jeudi 24 décembre 2009

Tarnac, ou de l’utilité douteuse des idiots








par Claude Guillon http://claudeguillon.internetdown.org/article.php3?id_article=273

Faisant retour sur l’affaire de Tarnac [1], Laurent Joffrin, qui se qualifie lui-même d’« idiot utile » - selon l’ironique expression de Lénine - reproche à Éric Hazan, éditeur de L’Insurrection qui vient d’avoir avoué une « ruse tactique ». Il aurait reconnu son mépris du droidelhommisme auquel il a pourtant eu recours pour réclamer l’élargissement de Julien Coupat et de ses ami(e)s.

Si Éric Hazan avait procédé exactement comme le prétend Joffrin, il mériterait bien lui aussi l’épithète d’idiot, dont l’utilité serait sujette à caution. Faudrait-il pas être sot, en effet, pour saborder un outil politique supposé avoir prouvé son efficacité, alors que nul ne sait encore si l’affaire de Tarnac se soldera par un non-lieu, un procès, ou de nouvelles mises en examen. On imagine le fâcheux effet d’un tel retournement stratégique lors d’une audience. Pour ne rien dire des innombrables embastillements à venir, à propos desquels les protestations « démocratiques » ne recueilleraient que les sarcasmes des personnalités et journalistes auxquels elles s’adresseraient.

Or, dans le texte que reproduit d’ailleurs Joffrin dans le sien, Hazan exprime un point de vue assez différent : « Pour retourner contre l’appareil d’État les armes qu’il pointait sur nous, nous avons fait appel dans nos interventions publiques au vieux fonds humaniste-démocratique de la gauche. Dans l’inquiétude où nous étions sur le sort de nos amis emprisonnés, nous avons eu spontanément recours à cet arsenal usé mais rassurant [C’est moi qui souligne. C.G.], le mieux fait pour réunir des voix, des sympathies, des signatures. »

Davantage que l’aveu d’une stratégie cynique, c’est l’aveu d’une naïveté politique. D’une illusion devrais-je dire, et point dissipée au moment où Hazan écrit son texte, puisqu’il semble toujours penser que le registre démocrate est le plus efficace « pour réunir des voix, des sympathies, des signatures ». Jamais prouvé par rien, cet a priori dispense presque toujours les militants de rédiger leurs appels et pétitions sans recourir aux clichés, politiques et rédactionnels, qui viennent « spontanément » - c’est-à-dire dans une complète détermination culturelle - à leur esprit.

Il paraît qu’il existe une grande confusion dans l’esprit de beaucoup sur ce qu’il est permis de dire ou de faire lorsque l’on se trouve aux prises avec la répression. Disons tout d’abord qu’il serait inconcevable que des militants qui n’ont que trop tendance à se gargariser de la répression policière, dans laquelle ils voient une confirmation de leur dangerosité, lèvent le pouce dès qu’ils y sont directement confrontés. Finies les analyses et les postures radicales ; il ne serait plus question que de se tirer d’un mauvais pas...

L’articulation problématique se situe à mon sens dans le destinataire du message. Suis-je fondé à mentir aux flics et aux magistrats ? Quel militant politique en disconviendrait sérieusement ? Il est pareillement légitime d’utiliser tous les artifices de procédures, toutes les erreurs de l’adversaires, etc. Les avocats sont ici d’une aide précieuse, même s’il ne convient pas de leur abandonner la maîtrise d’une défense. Autre chose est de savoir si je peux écrire n’importe quoi dans la presse, dire n’importe quoi à des journalistes dans l’espoir qu’ils le répèteront au plus grand nombre d’interlocuteurs possible...

Imagine-t-on plus ridicule exercice que celui qui consisterait à publier régulièrement les démentis qui s’imposent à mes propres propos ? Voyons... dimanche, j’étais démocrate pour rire, j’en ai pleuré lundi, je vous l’avoue ce mardi. Mercredi ? Vous êtes sûrs ? Ah comme le temps passe !

Que M. Hazan, hier démocrate spontané, tienne à proclamer qu’il est aujourd’hui insurrectionnaliste, je m’en tamponne le coquillard. La question n’est pas de savoir à quel moment de son discours et dans quelle posture il convient de le prendre au sérieux, mais s’il se soucie de l’effet produit par ses prises de position.

Ayant abondamment illustré, avec d’autres signatures, le genre droidelhommiste, voilà qu’il annonce venu « un an après Tarnac, le temps de la révolte » ! Cette temporalité n’est pas moins niaise que celle que proposait un appel publié dans Le Monde, le 22 novembre 2008 : « Les lois d’exception adoptées sous prétexte de terrorisme et de sécurité sont-elles compatibles à long terme avec la démocratie » ? [Je souligne] Tout au plus pourrait-on saluer l’amélioration remarquable de la réactivité spontanément démocrate : en gros deux décennies de « long terme », si l’on prend le repère commode de 1986 comme je l’ai proposé dans La Terrorisation démocratique, mais une seule année « après Tarnac ». On frise l’instantanéité !

Tout se passe comme si, dans certaines circonstances - l’incarcération d’amis, par exemple - les messages envoyés en direction du public (de l’État ?) n’avaient plus de sens qu’autant qu’ils peuvent hâter le jour de leur libération, sans que leur contenu politique explicite aient conservé la moindre importance.

Reprenons notre agenda : samedi, je publie L’Insurrection qui vient, texte qui ridiculise le droidelhommisme ; dimanche, je proteste au nom des droits de l’homme contre l’arrestation de ses auteurs supposés ; lundi je désavoue ma protestation de dimanche. Peu importe qu’il y ait là une « contradiction ». Mais comment saurais-je laquelle de mes positions successives a recueilli le plus grand assentiment ? Ou autrement dit : au service de quelle cause ais-je le mieux travaillé ? La démocratie capitaliste ou l’incantation insurrectionnelle ?

Je ne sache pas que les mis en examen de l’affaire de Tarnac aient commenté la tribune libre de M. Hazan. Disons, pour être aimable, que leur position doit donc être considérée comme distincte. M. Hazan, par contre, s’il ne prétend pas parler au nom des mis en examen, laisse clairement entendre qu’il est du même parti et défend un point de vue au moins très voisin.

Que ce point de vue s’exprime essentiellement par des figures de rhétorique, l’auteur que je suis ne saurait en faire grief à un éditeur doublé d’un écrivain. Même si son texte insiste précisément sur la caducité de l’« indignation humaniste ». Faut-il entendre qu’en se départissant de son « humanisme », l’indignation gagnerait en efficacité ?

De l’indignation et de son (laborieux) dépassement

« Le temps n’est plus à l’indignation humaniste, écrit donc M. Hazan, ni à l’analyse sociologique. Il ne s’agit plus de faire la critique de l’oligarchie au pouvoir mais tout simplement de la congédier. Car le maintien d’un régime responsable de tant de cruauté et qui n’en garantit que la permanence est une éventualité infiniment plus redoutable que l’insurrection qui vient. »

Ainsi donc, il ne serait plus temps d’interpréter le monde, mais de le transformer... Une urgence à laquelle ses quelques cent soixante ans ne donnent pas une ride. Quoique ! Si l’on se place sur le terrain de la guerre des idées, alors « l’analyse sociologique » est une arme à laquelle nous serions bien sots de renoncer, quand on vérifie chaque jour à quel point elle embarrasse tous les pouvoirs (fussent-ils militants ou alternatifs). Si l’on parle plutôt du mouvement social réel, ni les horaires des trains ni les tribunes dans Libération (où officie de préférence M. Hazan, tandis que les mis en examen préfèrent Le Monde) n’y changent rien.

Observons les raisons de ce que M. Hazan ne qualifie plus désormais d’« indignation » : condamnation de jeunes lanceurs de pierre sur des policiers ; relaxe de policiers impliqué dans un accident mortel ; vote d’une loi sur les bandes organisées ; blagues raciste d’un ministre ; fichier de mineurs. « Bref, commente M. Hazan, pendant cette année, on a vu à l’œuvre le cynisme, la brutalité, l’indifférence affichée à la souffrance, le tout sur fond de suicides à France Télécom et de gestion crapuleuse de “la crise”. »

En lieu et place d’un manifeste communiste, nous avons un éphéméride et un prêche moral.

Dans une réplique à Joffrin, intitulée « Tarnac, suite et fin : réponse à un malin » (Libération du 22 déc. 2009), M. Hazan pense critiquer la notion d’« état de droit » [2] en affirmant : « C’est précisément au nom de la défense de l’État de droit que le droit est sans cesse bafoué ».

Cette formule, peut-être venue sous la plume dans la recherche d’un petit effet rhétorique d’inversion, me paraît en l’état très éclairante. Elle suppose en effet qu’il existe quelque part, ou aurait existé en un temps quelconque, quelque chose qui mériterait d’être désigné comme « le droit ». Le « droit » pur, immaculé, impeccable ! La « bonne idée » originelle de la civilisation occidentale, athénienne en l’occurrence. Un « droit » qui ne serait pas, n’aurait pas été, l’expression d’un rapport de force entre des classes. Le capitalisme « oligarchique » (dirigé par un petit nombre) serait le régime du mensonge, du faux-semblant et du spectacle. Pas celui de l’exploitation du travail dans le salariat. Ni un régime de domination masculine, ajouterons-nous, dimension très absente des tentatives de réamorçage du messianisme révolutionnaire auxquelles participent les mis en examen de Tarnac, M. Hazan et tels casseurs à plume de Poitiers.

Pourrait-il s’agir d’un effet pervers du support sur le message qu’on lui confie ? La critique de M. Hazan, pour véhémente qu’elle soit dans la forme, paraît être une critique de l’intérieur. Elle n’attaque pas le système depuis des positions communistes autonomes, mais tente de le faire se contredire devant le « tribunal de l’opinion », dont les journalistes sont les auxiliaires, dénoncés mais toujours sollicités. Il ne s’agit pas tant d’une « contradiction » moralement condamnable, mais plutôt d’une ornière théorique et stratégique. Rien n’en sortira qui puisse être hâter une révolution sociale.

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PS. L’affirmation de M. Hazan selon laquelle Libération « s’appelait, il y a très longtemps, La Cause du peuple » mérite le qualificatif de raccourci historique, même si l’on sait le rôle des militants maoïstes dans la création de l’Agence de presse Libération puis du quotidien.

PPS Laurent Joffrin croit discerner une identité entre les idées des mis en examen de Tarnac et « celles-là même qui ont mené [en Italie] aux errements sanglants des “années de plomb” dont une génération paye encore le prix ». Cette affirmation est inexacte historiquement, juridiquement diffamatoire ; c’est précisément la justification brandie par les autorités policières pour appliquer, dans l’affaire de Tarnac, les dispositifs antiterroristes à des personnes dont elles ne peuvent établir qu’elles ont commis un délit.

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[1] Libération, 9 décembre 2009. Notons la mémoire à éclipse du vertueux Joffrin qui souligne que son journal a « défendu maintes fois » les mis en examen de l’affaire « contre les dérapages judiciaires et policiers du régime »... oubliant qu’il leur a d’abord mis un grand coup de fer à béton derrière l’oreille, en titrant sur « l’ultra-gauche qui déraille ». Ce que Hazan et Pierre Marcelle, journaliste à Libération, rappellent dans deux tribunes publiées le 22 décembre 2009.

[2] Auquel il met une capitale, ce qui me semble fautif, mais passons...








mardi 22 décembre 2009

Réponse à un malin.













Lu dans les pages "Rebonds", du libération daté du 22 décembre 2009.

•  "...Réponse à un malin" par Eric Hazan
•  "Idiot utile et demi"  par Pierre Marcelle
•  "Pour clore la discussion" par Laurent Joffrin







•(Re)Lire aussi: Les réflexions du crétin de service





vendredi 18 décembre 2009

Le contrôle judiciaire des mis en examen est allégé

dernière mise à jour le 19/12/09





La cour d’appel a décidé de ne maintenir que l’interdiction de «recevoir, rencontrer ou d’entrer en relation» entre les mis en examen.

La cour d’appel de Paris a allégé le contrôle judiciaire imposé aux personnes mises en examen dans l’enquête sur des sabotages de lignes TGV fin 2008, maintenant uniquement l’interdiction de communiquer entre elles, a-t-on appris vendredi de sources concordantes.

Neuf des dix personnes mises en examen dans ce dossier, dont Julien Coupat, présenté comme le leader du groupe, et sa compagne Yldune Levy, demandaient des modifications, voire des levées totales du contrôle judiciaire qui leur interdit notamment de se rencontrer, de résider à Tarnac (Corrèze) et les oblige à se présenter régulièrement dans un commissariat.

La chambre de l’instruction de la cour d’appel a décidé d’assouplir le contrôle judiciaire de ces neuf personnes, maintenant seulement l’interdiction de «recevoir, rencontrer ou d’entrer en relation» entre elles, a-t-on indiqué de source judiciaire.

«L’étau judiciaire dont ils dénonçaient le caractère inique est allégé mais notre réaction est mitigée car est maintenue l’interdiction de communiquer entre eux», a réagi l’un des avocats des mis en examen, Me William Bourdon.

«C’est un désaveu pour le parquet général qui avait requis le maintien des mesures de contrôle judiciaire», a-t-il ajouté.

Les dix mis en examen du «groupe de Tarnac» avaient annoncé le 3 décembre dans une tribune dans Le Monde qu’ils cessaient de respecter le contrôle judiciaire.

(Source AFP)

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Tarnac : contrôle judiciaire des suspects allégé

sur France Info

La plupart des obligations de contrôle judiciaire imposées aux dix personnes mises en examen dans l’enquête sur le sabotage de lignes de TGV en novembre 2008 ont été annulées par la cour d’appel de Paris.

Seule a été maintenue l’interdiction pour les suspects de se rencontrer et de communiquer entre eux. La chambre le l’instruction a rendu à chaque membre du "groupe de Tarnac" son passeport. Et les suspects ne sont plus obligés de "pointer" à intervalles réguliers dans les commissariats et de résider à certains endroits.

Le parquet général avait requis le maintien de l’intégralité des mesures.



• Contrôle judiciaire "light" pour le groupe de Tarnac.
Les précisions de Laurent Doulsan (1'43"):



"Cette décision a un vrai parfum d’apaisement"
, a confié Me William Bourdon, un des avocats des suspects, qui a précisé que les suspects vont maintenant décider s’ils maintiennent leur position de ne plus respecter aucune de leurs obligations, quitte à être renvoyés en prison.

Julien Coupat et les neuf autres suspects sont mis en examen depuis fin 2008 pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste" notamment. La justice leur impute les sabotages commis par le placement de fers à béton sur des caténaires SNCF dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008, ainsi que le 26 octobre 2008.

Incarcérés pour certains au début de la procédure, avant une remise en liberté sous contrôle judiciaire, ils nient les accusations et leurs avocats mettent en cause la police, estimant que des soupçons de falsification pèsent sur certaines pièces importantes du dossier.



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mardi 15 décembre 2009

Conférence de presse du 25/11/09 à l'assemblée nationale









Merci à FRAGMENTS DU VISIBLE, le site du comité de soutien et de solidarités aux 10 inculpés du 11 novembre (île de France) qui propose en intégralité, la conférence de presse du 25 novembre 2009 à l'assemblée nationale, en présence de Gérard Bapt, député de la 2ème circonscription de Haute Garonne - Martine Billard, députée de la 1ère circonscription de Paris - Noël Mamère, député de Gironde - André Vallini, député d'Isère - Patrick Braouezec, député de Seine-Saint-Denis - Bernadette Bourzai, sénatrice de Corrèze ainsi que les avocats des "10".

Ce document est en plusieurs parties (5 vidéos et 1 audio) et Fragments du visible vous le sert dans un kiosque chapitré par intervenant: "Tendez l'oreille, des propos, des intensités"




Nous reprenons ici, uniquement l'intervention des avocats:



Thierry Levy et William Bourdon :




Jérémy Assous :








+ Retrouvez aussi, quelques articles faisant suite à cette conférence de presse,
regroupés ici.








"ça vous regarde" part1 - Môssieu Gachet ne viendra plus

dernière mise à jour le 16/12/09









Hier soir, dans l'émission " ça vous regarde " dont le thème était :
Tarnac...Affaire ou erreur? sur la chaine parlementaire


• Première Partie :
" Môssieu Gachet ne viendra plus !"

Le 14 dec 2009, dans "ça vous regarde" sur LCP, Benjamin et Mathieu ne "viennent pas pleurer sur leur situation" ni pour "expliquer leur cas à des députés qui ni peuvent pas grand chose". Ils tenaient à s'exprimer dans le cadre d'un débat contradictoire pour expliquer leur décision de refus de se soumettre aux mesures de contrôle judiciaire. Ils voulaient discuter avec Mr Gachet, le porte parole zélé de la place Beauvau, mais il semble que ce dernier a changé d'avis et que personne du ministère de l'intérieur n'a vraiment envie de venir s'exprimer sur cette "affaire"...






• Bientôt la deuxième partie de cette émission:
" Ne partez pas Môssieu Clément ! "




!! TOUTES LES VIDÉOS HÉBERGÉES SUR NOTRE COMPTE VIMÉO ONT DISPARUES !!



L'émission en intégralité (48 min) :









lundi 14 décembre 2009

Affaire ou erreur? Ce soir, sur la chaine parlementaire.








Source: http://www.lcpan.fr/emission/78276



Le 11 novembre 2008, neuf membres d’une communauté étaient arrêtés à Tarnac, en Corrèze, dans le cadre d’une enquête sur des sabotages visant le réseau SNCF. Julien Coupat, considéré par la police comme le « leader » du mouvement, avait été détenu plus de six mois en détention provisoire pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ».



La mobilisation en sa faveur avait été massive. Des comités de soutien furent créés dans plusieurs villes de France, et nombre de déclarations publiques s’étaient faites entendre de la part de philosophes, à l’instar de Giorgio Agamben, Alain Badiou ou de Jacques Rancière, et de politiques tels que Daniel Cohn-Bendit ou André Vallini. Tous avaient dénoncé un dossier judiciaire vide quant à la culpabilité de Julien Coupat et récusaient la position du Ministère de l’Intérieur stigmatisant un prétendu spectre « anarcho-autonome » aux méthodes terroristes. Au fil des mois, de nombreuses incohérences du dossier ont en effet été mises en évidence, notamment dans un procès verbal de filature de Julien Coupat.



Le 11 décembre est examinée par les juges de la Chambre d’instruction la demande de levée de restrictions de liberté imposées aux dix personnes mises en examen, dans l’affaire de sabotages des lignes TGV. La justice reconnaîtra-t-elle s’être acharnée à tort ? Outre les incarcérations, des membres des comités de soutien avaient été soumis à des gardes à vue de plus de 72 heures par les enquêteurs. D’autre part, la police aurait-elle camouflé les incohérences et les contradictions du dossier afin d’accréditer la thèse politique de l’ultragauche ? Ca vous regarde fait ce soir le point sur l’affaire.

Invités :
Mathieu Burnel, mis en examen ; Benjamin Rosoux, mis en examen ; Pascal Clément, ancien ministre de la justice ; André Vallini, député PS.



Si vous possédez une webcam et un micro-casque, participez en direct dans l'émission, en cliquant ici...







Benjamin et Mathieu chez les grandes gueules







Le 9 décembre 2009, Benjamin et Mathieu expliquent devant les micros et la webcam des "grandes gueules" sur RadioMontéCarlo, leur décision de "ne plus aller pointer"...

Extrait vidéo:









dimanche 13 décembre 2009

Alain Bauer bientôt à la tête du futur Institut de recherche stratégique




Paru le 26/11/2009 sur profession politique


FOCUS:




Cet organisme devrait chapeauter à terme tous les instituts de recherche en matière de sécurité, civile et policière.

Alain Bauer, président de l'Observatoire national de la délinquance vient d'être nommé par Valérie Pécresse membre du conseil d'administration du groupement d'intérêt public "Conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégiques", en qualité de personnalité qualifiée. Il devrait prochainement prendre la tête de ce nouveau conseil, qui fusionnerait tous les instituts de recherche en matière de la sécurité, civile et policière (notamment l'Institut national des hautes études de sécurité, l'Institut des hautes études de défense nationale, le Centre des hautes études de l’armement, l'Institut d’études et de recherche pour la sécurité des entreprises).

Texte complet réservé aux abonnés ...




article envoyé par bloom-bloom






samedi 12 décembre 2009

Contrôles en suspens







Par KARL LASKE le 11/12/09.

Les juges doivent examiner aujourd’hui la demande de levée des restrictions de liberté imposées, pour certaines depuis plus d’un an, aux dix personnes mises en examen.


A quel moment la justice peut-elle reconnaître qu’elle s’acharne, ou qu’elle s’enferre ? C’est la délicate question que les magistrats de la chambre de l’instruction se poseront, peut-être, aujourd’hui, devant les dix mis en examen de Tarnac et leurs avocats, dans l’affaire des sabotages des lignes TGV. Le juge antiterroriste Thierry Fragnoli ayant, début novembre, maintenu toutes les dispositions de leur contrôle judiciaire, ils font appel. S’ils viennent tous à l’audience, ils se reverront pour la première fois depuis un an. Alors que les restrictions de leurs déplacements sont diverses et variées, leur demande est collective et indifférenciée. «Les mesures de contrôle judiciaire n’ont plus aucune espèce de justification, explique Me William Bourdon, l’un de leurs avocats. Alors qu’on s’approche de la fin de l’instruction, non seulement les charges s’évanouissent complètement, mais la conduite de la sous-direction antiterroriste [Sdat, ndlr] est source de lourdes interrogations». «Il y a plus de huit mois que Julien Coupat est sorti de prison, et il n’a pas été entendu par le juge depuis le mois de mai», précise Me Jérémie Assous.

Pistes. Dans une tribune parue dans le Monde du 3 décembre, les dix de Tarnac ont dénoncé «la torsion de toutes les notions du droit», une procédure «démente». Ils se déclarent prêts à s’affranchir des contrôles judiciaires :«Nous ne pointerons plus, et nous comptons bien nous retrouver, comme nous l’avons fait déjà pour écrire ce texte», annoncent-ils. «Nous désertons la sorte de guerre privée dans laquelle la sous-direction antiterroriste voudrait nous engager à force de nous coller aux basques, de "sonoriser" nos appartements, d’épier nos conversations, de retranscrire tout ce que nous avons pu dire à nos familles durant nos parloirs en prison.»

Le poids du contrôle judiciaire est là. Il a été plus dur pour Mathieu et Aria, bloqués en Seine-Maritime, qui n’ont pas pu faire soigner leur fils gravement malade à Paris, comme ils le voulaient (Libération du 20 novembre). Benjamin R., qui vivait depuis plusieurs années à Tarnac, est contraint de loger dans la Manche, où il n’a jamais habité. Son contrôle judiciaire a été durci après l’interview dans les locaux de Libération en décembre 2008, mais il a été autorisé à travailler en Ille-et-Vilaine. Manon G., qui ne peut circuler que dans le Limousin, a interdiction de résider à Tarnac, où vit et travaille son mari - Christophe, qui a été mis en examen fin novembre. Julien Coupat et Yildune Lévy, qui se sont mariés, ne peuvent quitter la région parisienne. Tous doivent pointer.

Quelles «nécessités» de l’enquête pourraient encore exiger un maintien sous contrôle judiciaire ? Faute de preuves et de pistes sérieuses, l’instruction s’est éloignée des faits. Examinant la rédaction du livre L’insurrection qui vient ou les incidents lors des manifestations de Vichy, où Coupat et ses amis s’étaient rendus. En avril et en mai, les enquêteurs ont fait subir des gardes à vue de soixante-douze heures à des membres du comité de soutien, sans suite. Ils ont entendu la fille au pair allemande de Coupat lorsqu’il avait douze ans. Ils ont aussi auditionné la sage-femme de l’ex-amie de Coupat.

Filature. Comme l’ont révélé les avocats, des anomalies entachent le début de l’affaire : un procès-verbal de filature approximatif voire fallacieux, des traces de pas et de pneus négligées, une déposition du témoin sous X incohérente ou manipulée (lire page ci-contre)… Tous ces sujets vaudraient bien un examen approfondi de la chambre de l’instruction. Le juge Fragnoli a refusé la plupart des demandes d’actes des avocats.




+ UNE DÉCISION SERA PRISE LE 18 DÉCEMBRE paru sur La Montagne le 11/12/09.


+ LA LEVÉE DU CONTROLE JUDICIAIRE EXAMINÉE paru sur Le Monde le 12/12/09.







Le juge antiterroriste s’accroche au témoin sous X









Par KARL LASKE le 11/12/09.

Le 26 novembre, Thierry Fragnoli est allé interroger Jean-Hugues Bourgeois, dont le témoignage anonyme est contesté.



Après avoir fait du surplace, c’est désormais à reculons que les juges antiterroristes instruisent l’affaire des sabotages des lignes TGV. Le 26 novembre, le juge Thierry Fragnoli s’est rendu précipitamment en Loire-Atlantique pour interroger, pour la troisième fois, Jean-Hugues Bourgeois. Entendu une première fois sous X à Riom (Puy-de-Dôme) en novembre 2008 par la sous-direction antiterroriste (Sdat) de la PJ, puis sous son identité réelle un mois plus tard, ce jeune éleveur de chèvres est présenté comme témoin à charge contre les jeunes de Tarnac (Corrèze). Le magistrat a aussi entendu, vendredi, le gendarme qui a servi d’intermédiaire à la Sdat pour le faire témoigner.

Ce sont les avocats de la défense qui ont demandé le 25 novembre au juge Fragnoli de procéder à l’audition de Jean-Hugues Bourgeois, après qu’il avait confié à des journalistes de TF1 n’avoir eu «aucune idée de la teneur du témoignage anonyme» recueilli par les policiers. «Ce témoignage, il est faux. Il a été fait par quelqu’un qui n’est pas témoin anonyme.» Les avocats réclamaient une audition en leur présence. Mais le magistrat les a pris de vitesse, organisant l’audition toutes affaires cessantes, «afin d’éviter que les pressions de la presse ne fassent échec à la manifestation de la vérité».

«Chantage».«Je n’ai pas souhaité témoigner anonymement, ni ne me suis présenté spontanément dans une gendarmerie», a d’entrée précisé Bourgeois lors de cette dernière audition. «Je ne veux plus jouer le moindre rôle dans l’affaire dite de Tarnac, a-t-il déclaré au juge, et je tiens à ce que mon identité figure au dossier afin que mon anonymat ne puisse plus faire l’objet d’un quelconque chantage.»

A l’origine, le témoignage sous X de l’éleveur, qui comptait plusieurs amis installés à Tarnac, était présenté comme central par la Sdat, le parquet et les magistrats instructeurs. Alors que le procès-verbal anonyme et le rapport de la Sdat lui faisaient dire que «l’objectif final du groupe était le renversement de l’Etat» et que «Julien Coupat avait évoqué la possibilité d’avoir à tuer», Bourgeois déclarait exactement l’inverse dans sa deuxième audition. Il n’avait jamais entendu parler à Tarnac de «projets violents visant l’Etat», et avait du mal à croire que Coupat «était celui que les autorités présentent comme un terroriste». Entre ces deux versions, Bourgeois a indiqué au juge Fragnoli le 26 novembre qu’il n’avait «rien à ajouter ou à retrancher» à son second témoignage, celui qui exonère complètement le groupe de Tarnac. Cette déclaration annule de facto son témoignage sous X. Bourgeois est resté néanmoins silencieux sur «les pressions» subies pour le faire témoigner. Il s’est contenté de dire qu’elles n’étaient pas le fait des deux policiers de la Sdat qui l’ont interrogé.

A l’époque, Bourgeois, qui venait de s’installer à plus de 100 kilomètres de Tarnac, avait subi de nombreux actes de malveillance visant à lui faire abandonner son élevage - chèvres tuées, granges incendiées…«J’étais sous écoute téléphonique depuis plusieurs mois. J’ai donc reconnu auprès de l’adjudant en charge de mon dossier connaître le groupe dit de Tarnac, et il a reconnu le savoir», a expliqué l’éleveur au juge Fragnoli. Au moment des premières gardes à vue de Tarnac, l’adjudant l’a fait venir à la gendarmerie, et c’est là qu’il annonce à Bourgeois que «deux officiers de la Sdat» sont venus l’interroger, qu’il «n’assisterait pas à l’audition» mais «qu’il demanderait à relire le procès-verbal». Une surprise attend l’éleveur : «Le juge d’instruction chargé de mon dossier [de harcèlement, ndlr] à Riom, M. Méral, s’est présenté pour saluer les officiers de la Sdat. C’était la première fois que je le rencontrais.» L’adjudant convainc Bourgeois de l’utilité de l’anonymat. «Si ma proximité avec les gens de Tarnac avait été connue par les gens de mon village, ça aurait été la fin de tout, reconnaît l’éleveur. Les médias présentaient les mis en cause comme un groupe ultraviolent.»

Dans ses explications recueillies par TF1, Bourgeois signalait que les policiers lui avaient dit :«Si ça se sait que tu connais les gens de Tarnac, c’est fini, tu peux te barrer», que peut-être son ADN serait «retrouvé». Et aussi qu’ils avaient «tout un tas d’infos, d’interceptions de mails, d’infos de gars infiltrés en squat, ce genre de choses, qui ne sont pas exploitables dans une procédure judiciaire» et qu’ils avaient «besoin d’une signature». «On a une info, et on ne sait pas comment on peut la mettre dans un dossier pour que le juge dise : "OK, ça marche"», auraient dit les policiers. Hélas, le juge Fragnoli n’a pas questionné le témoin sur ces accusations, pourtant gravissimes.

«Menace»
. Vendredi, le gendarme de Riom a assuré de son côté que Jean-Hugues Bourgeois l’avait contacté - contrairement à ce qu’il affirme - pour lui faire «des révélations» sur les gens de Tarnac.«En aucun cas, M. Bourgeois n’a été forcé de déposer», a-t-il dit. Il n’a «jamais entendu une quelconque menace» de la part des policiers. Selon lui, Bourgeois avait effectivement chargé ceux de Tarnac, en signalant que pour eux «le combat politique était plus important que la vie humaine». Si le juge Fragnoli poursuit son travail de vérification, il devrait logiquement confronter l’ex-témoin sous X au gendarme et, pourquoi pas, faire procéder à l’audition des deux policiers de la Sdat mis en cause.






vendredi 11 décembre 2009

Les réflexions du crétin de service




Les réflexions du crétin de service publié le 10/12/09
par GUY.M sur http://escalbibli.blogspot.com/



Depuis l'aube d'hier, j'attendais.

J'attendais de pouvoir accéder, sur le site du quotidien Libération, à la tribune signée Laurent Joffrin, et intitulée, de manière à la fois lucide et prétentieuse, Tarnac: Réflexions d'un idiot utile.

Le bruit courait que c'était du pur et grand Joffrin, en au moins deux feuillets...

Mais cet article était réservé aux abonnés.

Il m'a fallu résister à l'envie d'aller au café-tabac-journaux de Trifouillis-en-Normandie pour acheter l'exemplaire papier que le tenancier reçoit chaque matin pour le renvoyer le lendemain.

Je me suis héroïquement cloîtré en mon manoir, y épuisant rapidement une importante réserve de cigarettes, que je ne renouvelais point, afin de ne pas céder à la tentation d'acheter le numéro de Libé...

Je fumais mes mégots, les mégots de mes mégots. Et je finis par fumer les filtres.

Ce matin, j'avais une langue épaisse comme ça.



Votre grand mère a sûrement une recette.



Le texte de Laurent Joffrin, maintenant accessible à tous, entend épuiser cette grave question, qui en constitue l'incipit :

Que pensent vraiment les militants de Tarnac (...) ?


On comprend vite que le subtil Laurent Joffrin n'a jamais eu l'intention d'aller le leur demander. Il préfère appliquer sa sagacité à un texte d'Eric Hazan, "l’un des principaux soutiens des accusés de Tarnac injustement emprisonnés", qui a été publié dans le journal Libération, le 6 novembre, sous le titre Un an après Tarnac, le temps de la révolte. (On trouvera ce texte sur le site d'Eric Hazan.)

Eric Hazan, promu par notre éditorialiste maître à penser des "militants de Tarnac", ou encore "théoricien d’une sombre radicalité", a piqué au vif la sensibilité politique joffrinesque en écrivant:

«Pour retourner contre l’Etat les armes qu’il pointait sur nous, nous avons fait appel dans nos interventions publiques au vieux fonds humaniste-démocratique de la gauche. Dans l’inquiétude où nous étions sur le sort de nos amis emprisonnés, nous avons eu spontanément recours à cet arsenal usé mais rassurant, le mieux fait pour réunir des voix, des sympathies, des signatures.»

Ulcéré par une telle ingratitude, Laurent Joffrin se voit comme l'un de ces "démocrates qui soutenaient les bolcheviks victimes de la répression tsariste" et que Lénine nommait des "idiots utiles". J'espère que cette référence historique aura été un baume pour lui...

Il exagère bien un peu dans le registre de l'héroïsme virtuel en notant que les "idiots utiles", au sens de Lénine,"furent les premiers à être mis en prison ou fusillés par la Tchéka"; nous n'en sommes pas là : Laurent Joffrin et ses amis, malgré leur soutien aux bocheviks de Tarnac, sont encore en liberté.




Eric Hazan, dans les récents cauchemars de Laurent Joffrin.



Notre éditorialiste est peu enclin à admettre que ne sont, effectivement, que "balivernes" une "démocratie" qui produit, au nom du suffrage universel, un certain président de la république et un "humanisme" qui implique, au nom du droit d'ingérence, certains bombardements de populations civiles.

Mais comme il redoute de mourir "idiot", il nous offre une relecture de L'insurrection qui vient, quitte à s'éloigner définitivement des "militants de Tarnac".

Exercice difficile, tant nous avons été abreuvés de commentaires et d'analyses sur ce petit livre...

Au moins, Laurent Joffrin nous en offre-t-il un des résumés les plus crétins qu'on ait lus:

L’action préconisée par les auteurs du livre consiste à créer des «communes» antisystème vivant en marge de la société. Jusqu’à présent, elle a débouché sur la relance d’une épicerie-buvette à Tarnac (Corrèze), à la grande satisfaction des habitants du village qui voient se poursuivre sous leurs yeux la régénération du tissu économique corrézien chère à Jacques Chirac. Lénine avait adopté pour slogan «tout le pouvoir aux Soviets». Désormais, c’est : «tout le pouvoir aux épiceries-buvettes».

Avec un esprit aussi incisif, monsieur Joffrin devrait se lancer dans le journalisme...




Laurent Joffrin, dans les récents cauchemars de Laurent Joffrin.




Retrouvant son sérieux pontifical après ce trait, notre pape de la presse dénonce deux "thèses" qui lui semblent particulièrement "néfastes".

La première veut que la démocratie soit illusoire, que la liberté de choix n’existe pas en régime capitaliste. Aliénés, manipulés, les citoyens se croient libres mais ils sont les jouets de structures mentales invisibles et oppressives.

A cela, il répond en pondant une jolie perle:

Or l’Histoire a démontré que cette idée était fausse : certes l’aliénation existe et l’idéologie dominante exerce son emprise. Mais elle n’est pas totale. La plupart des grands acquis du mouvement ouvrier, ceux qui ont fait pièce au capitalisme, justement (le droit syndical, les congés payés, les assurances vieillesse ou maladie, la limitation du temps de travail), ont été obtenus en régime de liberté, grâce à l’usage combiné de la lutte sociale et du suffrage universel, c’est-à-dire de la raison des opprimés, librement exercée.

Nous renverrons discrètement Laurent Joffrin à l'abondante bibliographie concernant l'histoire des luttes sociales...

Quant à la seconde "thèse", notre penseur la résume de telle sorte ("le mépris du travail") qu'elle n'en est pas une.

Sa réponse, décrivant "les «communes» de l’avenir [qui] doivent donc rester oisives et vivre de peu, financées par les prestations sociales qu’elles détournent sans états d’âme", adresse un clin d'œil entendu aux dénonciateurs de ceux "qu'on paye à rien foutre", et s'achève sur une belle profession de foi:

L’effort progressiste consiste à trouver une meilleure organisation dans laquelle les hommes font valoir leurs capacités et posent les bases matérielles d’une vie meilleure grâce à la maîtrise de la technique.

Il existe aussi une abondante bibliographie sur l'histoire de cette utopie technique...




Laurent Joffrin, dans ses rêves d'enfant.


A peine relèvera-t-on que l'éditorialiste le plus bête de France réalise le tour de force, comme on dit en anglais, de nous délayer deux feuillets sur ce "que pensent les militants de Tarnac", sans jamais citer leurs déclarations ou leurs écrits.

On peut les lire, sans abonnement, sur le site de leurs soutiens.







jeudi 10 décembre 2009

"Tarnac un an après" - vidéo france3 Limousin

dernière mise à jour le 16/12/09






Un reportage diffusé mardi 08 décembre à 22h 55
exclusivement sur France3 Limousin Poitou Charentes.


Pour cette émission spéciale, Jean-Jacques Théodore a rencontré :

- Benjamin Rosoux : l’un des 9 mis en cause, assigné à résidence à Avranches chez sa mère depuis 1 an.
- Maître Thierry Lévy et Maître Jérémie Assous : avocats du « groupe de Tarnac ».
- Alain Bauer : soi-disant spécialiste de sécurité par anticipation pré-cognitive, un commerçant en solutions sécuritaires doublé d'un "profiler" raté, il conseille la mouvance monarko-monotone.
- Noël Mamère : député-maire de Bègles.
- Marcel Gay : journaliste à l’Est Républicain et auteur du livre : « le coup de Tarnac », contre-enquête sur l’affaire.
- Jean Plazanet : ancien maire de Tarnac.
- Thierry Letellier : maire de La Villedieu en Creuse et fondateur du comité de soutien.


!! TOUTES LES VIDÉOS HÉBERGÉES SUR NOTRE COMPTE VIMÉO ONT DISPARUES !!


En attendant que l'on réhéberge celle-ci
et que l'on remplace le lecteur par un autre...


Voir cette vidéo en ligne:
http://jt.france3.fr/regions/popup.php?id=limoges_evts

Vous voulez l'archiver ou la réhéberger ?
http://www.megaupload.com/?d=FWV6WNLS


"Le coup de Tarnac"

Lien: " Le coup de Tarnac "








lundi 7 décembre 2009

Le panache des Dix de Tarnac. Quand le judiciaire perd son contrôle






Publié le 07/12/09 sur CAUSEUR par Bruno Maillé.

Ce jeudi 3 mars, Le Monde publiait une longue tribune des désormais dix inculpés de l’affaire de Tarnac, dont voici la substance : “Le contrôle judiciaire qui voudrait, pour l’avenir, interdire [à Christophe] de nous voir est l’aberration de trop ; c’est une mesure consciente de désorganisation de la défense, aussi. A ce point de torsion de toutes les notions du droit, qui pourrait encore exiger de nous que nous respections ces contrôles judiciaires et cette procédure démente ? A l’absurde nul n’est tenu. Il n’y a pas besoin de se croire au-dessus de la justice pour constater qu’elle est en dessous de tout. Au reste, une société qui se maintient par des moyens si évidemment criminels n’a de procès à intenter à personne. […] Nous désertons. Nous ne pointerons plus et nous comptons bien nous retrouver, comme nous l’avons fait, déjà, pour écrire ce texte. Nous ne chercherons pas à nous cacher. Simplement, nous désertons le juge Fragnoli et les cent petites rumeurs, les mille aigreurs misérables qu’il répand sur notre compte devant tel ou tel journaliste. Nous désertons la sorte de guerre privée dans laquelle la sous-direction antiterroriste voudrait nous engager. […] Mais ce que nous désertons d’abord, c’est le rôle d’ennemi public, c’est-à-dire, au fond, de victime, que l’on a voulu nous faire jouer. Et, si nous le désertons, c’est pour pouvoir reprendre la lutte.”


À cette déclaration mesquine, insignifiante et étriquée, un représentant du parquet rétorque le jour même avec panache : “Le parquet de Paris a demandé aux juges d’instruction de vérifier les conditions du déroulement de ces contrôles judiciaires. Si ces obligations n’étaient pas respectées, le parquet en tirera toutes les conséquences.”


Depuis trois jours, le délire à flux tendu du spectacle télévisuel, qui a tant dégoisé sur Tarnac depuis un an, n’a pas fait la moindre mention de cet événement décisif, de cet acte superbe de désobéissance civile. Le silence des cavernicoles médiatiques n’est le fruit d’aucune “concertation frauduleuse”. Ils ne reçoivent plus, depuis longtemps, d’ordres venus d’en haut. Les ordres venus d’en bas, les ordres dictés par leur médiocrité la plus naturelle et leur mimétisme cavernicole, suffisent amplement pour leur faire secréter et décréter l’irréalité irrévocable, servile et entièrement arbitraire qu’ils nomment “l’actualité”. Leur allergie spontanée à toute espèce de grandeur, à toute liberté un peu sérieuse, exigeante, les a légitimement détournés des derniers développements de l’affaire de Tarnac. Nul ne songe à s’en plaindre.



“Le parquet en tirera toutes les conséquences.” Je dois l’avouer, cette formule m’inquiète. Fait-elle allusion à une action d’éclat ? Un suicide collectif du parquet, auprès duquel les suicides de France Telecom seraient soudain ravalés au rang d’aimable souvenir ? À la révocation du juge Fragnoli qui, j’en suis certain, recouvrerait peut-être enfin sa liberté et sa dignité lui aussi et pourrait refaire sa vie – pourquoi pas dans une ferme communiste du Plateau de Millevaches ? Lui aussi, comme il doit être las et écœuré de jouer tristement son rôle. “Le parquet en tirera toutes les conséquences.” Ou bien s’agit-il d’une allusion à la prononciation d’un non-lieu et à la démission de Michèle Alliot-Marie ? À la décision de supprimer la SDAT ou d’officialiser son statut et ses missions de centre de loisir ? À la démission du président de la République et de la totalité du gouvernement français  – reconnaissant soudain que même eux sont humains, après tout, et ne parviennent plus à vivre dans le monde irrespirable qu’ils ont tissé jour après jour ? N’est-il pas permis d’espérer que la liberté souveraine des dix de Tarnac devienne soudain contagieuse ? Que, curieusement, l’on ne se contente plus de les admirer ?


L’heure me semble propice à nous rappeler les mots par lesquels Marx attaque (si j’ose dire) son Dix-huit brumaire de Louis Bonaparte : “Hegel fait quelque part cette remarque que tous les grands événements et personnages historiques se répètent pour ainsi dire deux fois. Il a oublié d’ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce.”



Dans le cas de Tarnac, un problème épineux se pose au juge d’instruction Fragnoli : leur première arrestation était déjà une farce sans nom, une bouffonnerie sanglante. En foutant une seconde fois en taule les dix de Tarnac, Fragnoli inventerait une sorte de bouffonnerie au carré qui ne s’est encore jamais vue dans l’Histoire et aurait ravi Philippe Muray, l’auteur de Roues carrées. Malheureusement pour lui, cette bévue finirait aussi par réveiller les cavernicoles et déclencher une protestation populaire et médiatique elle aussi diablement élevée au carré.


Résumons, crûment mais véridiquement, la situation : s’il les fait arrêter une seconde fois, il est dans la merde complète ; s’il ne les fait pas arrêter, il est seulement dans la merde intégrale.






dimanche 6 décembre 2009

Solidarité totale avec les dix de Tarnac






Publié par S.Quadruppani le 04/12/09 sur les contrées magnifiques.

La piètre diligence de l'instruction du juge Fragnoli ne risque pas de repartir: les flèches d'intelligence décochées ces derniers temps pars les dits "dix de Tarnac", et singulièrement la dernière (voir ici) ont fini de ridiculiser l'opération de communication pilotée par l'Intérieur et le piteux Bauer.

Mais les tuniques bleues risquent fort de se venger.
En refusant de se soumettre désormais au contrôle judiciaire, nos camarades s'exposent à retourner derrière les barreaux.

Un mouvement de soutien aussi fort que celui qui s'était levé après le 11 novembre 2008 ne sera pas de trop pour contrer l'acharnement de la triste clique MAMiste et bauérienne à sauver son plan média ainsi que la guéguerre personnelle que les sbires de la SDAT mènent contre les "dix de Tarnac".

Défendre nos camarades, c'est nous défendre tous contre la terrorisation étatique. La laisser s'appliquer à eux aujourd'hui, c'est prendre le risque qu'elle soit employée demain contre tous les opposants d'une société qui, à force de marchandiser et de contrôler tout ce qui vit, fait partout triompher la mort.






samedi 5 décembre 2009

Silence sur "les Tarnac"








Paru sur http://www.arretsurimages.net/
Par Daniel Schneidermann le 04/12/2009





" Julien Coupat, et ses neuf co-mis en examen dans l'affaire de Tarnac, dénoncent leur contrôle judiciaire, et n'en respecteront plus les obligations : en toute logique, l'information devrait faire l'ouverture des journaux du soir, et du matin.
 D'abord, parce que leur proclamation de désertion, publiée par Le Monde, a la flamboyance habituelle de leurs productions littéraires.
Un court extrait, pour le plaisir : "Nous désertons. Nous ne pointerons plus et nous comptons bien nous retrouver, comme nous l'avons fait, déjà, pour écrire ce texte. Nous ne chercherons pas à nous cacher. Simplement, nous désertons le juge Fragnoli et les cent petites rumeurs, les mille aigreurs misérables qu'il répand sur notre compte devant tel ou tel journaliste. Nous désertons la sorte de guerre privée dans laquelle la sous-direction antiterroriste voudrait nous engager à force de nous coller aux basques, de "sonoriser" nos appartements, d'épier nos conversations, de fouiller nos poubelles, de retranscrire tout ce que nous avons pu dire à notre famille durant nos parloirs en prison.
S'ils sont fascinés par nous, nous ne sommes pas fascinés par eux."
 Un souffle qui fait écho à "l'insurrection qui vient" (pour vous rafraichir la mémoire, nous avions plongé d@ns le texte de ce livre avec son éditeur, Eric Hazan).

Ce bras de fer à ciel ouvert d'un groupe de militants avec la Justice (et, en dernier ressort, avec le gouvernement) est, en-soi, assez spectaculaire pour mériter les ouvertures des messes audiovisuelles, selon les règles canoniques même de cette religion. En toute logique, cet acte d'insoumission augure d'un nouveau bras de fer, "les Tarnac" risquant bel et bien d'être remis en prison, si la Justice l'ose (et à en croire Mathieu Delahousse, du Figaro, elle s'y tient prête). Mais non. Références discrètes, ou silence total. Pourquoi ? Evacuons les explications paranoaïaques, du genre : radios et télés font corps autour de l'appareil d'Etat menacé dans sa dignité par le fiasco judiciaire que promet ce dossier. Globalement, passé les premiers jours de sidération pendant lesquels tout l'appareil médiatique avait emboîté le pas à la ministre Alliot-Marie, en braquant ses projecteurs sur "l'épicerie tapie dans l'ombre" du village corrézien, "les Tarnac" ne peuvent se plaindre de malveillance des "grands médias". Même TF1 a fini par dégonfler un témoignage douteux contre eux (sans toutefois pousser la vertu jusqu'à rappeler que c'était la même chaîne qui avait "promu" ce témoignage).
Alors ? Alors simplement, supposons que ce n'est pas leur tour, en ce moment. C'est le tour de Copenhague, des minarets, et de l'identité nationale. Certains "créateurs d'événements" ont le pouvoir de forcer l'agenda médiatique, et d'autres non. Mais ils peuvent se rassurer : dans le manège, leur tour reviendra inéluctablement.






vendredi 4 décembre 2009

Tarnac, again









Paru sur http://www.article11.info/


" Joli pied de nez et classieuse façon de reprendre la main. On ne va pas tourner autour du pot : on a aimé la belle déclaration d’insoumission qu’ont fait paraître ceux de Tarnac dans Le Monde. On a eu envie de l’écrire, n’en déplaise à ces puristes et auto-proclamés gardiens du temple qui n’ont jamais de mots assez durs pour dénoncer d’imaginaires compromissions.


Tarnac, again
vendredi 4 décembre 2009, par Lémi et JBB



À lire (ici), plaisir sincère. A relire itou. Ni chapelles, ni coups bas. Ni démission ni posture messianique. Un camouflet et une révolte sincères : Il n’y a pas besoin de se croire au-dessus de la justice pour constater qu’elle est en-dessous de tout, écrivent-ils. On le pense aussi. Trop de dégoûts, depuis trop longtemps.

Ce n’est plus affaire d’adhésion théorique, d’embrigadement, juste de bon sens. Ceux-ci restent debout, provocants. Et il faut, à défaut d’en faire bêtement des modèles, reconnaître l’audace de leur position. Ceux qui se disaient insoumis sont passés à l’acte, c’est déjà assez rare pour être souligné.
À trop avoir entendu, lu, discuté, ce qui déconnait dans le Comité Invisible et leur opus, à trop avoir délaissé ce qui au départ faisait sa consistance – une communauté certes faillible mais dévouée à la concoction d’un ailleurs politique, imaginative et agissante – on en oubliait le message premier, l’incitation à la révolte primaire, nécessaire. Ta chapelle nous emmerde, proclamait-on, incertains : trop d’élitisme abscons, de prétentions intellectuelles, de dogmatisme distillé par des suiveurs borné. Et pourtant, au final, il faut reconnaitre que ta chapelle emmerdante est stimulante, qu’elle remue en vrac cet égout dont on ne sait que faire, à part le critiquer encore et toujours, disque rayé. Elle gratte, dérange, provoque. Il n’est qu’à voir comment le pouvoir en place la traite pour comprendre qu’elle est tout sauf insignifiante.

La désertion. Voilà ce qu’ils décident, les terroristes. Quel plus beau mot ? Refus pur et simple, fuite avec les honneurs, sans fuite. Nous ne chercherons pas à nous cacher, disent-ils. Simplement, nous désertons le juge Fragnoli et les cent petites rumeurs, les mille aigreurs misérables qu’il répand sur notre compte devant tel ou tel journaliste. Refus digne. « I would prefer not to », répétait en boucle Bartleby, fuyant les usages du monde. « Je refuse de répondre », scandait Dashiell Hammett à ses juges, répétant encore et encore combien la lourde machine du maccarthysme ne saurait réduire sa détermination. Toujours, ils ont raison, ceux qui rendent publique et argumentent leur ligne de fuite quand la machine s’acharne sur eux, quand l’effrayant Barnum se déchaîne.

Nombreux sont ceux qui moquent le goût de la tribune médiatique des - appelons-les ainsi - Tarnaciens. Qui trouvent (à juste titre) que la cellule invisible ne l’est pas tant que ça, à force de multiplier les prises de parole spectaculaires. Et qui fustigent le choix d’un ex-prestigieux quotidien - information de référence pour un vieux Monde toujours debout - pour abriter leur coups de sang et de colères. Et quoi, il ne faudrait pas se servir des médias dans la guerre sourde qui se joue là ? Ne pas se compromettre avec ces "journaflics" que certains - embarqués dans une rhétorique fleurant bon les absurdes jambisations [1] de la fin des années 1970 - considèrent pis que pendre ? Ne s’exprimer que par tracts et brochures ?

Balivernes.

Les purs nous fatiguent, qui guettent dans la plus infime reculade de ceux osant prendre quelques risques le reflet de leurs propres doutes. Les intransigeants nous rebutent, gens qui scrutent le moindre signe de compromission et se soucient tant de trahison qu’ils ne voient pas combien ils marchent seuls, sans relais ni amis. Les dogmatiques nous horripilent, rats de bibliothèque du mouvement scrutant toute phrase et pesant chaque mot pour mieux déceler un infléchissement du discours comme preuve ultime de parjure. Intellectuels dévoyés, médiocres ayatollahs de la juste révolution, donneurs de leçons à la petite semaine et autres gardiens du temple et du dogme… on en a soupé, de vos préceptes et de vos ordres.

Panache. Flamboyance. Audace. On ne demande rien de plus. De la vie, bordel ! Ceux qui la refusent, qu’ils se revendiquent autonomes, révolutionnaires ou au contraire thuriféraires du régimes, nous emmerdent tout autant. Leur semblable mépris pour les faiblesses du genre humain, leur goût commun pour la grisaille et l’embrigadement ne nous inspirent que baillements et lassitude. Ni leur révolte, ni leurs insurrections n’existent, puisqu’eux ne sont pas capable de rire ni de pleurer, de danser ni de chanter. « If I can’t dance, it’s not my revolution. » Emma Goldmann rirait bien de ces prêtres ennuyeux, Saint Just qui n’en ont pas le talent mais dispensent, avec un sérieux désespérant, leurs mauvais points comme autant de passeports pour l’échafaud. La Fédération anarchiste en a récemment fait les frais, sa librairie (Publico) taguée par des activistes jugeant plus urgent de fustiger quelques camarades dans l’erreur que de s’en prendre directement au système qui nous broie [2]. Comme s’il s’agissait de prouver combien notre camp sait être ridicule et suicidaire, sans relâche, obstinément.

Cela devrait être évident pour chacun disposant d’un cortex cérébral à peu près en état de marche : les autonomes - disons, ceux qu’on regroupe arbitrairement sous ce mot - ne feront pas la révolution. Jamais. Le grande révolte, si elle vient un jour, ne sera pas celle d’une avant-garde élitiste, biberonné aux pompeux philosophes et aux citations latines. L’insurrection - puisque tout le monde n’a que ce mot-là à la bouche, fantasme d’un monde meilleur se parant d’une violence très romantique - ne s’est jamais fomentée dans quelques recoins de bibliothèque, ni n’a été menée par quelques thésards en mal de sensations fortes.

Justement : c’est de cela, de ce vernis d’irréalité intellectuelle, de cette absurde prétention philosophique et de cette ridicule pompe doctrinale que se débarrassent les Tarnaciens au fil de leurs interventions publiques. Ils descendent de leurs hauteurs, bien obligés. Goûtent à cet arbitraire qu’ils n’avaient fait que renifler de loin. En rabattent et s’affinent. On préfère.

Que veux-tu ? Quand tout ne devient plus qu’affaire d’ego, de ligne partisane, de positionnement, on recule, on s’écarte. La ligne est mortifère, tue l’élan. Tiqqun flirtait souvent avec ça, dogmatique et élitiste [3], tout comme certains passages de L’Insurrection qui vient. La désignée "mouvance autonome" itou. Trop de staliniens intellectuels, d’anarchistes proclamés édifiant des barrières et refusant le dialogue pour poser une seule vérité, la leur, indiscutable et obtuse.

Les autonomes - disons : ceux qu’on regroupe arbitrairement sous ce mot - ne feront pas la révolution, donc. Mais ils pourraient être l’aiguillon d’une juste révolte. Ils seront là, comme les autres, avec tous les autres. Tous ceux qui ne parviennent plus à dissimuler tout le mal qu’ils pensent du monde tel qu’il va. Tous ceux qui constatent que dans la machine sociale, cela explose à bas bruit, et parfois à si bas bruit que cela prend la forme d’un suicide. Tous ceux qui feront ce mouvement de masse, qui, parmi tant d’autres choses, les dissoudra, eux, ces valets du pouvoir et autres rustines policières.

Si élan il y a, il sera vaste et populaire, protéiforme et pluriel. Et trouvera tout autant ses racines - si ce n’est plus - dans les colonnes du Monde que dans de confidentiels collectifs si pressés de définir l’unique ligne à suivre qu’ils ne se rendent même plus compte à quel point ils ont perdu tout lien avec le joyeux espoir d’un monde meilleur.

Ils écrivent : Mais ce que nous désertons d’abord, c’est le rôle d’ennemi public, c’est-à-dire, au fond, de victime, que l’on a voulu nous faire jouer. Et, si nous le désertons, c’est pour pouvoir reprendre la lutte. Cette lutte qu’il mènent n’est pas solitaire. Elle palpite. Elle s’articule avec toutes celles menées par les dégoutés du monde présent, les déroutés du 21e siècle. C’est tellement mieux que rien.





Notes

[1] Pratique consistant à tirer une balle dans la jambe d’un désigné ennemi de classe, contre-maitre, homme politique, journaliste etc., très usitée durant les années de plomb italiennes, y compris contre des journalistes progressistes.
[2] Ces révoltés d’opérette sont allés jusqu’à commettre un communiqué de revendication.
[3] Même si bien souvent tiré droit au but.







Tarnac, jusqu’où errera-t-on ? Chronique d’une terreur judiciaire







Paru sur CAUSEUR le 03/12/09. Par Bruno Maillé

“On est au-delà du fiasco judiciaire, on est dans le scandale d’Etat.” Ce sont les propos de Me William Bourdon, tenus le 25 novembre dernier au cours de l’énergique conférence de presse des avocats du “groupe de Tarnac” dans les locaux de l’Assemblée nationale, en présence de Noël Mamère et François Hollande. En dépit de la débâcle générale, les neuf membres présumés de la “Cellule invisible” sont toujours sous le coup d’une délirante mise sous contrôle judiciaire, grâce à l’inlassable bienveillance du juge d’instruction Thierry Fragnoli, qui demeure par malchance la dernière personne en France à les tenir encore pour des terroristes.


Les deux principaux piliers qui soutenaient le fameux chapiteau du cirque Fragnoli, pour reprendre la belle expression de Benjamin Rosoux, se sont pourtant écroulés depuis bien longtemps. Et, depuis le 25 novembre, il convient de reconnaître qu’il n’en reste simplement plus rien.


Le premier pilier, le fameux témoin sous X, à qui l’on prêtait une révélation cruciale selon laquelle les neuf de Tarnac auraient été “prêts à tuer” (autre chose que des canards et des lapins, s’entend), remet entièrement en cause ses déclarations. A propos des conditions de ces déclarations, Me Bourdon déclare : “On est dans la présomption très sérieuse de falsification de preuves”, et n’exclue pas la possibilité de pressions policières sur une personnalité très fragile.



Le second pilier du chapiteau, c’est – ou plus exactement, c’était – le procès-verbal D104, féérique “compte-rendu” de la filature d’Yildune Lévy et Julien Coupat durant l’étrange nuit du 7 au 8 novembre 2008, la nuit du sabotage de caténaire de la ligne TGV Est. Les avocats pointent les incalculables incohérences de ce document. Ils contestent point par point le minutage de la filature et relèvent que les traces de pneus et de chaussures analysées par la gendarmerie sur place ne coïncident hélas en rien avec celles du fameux couple criminel. Tout porte à penser que les diaboliques jeunes gens ainsi que leur véhicule étaient enveloppés dans une cape d’invisibilité (la fameuse Tarnkappe !). Les avocats sont extrêmement intrigués en effet par le fait que les policiers n’aient rien vu du sabotage lui-même. La configuration de la voie ferrée à Dhuisy rend la chose hélas strictement impossible. “Les policiers ont inventé, c’est le fruit de leur imagination. Ni les suivis, ni les suiveurs n’étaient présents sur les lieux”, déclare Me Assous. Selon Me Thierry Lévy, “le gouvernement a pris la responsabilité d’ordonner des enquêtes en incitant les policiers et les juges à se montrer peu scrupuleux afin de donner consistance à quelque chose qui n’existe pas”.


En réponse, le juge d’instruction Fragnoli se drape dans sa cape du silence et lance, la veille de la conférence de presse des avocats, un nouveau commando de la SDAT pour une nouvelle calamiteuse arrestation à Tarnac. Le commando fait montre une fois encore de la même délicatesse que lors de la scandaleuse arrestation de Tessa Polak par les mêmes infra-cowboys. Me Jérémie Assous, avocat de la nouvelle victime de Fragnoli, déclare dans La montagne : “Ils ont cassé la porte de l’appartement ce matin à 6 h 30. Ils ont procédé au placement en garde à vue de Christophe Becker. Ils ont procédé à une perquisition lors de laquelle ils ont tout retourné dans l’appartement. Face à la peur et à l’angoisse des enfants, notamment du petit de 4 ans, ils ont eu comme réaction pour le calmer de le braquer. Comme si braquer un enfant de 4 ans pouvait le calmer. C’est la deuxième fois qu’ils procèdent de la sorte alors que les coordonnées de M. Becker, ils les ont dans le dossier depuis de nombreux mois. Une simple convocation aurait permis d’obtenir le même résultat. Quand on pense qu’on en est à auditionner, notamment la jeune fille au pair que Julien Coupat a eu, il y a 22 ans, [...] Si on en est là. Si une instruction antiterroriste ne propose rien d’autre, mieux vaut effectivement la suppression du juge d’instruction.”


Christophe Becker a subi à son tour une scandaleuse garde à vue anti-terroriste de quatre jours, au terme de laquelle il a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire, sur la base de prétendus faux-papiers qui avaient déjà été “découverts” depuis plus d’un an.


Une telle pertinacité de l’erreur, un tel entêtement dans la guignolade méritent un nom : je propose celui de fragnolade.







La Cellule Invisible

Quelques archives des "faubourgs de l'antimonde" ...


Extrait de l'émission BASSE INTENSITE du 24 décembre 2008



(Depuis la diffusion de cette émission, pour les personnes citées dans d'autres "affaires" : Juan*, Isa* et Damien ont été libérés et placés sous contrôle judiciaire, et ceux d'Avignon ont écopé d'un "Placement sous Surveillance Electronique")

jeudi 3 décembre 2009

Pourquoi nous cessons de respecter les contrôles judiciaires







Paru sur Le Monde le 03/12/09


L'arrestation de Christophe, le 27 novembre, marque un palier dans la bouffée délirante d'Etat que l'on nomme pudiquement "affaire de Tarnac". Sa mise en examen situe le point où une procédure ne se poursuit qu'afin de se sauver elle-même, où l'on inculpe une personne de plus dans le seul espoir de maintenir le reste des inculpations.

En fait de "premier cercle", Christophe appartient surtout au petit nombre de ceux avec qui nous discutons de notre défense. Le contrôle judiciaire qui voudrait, pour l'avenir, lui interdire de nous voir est l'aberration de trop ; c'est une mesure consciente de désorganisation de la défense, aussi. A ce point de torsion de toutes les notions du droit, qui pourrait encore exiger de nous que nous respections ces contrôles judiciaires et cette procédure démente ? A l'absurde nul n'est tenu. Il n'y a pas besoin de se croire au-dessus de la justice pour constater qu'elle est en dessous de tout. Au reste, une société qui se maintient par des moyens si évidemment criminels n'a de procès à intenter à personne.

La liberté sous contrôle judiciaire est le nom d'une sorte d'expérience mystique que chacun peut se figurer. Imaginez que vous ayez le droit de voir qui vous voulez, sauf ceux que vous aimez, que vous puissiez habiter n'importe où, sauf chez vous, que vous puissiez parler librement, au téléphone ou devant des inconnus, mais que tout ce que vous dites puisse être, un jour ou l'autre, retenu contre vous. Imaginez que vous puissiez faire tout ce que vous voulez, sauf ce qui vous tient à coeur. Un couteau sans manche auquel on a retiré la lame ressemble davantage à un couteau que la liberté sous contrôle judiciaire ne ressemble à la liberté.

Vous flânez sur un boulevard avec trois amis ; sous la plume des flics qui vous filochent, cela se dit : "Les quatre objectifs se déplacent en direction de..." Vous retrouvez après des mois de séparation un être qui vous est cher ; dans le jargon judiciaire, cela devient une "concertation frauduleuse". Vous ne renoncez pas, même dans l'adversité, à ce que toute amitié suppose de fidélité ; c'est évidemment une "association de malfaiteurs".

La police et sa justice n'ont pas leur pareil pour travestir ce qui tombe sous leur regard. Peut-être ne sont-elles finalement que cette entreprise de rendre monstrueux ce qui, aimable ou détestable, se comprend sans peine.

S'il suffit de ne se reconnaître dans aucune des organisations politiques existantes pour être "autonome", alors il faut bien admettre que nous sommes une majorité d'autonomes dans ce pays. S'il suffit de regarder les directions syndicales comme des traîtres avérés à la classe ouvrière pour être d'"ultragauche", alors la base de la CGT est présentement composée d'une série de dangereux noyaux d'ultragauchistes.

Nous désertons. Nous ne pointerons plus et nous comptons bien nous retrouver, comme nous l'avons fait, déjà, pour écrire ce texte. Nous ne chercherons pas à nous cacher. Simplement, nous désertons le juge Fragnoli et les cent petites rumeurs, les mille aigreurs misérables qu'il répand sur notre compte devant tel ou tel journaliste. Nous désertons la sorte de guerre privée dans laquelle la sous-direction antiterroriste voudrait nous engager à force de nous coller aux basques, de "sonoriser" nos appartements, d'épier nos conversations, de fouiller nos poubelles, de retranscrire tout ce que nous avons pu dire à notre famille durant nos parloirs en prison.

S'ils sont fascinés par nous, nous ne sommes pas fascinés par eux - eux que nos enfants appellent désormais, non sans humour, les "voleurs de brosses à dents" parce que, à chaque fois qu'ils déboulent avec leurs 9 mm, ils raflent au passage toutes les brosses à dents pour leurs précieuses expertises ADN. Ils ont besoin de nous pour justifier leur existence et leurs crédits, nous pas. Ils doivent nous constituer, par toutes sortes de surveillances et d'actes de procédure, en groupuscule paranoïaque, nous, nous aspirons à nous dissoudre dans un mouvement de masse, qui, parmi tant d'autres choses, les dissoudra, eux.

Mais ce que nous désertons d'abord, c'est le rôle d'ennemi public, c'est-à-dire, au fond, de victime, que l'on a voulu nous faire jouer. Et, si nous le désertons, c'est pour pouvoir reprendre la lutte. "Il faut substituer au sentiment du gibier traqué l'allant du combattant", disait, dans des circonstances somme toute assez semblables, Georges Guingouin (Résistant communiste).

Partout dans la machine sociale, cela explose à bas bruit, et parfois à si bas bruit que cela prend la forme d'un suicide. Il n'y a pas un secteur de cette machine qui ait été épargné dans les années passées par ce genre d'explosion : agriculture, énergie, transports, école, communications, recherche, université, hôpitaux, psychiatrie. Et chacun de ces craquements ne donne, hélas, rien, sinon un surplus de dépression ou de cynisme vital - choses qui se valent bien, en fin de compte.

Comme le plus grand nombre aujourd'hui, nous sommes déchirés par le paradoxe de la situation : d'un côté, nous ne pouvons pas continuer à vivre comme cela, ni laisser le monde courir à sa perte entre les mains d'une oligarchie d'imbéciles, de l'autre, toute forme de perspective plus désirable que le désastre présent, toute idée de chemin praticable pour échapper à ce désastre se sont dérobées. Et nul ne se révolte sans perspective d'une vie meilleure, hormis quelques âmes sympathiquement désespérées.

L'époque ne manque pas de richesse, c'est plutôt la longueur du souffle qui lui fait défaut. Il nous faut le temps, il nous faut la durée - des menées au long cours. Un des effets principaux de ce qu'on appelle répression, comme du travail salarié d'ailleurs, c'est de nous ôter le temps. Pas seulement en nous ôtant matériellement du temps - le temps passé en prison, le temps passé à chercher à faire sortir ceux qui y sont -, mais aussi et d'abord en imposant sa propre cadence. L'existence de ceux qui font face à la répression, pour eux-mêmes comme pour leur entourage, est perpétuellement obnubilée par des événements immédiats. Tout la ramène au temps court, et à l'actualité. Toute durée se morcelle. Les contrôles judiciaires sont de cette nature, les contrôles judiciaires ont ce genre d'effets. Cela va bien ainsi.

Ce qui nous est arrivé n'était pas centralement destiné à nous neutraliser nous, en tant que groupe, mais bien à impressionner le plus grand nombre ; notamment ceux, nombreux, qui ne parviennent plus à dissimuler tout le mal qu'ils pensent du monde tel qu'il va. On ne nous a pas neutralisés. Mieux, on n'a rien neutralisé du tout en nous utilisant de la sorte.

Et rien ne doit plus nous empêcher de reprendre, et plus largement sans doute, qu'auparavant, notre tâche : réélaborer une perspective capable de nous arracher à l'état d'impuissance collective qui nous frappe tous. Non pas exactement une perspective politique, non pas un programme, mais la possibilité technique, matérielle, d'un chemin praticable vers d'autres rapports au monde, vers d'autres rapports sociaux ; et ce en partant des contraintes existantes, de l'organisation effective de cette société, de ses subjectivités comme de ses infrastructures.

Car c'est seulement à partir d'une connaissance fine des obstacles au bouleversement que nous parviendrons à désencombrer l'horizon. Voilà bien une tâche de longue haleine, et qu'il n'y a pas de sens à mener seuls. Ceci est une invitation.

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Aria, Benjamin, Bertrand, Christophe, Elsa, Gabrielle, Julien, Manon, Mathieu et Yildune sont les dix personnes mises en examen dans l'affaire dite "de Tarnac".





Manipulations policières et scandale d'Etat




Paru sur Médiapart le 02/12/09