pas le cas : c’est un PV de synthèse, un PV de renseignement. Pourquoi les 20 policiers présents n’ont pas rédigé, chacun, un procès-verbal comme ils l’ont fait dans les opérations suivantes ?» La défense n’a pas curieusement pas eu accès au trafic téléphonique de 3 h 30 à 5 h 10. Le juge d’instruction pourrait réaliser prochainement une reconstitution des faits.





jeudi 23 septembre 2010

Affaire de Tarnac : L'annulation qui vient







paru le 21/09/10 sur Les Inrocks



La procédure contre Julien Coupat et les huit autres mis en examen dans l'affaire des sabotages SNCF est-elle régulière ? La chambre de l’instruction se penche ce jeudi sur cette question.



Bientôt deux ans que l’instruction est ouverte, et la procédure pourrait être remise en cause en profondeur. C’est le souhait des avocats des mis en examen de Tarnac, qui ont déposé une requête en annulation le 1er avril. Ce jeudi, la chambre de l’instruction se réunit pour examiner leurs griefs et rendra sa décision d’ici un mois.

Où en est le dossier

En octobre et novembre 2008, le placement de fers à béton sur des caténaires SNCF a entraîné des perturbations du trafic ferroviaire. Ce sont des actes volontaires, et la police recherche les coupables.

Le 11 novembre 2008, dix personnes identifiées comme membres de la “mouvance anarcho-autonome”, soupçonnées de sabotages contre le réseau ferré, sont arrêtées et leurs domiciles perquisitionnés.

Après 96 heures de garde à vue (le régime réservé aux affaires de terrorisme), neuf d'entre elles sont mises en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Julien Coupat, considéré comme leur chef, doit répondre de la “direction d’une structure à vocation terroriste”, punie de 20 ans de prison.

A l’époque, le procureur de Paris, Jean-Claude Marin, parle du “noyau dur d’une cellule qui avait pour objet la lutte armée". Il voit la ferme du Goutailloux, en Corrèze, comme un "lieu de rassemblement, d'endoctrinement, une base arrière pour les actions violentes". Le livre L'Insurrection qui vient, attribué à Julien Coupat, est retenu contre les suspects comme un manifeste.

En quelques mois, le dossier se dégonfle : la presse révèle que le principal témoin à charge est un mythomane sur qui les enquêteurs ont misé pour booster le dossier. Par ailleurs, le procès-verbal des policiers de la SDAT (Sous-direction anti-terroriste), qui surveillaient Julien Coupat et sa compagne Yldune Lévy dans la nuit du 7 au 8 novembre, ne prouve pas leur implication dans les dégradations.

Et ce PV présente de nombreuses incohérences : les traces de pneus et de chaussures retrouvées sur les lieux ne correspondent pas à celles des mis en cause, le minutage de leurs déplacements implique qu’ils se déplacent à 159 km/h sur une route de campagne alors que selon le PV, ils “cheminent à une allure normale”, et la SDAT dit n’avoir aperçu aucun être humain aux abords immédiats de la ligne TGV sabotée.

Pour autant, le juge d’instruction Thierry Fragnoli maintient la qualification de terrorisme, un régime qui permet des investigations plus poussées et implique, s’il y a procès, qu'il se déroule devant une cour d’assises spéciale. Moqué pour son acharnement à faire coller des faits à des personnes (on parle désormais de “fragnolades” au Palais de justice de Paris), le juge ne prévoit plus de date pour la clôture de son instruction.

Vices de forme

L’arrivée de deux nouveaux avocats, Thierry Lévy et Jérémie Assous, dans le dossier, un an après le début de l’instruction à l'occasion d'une dixième mise en examen, a donné un nouvel élan à la défense. Le 1er avril 2010, ils demandent l’annulation de l’intégralité de la procédure pour plusieurs vices de forme.

Ils contestent en premier lieu le dispositif de vidéosurveillance installé au domicile de Julien Coupat lors de l’enquête préliminaire ouverte en avril 2008 sur ce groupe "identifié pour des actions fondées sur une sorte de philosophie d'insurrection contre les institutions". Deux caméras, l’une devant l’immeuble et l’autre sur le toit de l’immeuble, surveillaient le couple Coupat/Lévy.

Problème : ce dispositif aurait dû être validé par un juge d’instruction. Or, “le procureur de la République reconnaît lui-même qu'il n'avait pas été averti de l'installation de ce système de vidéosurveillance”, explique Me Jérémie Assous. Dans son réquisitoire auprès de la chambre de l’instruction, le procureur se désolidarise des policiers et assure qu’ils ne lui ont pas demandé d’autorisation.

La défense demande aussi l'annulation d’une série d’écoutes. Le Juge des libertés et de la détention n’aurait autorisé que les interceptions de communications électroniques, ce qui n’a pas empêché la police de placer les suspects sur écoute téléphonique.

Enfin, les avocats contestent les délais dans lesquels une requête en nullité peut être soulevée, en vertu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui prévoit l’égalité des armes entre le procureur et les parties dans ce domaine.

Je suis convaincu que cette demande va aboutir, si ce n'est pas devant la chambre de l'instruction ce sera devant la cour de Cassation”, assure Jérémie Assous. La chambre de l’instruction a un mois pour rendre sa décision. Si l’enquête se poursuit sans accroc, une reconstitution des faits devrait avoir lieu en novembre.



par Camille Polloni




Voir aussi :

Groupe de Tarnac : la justice va se prononcer sur la procédure, paru le 21/09/10 sur nouvelobs.com

L'heure de vérité approche, paru le 22/09/10 sur La Montagne

Tarnac: la cour examine jeudi les requêtes pour vice de forme, paru le 22/09/10 sur nouvelobs.com



dimanche 19 septembre 2010

Retour à Tarnac








Une page entière avec un "
envoyé-spécial-au-Plateau-de-Millevaches" dans le Journal du Dimanche du 19 Septembre.

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Près de deux ans après les arrestations, les "jeunes du Goutailloux" ont repris le cours de leur vie à la marge. La procédure antiterroriste qui les vise pourrait être annulée.

Il y a des fleurs des champs dans des flûtes à champagne, une casquette du conseil général de Corrèze dans la gueule d’un sanglier empaillé et, dans une niche, une photo du résistant Georges Guingouin, le héros des maquis du Limousin. Douze clients sont attablés devant leur "menu ouvrier" à 12 euros, inauguré par un exceptionnel potage à la poire et au céleri. Le serveur, un costaud à lunettes, en jean et pull-over rouge, s’appelle Julien Coupat.

Coupat, oui, celui que le procureur de la République de Paris suspecte d’avoir formé une "cellule invisible". Le philosophe mis en examen pour "direction d’une association de malfaiteurs et dégradations en relation avec une entreprise terroriste" après le sabotage d’une caténaire de ligne TGV. Cet homme-là vous sert aujourd’hui un gâteau au chocolat.

En décembre 2009, les neuf "mis en cause" dans le "dossier Tarnac" ont décidé de ne plus respecter leur contrôle judiciaire. Les cinq Tarnacois de la bande ont repris le travail au Magasin général, l’épicerie-bar-restaurant du village de 330 habitants. De retour sur le plateau de Millevaches, ils ont renoué avec leur vie d’avant le 11 novembre 2008. Celle d’avant les arrestations, les interrogatoires, la détention provisoire.

Depuis, des citadins arrivent en quête de nouvelle vie

Il y a eu des meurtrissures individuelles. Mais l’épisode les a confortés dans leur vision du monde. Il a aussi suscité un élan de sympathie, notamment chez les villageois. Tirade sonore de Jean Plazanet, maire (PCF) de Tarnac pendant quarante ans: "Jusqu’à preuve du contraire, leur pseudoterrorisme ne dépasse pas le stade de l’attentat philosophique."

"Il y a eu des comités de soutien un peu partout en France. C’était inattendu. Et puis, ces derniers mois, des vacanciers se sont arrêtés ici pour nous faire part de leur solidarité", note Benjamin Rosoux, en déchargeant ce camion blanc, la version ambulante de l’épicerie, qu’il conduit à travers les hameaux isolés.

Les entorses au contrôle judiciaire sont assumées sans fanfaronnade. La seule provocation tient sur un présentoir de cartes postales: des photos de slogans taggés le long de la route qui mène à Limoges: "Plateau insoumis", "Nique la Sdat", "C’est pas Julien, c’est l’esprit de Guingouin qui arrête les trains".

Pendant leur absence, les amis restés à Tarnac ont fait tourner leur ferme et le Magasin général – en dehors de la boulangerie, c’est le seul commerce de la commune. Depuis, d’autres copains sont arrivés. Ils sont désormais près d’une trentaine à demeure. La ferme du Goutailloux achetée en 2004 n’est plus leur seul point d’ancrage. Des camarades venus de Suisse ont acquis une autre exploitation. Des hangars sont en train d’être montés sur un troisième terrain, fraîchement planté d’arbres fruitiers. Les caravanes visibles il y a deux ans ont disparu: "les jeunes du Goutailloux" sont descendus s’installer dans les maisons à louer du bourg.

L’afflux de sang neuf se vérifie dans les villages voisins. "Les maires avec qui je suis en contact me disent que le coup de Tarnac a multiplié les visites de citadins en quête de fermes, d’ateliers et de nouvelle vie", indique Thierry Letellier, président de la communauté de communes du plateau de Gentioux. "En faisant cette fixette sur Tarnac, le pouvoir a fait du marketing révolutionnaire!"

A l’association De fil en réseaux, Frédéric Thomas reçoit environ 150 appels par an de candidats à l’installation dans la région. "On leur propose de venir passer quelques jours sous la pluie ou sous la neige, pour qu’ils comprennent bien ce qu’est la vie en milieu rural, la rigueur des éléments, et la nécessité d’avoir une voiture pour le moindre déplacement."

Les motivations sont toujours un peu les mêmes. On vient ici pour le rose de la bruyère, pour les cimes des douglas qui percent la brume, pour ces petits ponts de pierre sous lesquels coule la Vienne, couleur de thé. On vient ici pour le silence si facile à trouver. Pour le vote, rouge écarlate depuis que les maçons du XIXe siècle ont rapporté de Paris, en même temps que la paye de leurs chantiers, des idées révolutionnaires. Et, de plus en plus, pour "les façons de vivre et de travailler singulières", comme celles développées par Ambiance Bois, une scierie communautaire autogérée, qui fonctionne depuis vingt-cinq ans "sans patron, avec des salaires égaux pour tous et sans chercher à croître forcément", souligne Michel Lulek, un des fondateurs.

"Faut voir la taille de leurs carottes"

Ce contexte a contribué à attirer Julien, Gaby, Yildune, Benjamin, Manon et les autres dans ce coin du Limousin. Après la "vague néorurale" des années 1970, après l’arrivée des adeptes du "développement local" des années 1980, ils font partie de cette nouvelle génération passionnée par la notion d’autonomie et persuadée qu’un village est une bonne échelle pour mener toutes sortes d’expériences politiques. A Tarnac, la règle est simple: plusieurs projets collectifs existent (retaper la ferme, réfléchir, travailler la terre, gérer l’épicerie…) et chacun détermine son degré d’implication.

Leur désir de culture bio fait rire les vieux paysans ("Faut voir la taille de leurs carottes") ; leur difficile apprentissage du tricot amuse les vieilles paysannes ("Elles en ont dans la tête, leurs femmes, mais elles laissent tout le temps filer les mailles") ; les Tarnacois ne sont pas tous sensibles aux "fiestas jusque dans les 6 heures du matin" qu’ils organisent. Mais ils leur savent gré de "dire bonjour dans la rue" et d’avoir "sauvé l’école". C’était en juin dernier. La classe unique, qui rassemble huit élèves de maternelle et de primaire, devait fermer. Après trois jours d’occupation, le rectorat a renoncé.

Encore un an ou deux et les effectifs devraient dépasser la dizaine. "Quand ils sont arrivés, je leur avais dit: 'Pour sauver le pays, faut faire des petits', se souvient Jean Plazanet. On a maintenant une douzaine de bébés." Pour l’ancien édile, le repeuplement n’est qu’une première étape. Navré d’avoir vu sa mairie, communiste depuis le congrès de Tours, basculer à droite en 2008, il rêve que "les jeunes" intègrent le conseil municipal à la prochaine élection. Et que l’un d’entre eux devienne maire à la suivante. "Vous verrez."


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Julien Coupat tel qu’en lui-même

Il veut bien en discuter mais refuse que ses propos soient cités entre guillemets. Il sait que tout ce qu’il pourrait dire risque d’être utilisé contre lui. Il ne tient pas à adopter une posture qui pourrait être perçue comme provocatrice. Il ne souhaite pas non plus se défendre puisqu’il estime n’avoir rien à se reprocher. Tous ces préalables en guise d’échauffement.

Athlète de l’esprit, Julien Coupat renvoie chaque question qu’on lui pose. Il la décortique, la déconstruit, en redéfinit les termes et finit par répondre à côté. Une pointe d’ironie, pas plus: on n’est pas là pour rigoler. La conclusion d’un raisonnement est couronnée par un café, une cigarette ou une gorgée de bière. De cet étrange échange, on retiendra quatre mises au point.

1. Il s’étonne qu’on s’étonne. Il refuse de considérer l’expérience de vie menée à Tarnac comme "différente" puisque cela reviendrait à reconnaître comme "normale" une société où règnent les rapports salariaux, l’institution du mariage, la consommation à tout-va, l’absence d’entraide au quotidien… Il assure que de nombreuses autres zones rurales sont le théâtre d’expériences comparables.

2. Il récuse l’image post-hippie ou néo-baba cool qu’une "certaine élite parisienne" (entendre: les grands médias) a, selon lui, plaquée sur les jeunes gens du Goutailloux. Ni nostalgie d’une utopie soixante-huitarde, ni retour à la terre romantique dans leur démarche.

3. Il juge l’idée de communauté fausse et réductrice. Ses amis et lui ont certes un "horizon du monde" en commun mais ne se sentent pas appartenir à une entité très définie qui, craignent-ils, fonctionnerait comme un surmoi. Des discussions, des textes, des manifestations doivent permettre de ne pas perdre de vue cet "horizon du monde".

4. L’enjeu du moment – et c’était déjà le cas en prison – est de ne pas se radicaliser. Selon lui, les politiques antiterroristes menées par les Etats occidentaux essaient d’acculer les tenants d’opinions dissidentes à la paranoïa, au durcissement et à la clandestinité. Céder, martèle-t-il, serait une bêtise. Et il écrase sa cigarette.

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La procédure menacée

Toute la procédure judiciaire qui vise Julien Coupat, Yildune Lévy et leurs amis doit-elle être annulée? C’est la question que doit examiner, jeudi prochain, la chambre de l’instruction. Le 5 novembre 2009, le juge Fragnoli avait adressé une commission rogatoire à la sous-direction antiterroriste (Sdat) pour qu’elle enquête sur sa propre enquête. A la lecture du résultat, les avocats de la défense ont été "sidérés". Dans une note de 60 pages qu’ils viennent d’adresser au juge Fragnoli, Mes Thierry Lévy et Jérémie Assous soulignent les contradictions des enquêteurs de la Sdat. Selon eux, "il n’existe plus de doutes sur le fait que le procès-verbal D104 n’est pas authentique". En clair: ils accusent les policiers d’avoir "bidonné" la pièce sur laquelle repose l’essentiel du dossier Tarnac. La chambre de l’instruction a un mois pour trancher: achever son enquête ou tout effacer.



mercredi 1 septembre 2010

Sur des "éclaircissements policiers" ...




Paru sous le titre "Tarnac : lorsque les éclaircissements policiers jettent le trouble" le 1er septembre 2010 sur le site du Nouvel Observateur.

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Le rapport des policiers, qui devait éclaircir les conditions dans lesquelles s'est déroulée la filature de Julien Coupat dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008, ne semble pas permettre de lever les doutes. Au centre, de celui-ci : la question des horaires.

Ils étaient censés apporter des clarifications. Mais les voilà qui se contredisent et embrouillent encore la situation. Sommés d'expliquer au juge d'instruction le déroulement de leur filature de Julien Coupat et de sa compagne Yildune Levy dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008 (et non 2009 comme indiqué par erreur), au cours de laquelle fut saboté un caténaire SNCF, les policiers ont mis six mois pour rendre... une copie bien confuse. L'énoncé du devoir était pourtant clairement posé par le juge Fragnoli. Dans la commission rogatoire du 5 novembre, adressée aux enquêteurs de la sous direction antiterroriste et de la police judiciaire, il leur demandait de préciser un certain nombre de points. Parmi ceux-ci la cruciale question des horaires.

On se souvient que la défense du groupe de Tarnac avait frappé un grand coup à l'automne dernier : décortiquant le PV 104 de la procédure, dans lequel les policiers reconstituent la filature qu'ils disent avoir effectuée de Coupat et de sa future femme, Maîtres Levy, Bourdon et Assous avaient émis des doutes quant à la présence des policiers sur place. Ceux-ci prétendaient avoir suivi la voiture du jeune couple depuis le Trilport jusqu'à Dhuisy, lieu du sabotage, entre 3h50 et 4 heures du matin. Or les deux points sont distants d'une trentaine de kilomètres. Impossible de les rallier en si peu de temps (voir notre enquête du 26 novembre dernier : Tarnac, drôle d'enquête). Une erreur de retranscription, plaident les policiers dans leur réponse au juge que nous avons pu consulter en exclusivité : "erreur matérielle de prise de note (…), erreur aisément compréhensible lorsque l'on sait que les chiffres 3 et 5 peuvent facilement être confondus non seulement en raison de leurs dessins approchants mais aussi eu égard aux circonstances nocturnes de cette prise de note". 3h30, ça fait 20 minutes de gagnées pour le trajet.

"Trafic téléphonique sur le lieu des dégradations"

Pour les enquêteurs, la filature de Dhuisy a bien eu lieu. Ils en détaillent les conditions : une vingtaine de fonctionnaires, répartie sur plusieurs véhicules et motos, suivait cette nuit là la Mercedes du militant d'ultra gauche. La preuve ultime de leur présence sur place ? Les relevés des bornes téléphoniques qui ont capté leurs appels jusqu'à six heures du matin par les antennes de Dhuisy et Coulombs en Valois. Les policiers fournissent au juge trois pages de tableau du "trafic téléphonique sur le lieu des dégradations" entre 5h10 et 6 heures du matin. 28 appels ont été passés ou reçus. La plupart des numéros, précisent les enquêteurs "sont biffés" pour des raisons de sécurité. Deux appels apparaissent en revanche avec les numéros des téléphones concernés. Il s'agit de ceux passés entre l'équipe présente sur le terrain et le commissaire divisionnaire. Un premier coup de téléphone est donné à 5h23, il dure 1 minute et onze secondes. Le second, à 5h25, dure 34 secondes. A priori, rien d'anormal : Coupat ayant quitté la zone à 4h20, les policiers fouillent un temps les voies ferrées avant de voir passer le premier train (à 5h10), au passage duquel un bruit sec se fait entendre (le crochet endommageait le caténaire, mais les forces de l'ordre ne le savaient pas encore). Avant de lever le camp, les fonctionnaires avertissent " immédiatement" leur hiérarchie.

"Biffés pour des raisons de sécurité"

Pourtant ce relevé téléphonique jette une nouvelle confusion sur une enquête qui n'en n'avait pas besoin. Pourquoi ? Parce qu'à 5h23 et à 5h25 du matin du 8 novembre, les policiers ont quitté la ligne à grande vitesse depuis près de dix minutes. Le lieutenant L. écrit d'ailleurs : "après voir franchi les deux portails (d'accès à la voie ferrée, ndlr) l'ensemble des effectifs ont quitté la zone immédiatement afin de se rendre sur la commune du Trilport et de procéder à des recherches dans la poubelle où Julien Coupat avait été observé jetant des objets quelques heures auparavant". Il précise qu'à 5h30, ils sont au Trilport. Le Trilport qui, à l'aller comme au retour, est à 27 kilomètres de Dhuisy... Nouvelle erreur de transcription ou incohérence du scénario policier ? Il est impossible de téléphoner à 5h25 de Dhuisy et de fouiller une poubelle cinq minutes plus tard au Trilport. Or jusqu'à six heures du matin, des coups de téléphone ont été émis de la zone de Dhuisy par des numéros "biffés pour des raisons de sécurité" donc appartenant à des policiers...

Le mystère s'épaissit

Qui était à Dhuisy dans la nuit du 7 au 8 novembre ? Julien Coupat seul ? Les policiers et Coupat ? Les policiers seulement ? Personne ? Le mystère s'épaissit. "Les contradictions entre le procès-verbal D104 et l'ensemble des pièces d'exécution de la commission rogatoire démontrent que l'un de ces deux documents ou les deux sont un ou des faux", concluent les avocats Thierry Levy et Jérémie Assous dans une note adressée hier au juge d'instruction. Ils lui demandent une nouvelle fois de procéder à une reconstitution. La stratégie de la défense est claire : accréditer la thèse d'un montage policier visant à faire de Coupat le responsable d'un réseau terroriste à même de mettre en difficulté la gauche française et de justifier les mesures ultrasécuritaires d'un sarkozysme au menton levé. Le dénouement politique de Tarnac n'a pas encore eu lieu. Son épilogue judiciaire pourrait venir rapidement : le 23 septembre prochain, la chambre de l'Instruction se réunira pour étudier la demande de nullité déposée par les avocats du groupe. Sont en cause des surveillances vidéo effectuées avant l'ouverture de l'instruction et donc jugées illégales par les avocats. Si les magistrats se rangent à cette analyse, le dossier Tarnac pourrait être tout bonnement annulé. Une sortie par la petite porte, qui pourrait faire les affaires de la police anti-terroriste. Elle aurait en effet tout à craindre d'un procès où ses méthodes seraient mises en cause. Et ses imprécisions tournées en ridicule.

Isabelle Monnin