mardi 30 juin 2009

"Bal Masqué" contre le terrorisme d'état


source: http://www.youtube.com/watch?v=Mbdy6fZj0jE (merci à S.)

Dimanche 21 juin 2009 - Paris - Fontaine des Innocents



30 sec de son réel...



Selon le décret du 19 juin 2009, est puni d'une amende de 1.500 euros au plus (contravention de 5e classe) «le fait pour une personne, au sein ou aux abords immédiats d'une manifestation sur la voie publique, de dissimuler volontairement son visage afin de ne pas être identifiée dans des circonstances faisant craindre des atteintes à l'ordre public».
Le décret prévoit qu'en cas de récidive dans un délai d'un an, l'amende peut être portée à 3.000 euros.


http://soutien11novembre.org



vendredi 26 juin 2009

Aux origines de la pensée COUPAT





Dossier publié dans Les Inrocks n° 707 (du 16 au 22 juin 2009):

Retour aux sources de la pensée d'un intellectuel révolutionnaire, "ennemi idéal" fabriqué par un pouvoir de plus en plus policier.

Par JB Maronglu, illustrations de Isabelle Boinot


(cliquer l'icône en haut à droite pour voir le document en plein écran)



lundi 22 juin 2009

MANIFESTATION DU 21 JUIN 2009 - COMMUNIQUÉ


Dernière mise à jour le 25 juin 2009


Information complémentaire du 25 juin 2009 sur www.soutien11novembre.org:

Lors de la dispersion de la manifestation du 21 juin aux Halles 6 personnes avaient été arrêtées. Certaines se sont faites tabasser comme il se doit (par les bacs, notamment). 1 personne a été déférée, mais a été relaxée. 1 autre a eu un rappel à la loi. Les autres rien.


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Paru le 21 juin 2009 sur www.soutien11novembre.org

Ce jour, au lendemain de la publication officielle du décret anti-cagoule, plusieurs centaines d’invisibles se sont rassemblés à la fontaine des Innocents, à Paris. Un cortège riche des masques les plus variés, marchant au ryhtme tenu de percussions artisanales s’est ébranlé en direction de la Bastille. Il a rencontré sur son chemin le siège de l’Administration Pénitentière.

Répondant à la provocation que constituent l’immense banderole "Tour de France cycliste de la Pénitentiaire" et l’existence même de ce bâtiment, bloqués par les CRS à ce stade précoce de leur parcours, surveillé par un hélicoptère, les manifestants ont trouvé bon de marquer la façade de quelques signes explicites de leur passage : vitrines brisées, tirs de mortier, fumigènes, etc.

Conformément à la stratégie manifeste de la police, ils ont été chargés, gazés, refoulé. Quelques contre-charges plus tard, le quartier étant quadrillé, les manifestants se dispersent dans la foule. Au moins six personnes ont été interpelées, les uns de façon politiquement ciblées, les autres de façon opportune. Ramassant des fumigènes, un gradé a été entendu fragnolant au téléphone : "C’est bon. On a de quoi faire un truc pas mal. On a des fumigènes, un outrage, des débris. C’est vraiment pas mal."

Nous restons curieux des suites policiaro-judiciaires qui seront données aux faits de ce jour. Nous sommes plus déterminés que jamais. Le bal continue. Les masques vaincront.

Des comités de soutien aux inculpés de l’antiterrorisme, et d’ailleurs.










Autre vidéo dénichée sur youtube par Antoine (Merci):

"La video mise en ligne plus haut est celle des journaflics de l'AFP.
En voici une autre qui nous évite le discours visible de la CNT (!), avec un peu de joyeuse pyrotechnie... et des arrestations de la BAC (6 ou 7 sur un mec)."








Voir aussi en ligne :

Le jura libertaire:
Manifestation du 21 juin
Manifestation du 21 juin (2)



Article XI:
"Tarnac, l’arbre qui cache la forêt" : retour (en images) sur une manif vite dispersée



Résistance et solidarité:
La cagoule officielle



Deux ou trois choses que j'avais à vous dire,






Paru le 20 juin 2009 sur www.lemonde.fr
par Yildune Lévy


C'est un homme, dans un bureau, comme tant d'autres hommes dans tant d'autres bureaux auxquels il ressemble sans ressembler à rien. Celui-là dispose d'un pouvoir spécial, certainement dû au fait que son bureau occupe le dernier étage d'une quelconque tour d'un palais de justice.

On dit qu'il instruit, qui ? quoi ? Il instruit. Il écroue. Il interroge. Il rend des ordonnances, de pâles ordonnances, où quelques articles de loi, une poignée de formules convenues et de considérations vagues se concluent par d'impénétrables mesures de contrôle judiciaire. Benjamin, certainement trop apprécié comme épicier à Tarnac, sera assigné à résidence chez sa mère en Normandie, où il n'a jamais vécu, à 30 ans. Manon et moi, qui partagions tout à Fleury, n'avons plus le droit de nous voir maintenant que nous sommes "libres". Julien peut se mouvoir dans toute la couronne parisienne, non traverser Paris, au cas où lui viendrait la tentation de prendre d'assaut l'Hôtel de Ville, sans doute.

Tel ami qui le visitait au parloir de la Santé doit se garder de le croiser désormais, sous peine de réincarcération. L'homme au bureau construit un dédale de murs invisibles, un labyrinthe d'impossibilités factices où nous sommes censés nous perdre, et perdre la raison. Il y a un ordre dans cet écheveau d'absurdités, une politique de désorientation sous les accents neutres du judiciaire.

On nous libère en prétextant qu'il n'y a pas de "risque de concertation frauduleuse" pour ensuite nous interdire de nous voir et nous exiler ici ou là, loin de Tarnac. On autorise un mariage tout en en faisant savamment fuiter le lieu et la date. On fragnole (1), à coup sûr, mais pas seulement.

C'est par ses incohérences qu'un ordre révèle sa logique. Le but de cette procédure n'est pas de nous amener à la fin à un procès, mais, ici et maintenant, et pour le temps qu'il faudra, de tenir un certain nombre de vies sous contrôle. De pouvoir déployer contre nous, à tout instant, tous les moyens exorbitants de l'antiterrorisme pour nous détruire, chacun et tous ensemble, en nous séparant, en nous assignant, en starifiant l'un, en faisant parler l'autre, en tentant de pulvériser cette vie commune où gît toute puissance.

La procédure en cours ne produit qu'incidemment des actes judiciaires, elle autorise d'abord à briser des liens, des amitiés, à défaire, à piétiner, à supplicier non des corps, mais ce qui les fait tenir : l'ensemble des relations qui nous constituent, relations à des êtres chers, à un territoire, à une façon de vivre, d'oeuvrer, de chanter. C'est un massacre dans l'ordre de l'impalpable. Ce à quoi s'attaque la justice ne fera la "une" d'aucun journal télévisé : la douleur de la séparation engendre des cris, non des images. Avoir "désorganisé le groupe", comme dit le juge, ou "démantelé une structure anarcho-autonome clandestine", comme dit la sous-direction antiterroriste, c'est dans ces termes que se congratulent les tristes fonctionnaires de la répression, grises Pénélope qui défont le jour les entités qu'ils cauchemardent la nuit.

Poursuivis comme terroristes pour détention de fumigènes artisanaux au départ d'une manifestation, Ivan et Bruno ont préféré, après quatre mois de prison, la cavale à une existence sous contrôle judiciaire. Nous acculer à la clandestinité pour simplement pouvoir serrer dans nos bras ceux que nous aimons serait un effet non fortuit de la manoeuvre en cours.

Ladite "affaire de Tarnac", l'actuelle chasse à l'autonome ne méritent pas que l'on s'y attarde, sinon comme machine de vision. On s'indigne, en règle générale, de ce que l'on ne veut pas voir. Mais ici pas plus qu'ailleurs il n'y a lieu de s'indigner. Car c'est la logique d'un monde qui s'y révèle. A cette lumière, l'état de séparation scrupuleuse qui règne de nos jours, où le voisin ignore le voisin, où le collègue se défie du collègue, où chacun est affairé à tromper l'autre, à s'en croire le vainqueur, où nous échappe tant l'origine de ce que nous mangeons, que la fonction des faussetés, dont les médias pourvoient la conversation du jour, n'est pas le résultat d'une obscure décadence, mais l'objet d'une police constante.

Elle éclaire jusqu'à la rage d'occupation policière dont le pouvoir submerge les quartiers populaires. On envoie les unités territoriales de quartier (UTEQ) quadriller les cités ; depuis le 11 novembre 2008, les gendarmes se répandent en contrôles incessants sur le plateau de Millevaches. On escompte qu'avec le temps la population finira par rejeter ces "jeunes" comme s'ils étaient la cause de ce désagrément. L'appareil d'Etat dans tous ses organes se dévoile peu à peu comme une monstrueuse formation de ressentiment, d'un ressentiment tantôt brutal, tantôt ultrasophistiqué, contre toute existence collective, contre cette vitalité populaire qui, de toutes parts, le déborde, lui échappe et dans quoi il ne cesse de voir une menace caractérisée, là où elle ne voit en lui qu'un obstacle absurde, et absurdement mauvais.

Mais que peut-elle, cette formation ? Inventer des "associations de malfaiteurs", voter des "lois anti-bandes", greffer des incriminations collectives sur un droit qui prétend ne connaître de responsabilité qu'individuelle. Que peut-elle ? Rien, ou si peu. Abîmer à la marge, en neutraliser quelques-uns, en effrayer quelques autres. Cette politique de séparation se retourne même, par un effet de surprise : pour un neutralisé, cent se politisent ; de nouveaux liens fleurissent là où l'on s'y attendait le moins ; en prison, dans les comités de soutien se rencontrent ceux qui n'auraient jamais dû ; quelque chose se lève là où devaient régner à jamais l'impuissance et la dépression. Troublant spectacle que de voir la mécanique répressive se déglinguer devant la résistance infinie que lui opposent l'amour et l'amitié. C'est une infirmité constitutive du pouvoir que d'ignorer la joie d'avoir des camarades. Comment un homme dans l'Etat pourrait-il comprendre qu'il n'y a rien de moins désirable, pour moi, que d'être la femme d'un chef ?

Face à l'état démantelé du présent, face à la politique étatique, je n'arrive à songer, dans les quartiers, dans les usines, dans les écoles, les hôpitaux ou les campagnes, qu'à une politique qui reparte des liens, les densifie, les peuple et nous mène hors du cercle clos où nos vies se consument. Certains se retrouveront à la fontaine des Innocents à Paris, ce dimanche 21 juin, à 15 heures. Toutes les occasions sont bonnes pour reprendre la rue, même la Fête de la musique.


Etudiante, Yildune Lévy est mise en examen dans l'"affaire de Tarnac".

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(1) Il manque assurément au vocabulaire français un verbe pour désigner la passion que met un assis à rendre, par mille manœuvres minuscules, la vie impossible aux autres. Je propose d'ajouter pour combler cette lacune à l'édition 2011 du Petit Robert le verbe "fragnoler" d'où découlent probablement le substantif "fragnolage", l'adjectif "fragnolesque" et l'expression argotique "T'es fragno !" dont l'usage est attesté et ne cesse de se répandre.


Article paru dans l'édition du 21.06.09.

jeudi 18 juin 2009

Gros-Squick lache sa Pépy-te





Dans une réunion informelle organisée dans les locaux de la DCRI le 12 juin, devant des journalistes de l' AJD (association des journalistes de défense) le directeur B.Squarcini (pour nous, dit "Gros-Squick" plutôt que "Le Squale") après avoir raillé les déclarations de Morin sur l'enquête de la disparition du vol Air France Rio-Paris, se livre à une étonnante pseudo-justification sur l'origine de l'opération commando de Tarnac.

Explication rocambolesque reprise par le canard enchainé du 17 juin 2009 (voir le pdf ci desssous).

(Cliquez sur l'icône en haut à droite pour afficher le pdf en plein écran)



A en croire "Gros-Squick" on peut envahir et terroriser un village entier sur simple requête du patron de la SNCF ?

Dans ces temps d'extension du secret défense, où les "fuites-contrôlées" construisent la "réalité", comment croire à une déclaration si artificiellement spontanée devant un auditoire si trié (et formé) sur le volet ?

On ne nous prendrait pas pour un succédané de cacao déshydraté là ?

" Vite ! Gros-Squick, Gros-Squick ... il faut encore modifier la réalité ! "




Mais où est passé l'ennemi intérieur ?

Paru sur CQFD no 68, juin 2009
Mensuel de critique sociale - En kiosque.



Vu sur le jura libertaire







Dis papa, c’est quoi le terrorisme ? À peu près la même chose que l’antiterrorisme, ma chérie.


Traqué par les avocats des inculpés du 11 novembre 2008 (affaire des sabotages de lignes TGV), fébrile à l’idée de se voir déssaisi d’un dossier vide mais prestigieux, le juge antiterroriste Thierry Fragnoli s’accroche à ce qu’il a à portée de main : le droit à sa mesure. En vingt pages d’une méritoire argutie juridique datée du 6 mai
[Cf. Mediapart], le magistrat s’escrime à prouver qu’il n’est pas incompétent en la matière et que les épiciers de Tarnac sont probablement de dangereux terroros :

«Si le terme “terreur”, particulièrement fort, apparaît comme provoquant une peur collective viscérale dépassant la sphère de l’individu pour toucher l’ensemble d’une population, annihilant sa résistance, avec une connotation quasi physiologique, en revanche, le terme “intimidation”, moins violent et aux conséquences a priori moins graves, inspire cependant de la crainte ou de l’appréhension de nature à dissuader, les organisations ou les individus s’abstenant d’eux-mêmes de certaines actions, ou de s’exprimer, versant ainsi dans une autocensure psychologique. L’intimidation et la terreur ne pouvant cependant se concevoir que par des actes répétés et vécus comme un harcèlement.» [Cf. article page 4]

Mais au fond, de quoi nous cause-t-il, M. le juge ? En un long lapsus, il dévoile les mécanismes de l’arsenal sécuritaire dont il est l’un des rouages. Il révèle, involontairement, les méthodes de gestion du cheptel humain par la peur en période de crise. Thierry Fragnoli, ou comment expliquer le mode actuel de gouvernement aux enfants, en une savoureuse inversion de petit juge — et néanmoins grand poète.

CQFD no 68, juin 2009
Mensuel de critique sociale - En kiosque.









Retrouvez l'ordonnance du juge Fragnoli
et l'article de médiapart cité: ICI ou .








mercredi 17 juin 2009

ADRESSE AUX DEMARCHEURS DE LA PEUR




Nous reproduisons ici un "billet" non-signé et mis à disposition du public lors d'une soirée de soutien aux "Neuf de Tarnac". Nous y avons ajoutés quelques liens hypertexte pour les exemples et l'illustration de ces propos.




Extrait du POPULAIRE DU CENTRE du 26 mars 2009:

" Une "coproduction de sécurité"

Polices municipales, sociétés de sécurté, réserve opérationnelle et désormais citoyen volontaire, concourent à ce que le ministère de l'Intérieur dénomme à présent "une coproduction de sécurité" préventive et dissuasive. Avec les "acteurs partenaires" que sont supposés être, notamment, les élus, chefs d'établissements, bailleurs sociaux, association, etc; dans la prévention de la délinquance ils assument cette "responsabilité partagée" chère à la ministre. A la Direction départementale de la sécurité publique de la Corrèze (DDSP), le témoignage sous X et le renseignement rémunéré sont même cités dans les derniers objectifs comme un moyen de lutte contre les violences urbaines...
"

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ADRESSE AUX DEMARCHEURS DE LA PEUR


Voici donc que parés de la juste cause de la SECURITE, bardés avec bonne conscience de slogans comme "La première des libertés c'est la sécurité", vous avancez vers nous pour soi-disant "connaitre les besoins de la population sur sa propre sécurité".
Nous, ce nous voulons connaître, c'est vous !
Qui êtes vous pour prétendre, comme dans tout bon régime totalitaire,"enrôler la population dans son auto-contrôle"?
De quel terrier de renard sortez vous ? De quelle loge secrète ?
De quel INHES ? De quel IHEDN ?
Quelle place occupez vous dans la hiérarchie politico-militaro-industrielle ?
Qui vous paye pour faire ce travail ? Matra, Thomson ou de Wendel comme au bon vieux temps ?
Quels Aussaresses, Papon, Raufer, Bauer gîtent dans vos repères ?
Cependant, nous ne savons déjà que trop de choses sur vous.
Nous savons que pour justifier toutes vos fonctions et vos pouvoirs, il vous faut un ennemi et que vous vous appliquez à l'inventer de toutes pièces : "Faire connaître la menace, tel est le premier objectif prioritaire" dites vous dans votre bon français et voici qu'après "les minorités gauchiste agissantes", les "mouvances islamiques", le "terrorisme international", arrivent les "mouvances anarcho-autonomes".
Nous savons qu'il est impératif pour vous "d'insécuriser d'abord pour sécuriser ensuite" et pour ce faire de créer une "demande médiatique de sensationnel apocalyptique".
Nous savons quels sont vos moyens pour "faire de la population à la fois une menace et l'objet à défendre": propagande, fichages généralisés, mise en scène, infiltration, retournement, utilisation de vrai-faux groupes terroristes...
Tout cela ne serait peut-être pas si grave si l'aboutissement de la logique de "société sûre comme société militarisée" n'aboutissait à la torture en Algérie, au métro Charonnes, à la grotte d'Ouvéa et à bien d'autres terreurs.
Nous savons enfin que si vous voulez justifier la militarisation du maintien de l'ordre, c'est avant tout pour défendre les fondations idéologiques des marchés politico-économiques et nous vous connaissons assez bien pour mesurer l'ampleur de votre paranoïa et de vos obsessions.
C'EST VOUS QUI AVEZ PEUR. Peur de tout changement qui pourrait altérer l'ordre militaire et capitaliste.
Tout cela ne serait peut-être pas si grave si ce n'était vous aussi qui mainteniez en état de fonctionnement des milliers de bombes atomiques au dessus de nos têtes de part le monde.
Vous voulez nous faire dire que nous avons peur.
OUI, DE VOUS, car il est bien évident que

LA PREMIERE DES SECURITES C'EST LA LIBERTE







mardi 16 juin 2009

Loi de programmation militaire : Comment faire taire les militants








Paru sur politis.fr, le 11 juin 2009.
Par Claude-Marie Vadrot.


Vu sur legrandsoir.info et changementclimatique.over-blog.com (merci à Via)


La ministre de l’Intérieur, sur suggestion de l’Élysée et de quelques parlementaires, prépare en secret un arrêté fondé sur un projet de loi signé du Premier ministre et du ministre de la Défense, prêt depuis le mois d’octobre 2008. Il s’agit de la loi 1216 de programmation militaire pour 2009-2014 : un texte plutôt banal s’il ne prévoyait, dans son article 5, de réorganiser et de redéfinir tout ce qui touche à la sécurité intérieure. Ce qui, une fois la loi votée, autorisera la publication d’un ou plusieurs décrets permettant de poursuivre notamment les militants écologistes et associatifs lorsque, par leurs actions, écrits ou propos, ils mettront en cause« les intérêts de l’État ».
Dans ces « intérêts » seraient notamment inclus ce qui concerne les centrales, les transports nucléaires et le stockage des déchets, mais aussi ce qui touche aux installations industrielles et aux stockages classés « Seveso », qu’il s’agisse d’usines manipulant des substances dangereuses ou d’aires abritant des cuves de produits chimiques. Ce texte aurait aussi comme conséquence d’aggraver les peines encourues par les faucheurs d’OGM, car il permettrait de poursuivre les individus et les associations mettant en cause les intérêts économiques stratégiques de la France.


Dans l’exposé des motifs de la loi, on trouve en effet ce paragraphe : « Les attributions, déjà codifiées, des ministres de la Défense, de l’Intérieur, des Affaires étrangères, de l’Économie et du Budget sont redéfinies en fonction des différentes politiques qui entrent dans leur champ de compétence et concourent à la stratégie de sécurité nationale. Au-delà de ces modifications, et dans le prolongement des orientations du Livre blanc, des attributions particulières en matière de sécurité nationale du ministre de la justice et des ministres chargés de la Santé, de l’Environnement, des Transports, de l’Énergie et de l’Industrie sont codifiées. »

Au nom de la sécurité nationale, le décret en préparation permettrait donc de placer sous la protection de cette dernière toutes les actions et informations liées, par exemple, à l’environnement et aux infrastructures contestées par les associations de protecteurs de la nature et les organisations écologistes. De la même façon, tout ce qui concerne le changement climatique pourra entrer dans les informations classifiées interdites de divulgation. Classification qui, d’une part, sera bien entendu à la discrétion souveraine du gouvernement en place et qui, d’autre part, sera opposable à la fois aux militants, aux associations et aux juges d’instruction. S’ils existent encore. Les écolos ne sont bien sûr pas les seuls visés : ce texte à tout faire permettrait de poursuivre tous les agissements « déviants ».

II deviendrait donc plus difficile d’exercer une contestation écologique. Ce dispositif pourrait être complété dès l’automne par une circulaire ou un décret - ce n’est pas encore décidé - qui compliquerait la tâche des citoyens et des associations de protection de la nature voulant attaquer des décisions de l’État et des collectivités territoriales devant les tribunaux administratifs. Les élus se disent lassés des remises en cause de permis de construire ou des tracés de routes. Depuis plusieurs années, les associations de maires demandent au gouvernement une restriction de la contestation « administrative » pour abus de pouvoir et non-respect des règles d’enquête publiques. En oubliant de rappeler que le recours aux tribunaux administratifs est souvent la seule arme des écologistes et des associations de protection de la nature.

Entre les possibilités de criminalisation de la contestation écologique et les restrictions aux recours administratifs, si ces deux réformes entrent en vigueur, l’écologie devrait peu à peu cesser de gêner le pouvoir. Pour l’instant, il est encore, au moins, possible de l’écrire sans encourir le risque d’être poursuivi... pour outrage au gouvernement.

Claude-Marie Vadrot

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LIRE AUSSI A PROPOS DE CETTE LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE :

L'inquiétude autour de l'extension du "secret défense" (Nouvelobs)
La classification de certains lieux et l'alourdissement des procédures de perquisition en vertu du secret défense devraient être votés mardi à l'Assemblée...

Zone militaire : accès interdit aux juges (Humanité)
Le gouvernement veut créer des zones de non-droit sur le territoire français. Comment en effet nommer autrement des lieux dans lesquels les magistrats ne seraient pas autorisés à pénétrer ?





lundi 15 juin 2009

7 des 15 inculpé-e-s de Barbès relaxés





Paru le 14 juin sur Nantes Indymédia



INCULPÉ-E-S SOLIDAIRES DES INCULPÉ-E-S :

Les 7 qui passaient en procès le 6 mai suite à la manifestation du 24
janvier 2009 à Barbès ont été relaxés.

***LES AUTRES PASSERONT EN SEPTEMBRE***

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Samedi 24 janvier avaient lieu une série de rassemblement et de
manifestations partout en France - dans le cadre des 10 jours contre
l’antiterrorisme, et de la semaine internationale de solidarité avec
Isa (inculpée sous régime antiterroriste).

Une manifestation avait lieu à Paris-Barbès, à 15h. Mais alors qu’un
cortège de quelques deux cent personnes était en train de se former,
les gardes mobiles l’ont immédiatement encerclé et ont chargé a deux
reprises. Près de 120 personnes ont été interpellées, subissant un
contrôle d’identité de plus de 4h dans divers commissariat de la
ville. 15 personnes ont été choisies de manière arbitraire pour rester
en garde à vue et passent en procès.

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Rappelez vous :

Manif Libérez camarades Barbès 24 janvier 09

Rafle des manifestantEs contre l'antiterrorisme à Paris ...

Suites Barbès...


+ 2 autres vidéos dans les commentaires (Merci Antoine)



Pédagogie montebourgeoise





Paru sur politis.fr le 4 juin 2009
Par Sébastien Fontenelle


Nous ne manquons certes pas, en France, de « socialistes » courageux, comme, par exemple, Manuel Valls, qui vient de confirmer qu’il voterait « la loi Estrosi sur les bandes » – parce que bon, estime-t-il : nonobstant l’arsenal hypersécuritaire que la droite régimaire a déjà déployé depuis 2002, « la création d’une nouvelle infraction pour participation à une bande violente pourrait combler utilement une lacune du droit », ou si on préfère laisser le champ libre aux Bloods et aux Crips jusque dans les rues d’Authon-la-Plaine [1] ?


Mais le plus courageux de nos « socialistes » est, de très loin, et sans conteste, notre légendaire député de Saône-et-Loire : Arnaud Montebourg.
Dès le 29 mai, en effet – moins de 48 heures, donc, après la libération de Julien Coupat –, Arnaud Montebourg a (courageusement) dénoncé, dans une tribune publiée simultanément par les sites informatifs Bakchich et Rue 89, l’interminable détention (de six mois) de Julien Coupat.


Et il est parfaitement vrai que, durant que Julien Coupat croupissait dans sa geôle, Arnaud Montebourg a négligé de s’offusquer publiquement d’une incarcération que rien, comme on sait, ne justifiait.
Mais on aurait (grand) tort de supposer, comme l’ont fait sur le Net quelques impertinent(e)s, qu’Arnaud Montebourg s’est tu par négligence, ou par désintérêt, ou pour quelque autre obscure raison que la raison ignore, car en vérité son (interminable) silence relevait d’une (très) fine stratégie.
Cela, ce n’est pas moi qui le dis.


C’est Arnaud Montebourg himself qui l’écrit, dans une (ahurissante) réponse aux internautes qui ont moqué son opportunisme : « Si la justice elle-même ne s’était pas mise en situation de devoir libérer Coupat pour insuffisance de charges », notre légendaire député de Saône-et-Loire juge – en toute modestie – que son intervention « n’aurait pu prendre cette force politique » admirable qui la singularise, et que nul(le) ne pourrait « convaincre […] la société française que cette affaire constitue une manipulation ». (Alors que là : Arnaud Montebourg, par la seule magie de son verbe, a su mobiliser l’opinion en faveur des « neuf de Tarnac ».)
En somme, et en résumé : si Arnaud Montebourg s’est tu, pendant que d’autres, moins subtil(e)s, se battaient quotidiennement pour que Julien Coupat sorte enfin de prison, c’est parce qu’il attendait – confiant – que la justice désincarcère le jeune homme.


Ami(e), si tu es pris(e) en otage, le mieux est que tu ne comptes pas trop sur Arnaud Montebourg pour hâter ta libération : il attendra probablement qu’on t’ait relâché(e) pour te tendre une main secourable. Histoire de mieux démontrer que le kidnapping, c’est pas bien.


Notes

[1] Essonne




mercredi 10 juin 2009

Soutien aux inculpés du 11 novembre

source: http://www.youtube.com/96HEURES
(merci à A.)

Petit film projeté lors d'un concert de soutien aux inculpés de l'antiterrorisme (de Tarnac et d'ailleurs), le 7 juin à Paris. Le film revient rapidement sur le déroulement de l'affaire, et reprend les propos de plusieurs tracts et interventions de comités de soutien.

Pour plus d'informations,
http://www.soutien11novembre.org/





Manifestation du 21 juin / Nouveaux appels

Paru sur http://www.manifdu21juin.com/, et www.soutien11novembre.org le 09 Juin 2009.






Deux nouveaux appels pour la grande manifestation du 21 Juin à Paris :



Le pouvoir panique. Il se débat, gesticule ; sans hasard, il frappe aveuglément : -Tarnac, Villiers-le-bel, les séquestrateurs de Caterpillar ou les coupeurs d’edf. Les facs bloquées, les profs obstinés, les « casseurs » de continental, les « terroristes » de l’ultra-gauche, les cheminots « preneurs d’otage », tellement d’ « exemples ». Le lynchage médiatique, la police, les gardes-à-vue, les inculpations, les procès, les amendes, la prison. Ce n’est pas seulement une réponse à tous ceux qui s’organisent pour survivre et contre-attaquer, c’est aussi un symptome : -il n’y a plus que le recourt permanent à la police qui puisse retenir le pathétique effondrement de cette société. Le gouvernement craint les cagoules, parce qu’il sait que la révolte n’a plus de visage. Parce que les bandes sont devenues la forme la plus élémentaire de solidarité, il met tout en oeuvre pour les atomiser. Mais ces attaques insistantes pourraient aussi bien devenir une formidable opportunité. Alors qu’ils rêvent de nous voir seuls, isolés et désarmés, il est temps, enfin, de nous retrouver.

RENDEZ-VOUS LE 21 JUIN, à 15h MANIFESTATION PARIS - RER LES HALLES - Fontaine des innocents






Des comités de soutien aux inculpés de Tarnac, à ceux qui luttent

On se bat aujourd’hui, comme hier, comme avant-hier, comme toujours, des hommes et des femmes se battent, pour leurs droits, pour garder leur emploi, pour travailler moins ou moins durement, pour des salaires moins rachitiques ; partout on se bat pour la liberté, pour son hôpital ou contre la prison, pour trois sous, pour des médicaments, pour l’honneur, pour les allocations, on se bat pour ses amis, sa soeur, son père, son frère ou sa mère, pour sauver la recherche, pour l’idée qu’on se fait de l’éducation ou de la psychiatrie ; pour plus d’avantages, pour moins de soucis, on se bat pour sa survie, on se bat parce qu’on ne veut pas crever ou parce que l’on crève de rage, ou bien encore parce que le mépris des gouvernants et des patrons, des juges et des contrôleurs sociaux, des cabinets d’études, des experts, des connards patentés et de ceux qui vous expliquent qu’il faut patienter encore, encaisser un petit peu plus, sous peine de payer de sa peau – parce que le mépris qu’on nous oppose est si évident et si insolent, on se bat aussi sans savoir bien pourquoi mais parce que ça vous tombe dessus ; partout, toujours, on se bat. Les raisons ne sont pas à discuter, la force qui les habite se charge de leur donner raison. Mais à coup sûr on se bat aujourd’hui avec plus de sérieux qu’hier, avec plus de sérieux qu’il y a dix ans, on se bat avec plus de sérieux qu’on ne l’avait fait depuis longtemps. On n’est moins prêts à se faire virer, massacrer ou affamer sans conséquence. Quand une délocalisation comme il y en a tant entraine la destruction d’une préfecture (Continental), quand les employés d’ErDF et de GrDF rappellent par les faits qu’être employé dans les secteurs de l’énergie c’est aussi être en mesure d’éteindre la machine, quand on sort le canon pour garder son hôpital (Carhaix), voilà qui est sérieux, voilà qui a le mérite de rappeler que l’histoire est une puissance dont les hommes peuvent à chaque instant se ressaisir, au grand dam de ceux qui en sont, temporairement, les vainqueurs.

A ce sérieux du peuple, et comme en miroir, répond le mépris des gouvernants et des gestionnaires, leur mépris sans limite, et ceci est leur forme de sérieux propre, c’est le sérieux des gouvernants. A ce sérieux du peuple, à ce sérieux qui est plein d’histoire, qui est plein de l’histoire du peuple, à ce sérieux qui est le retour de l’histoire, les gouvernants opposent leurs airs de bouffons grimaçants, leurs airs de courges satisfaites à Saint Tropez, la nouvelle petite Marie-Antoinette présente son caniche à la presse, on organise comme de rien des sommets sur l’immigration, à Vichy bien sûr. Mais cela n’est pas tout. Il faut au sérieux vacillant de nos petits maîtres une quille, comme en ont les bateaux, une quille pour ne pas basculer trop fort, à la première vague. Et cette quille, c’est la peur. Au fait tout simple, au fait très élémentaire, et de toujours, que des hommes et des femmes se battent, on invente des noms de croquemitaine. C’est ainsi qu’on produit sur la scène médiatique les « casseurs », les « bandes » et les « terroristes », les « jeunes des cités » ou les « clandestins », comme on présentait jadis les « sorcières » au public avant de les brûler. Par un usage savant et crapuleux des nomenclatures, le journal de 20h et les discours des ministres ont rebaptisé, pour les lui rendre étrangères et odieuses, des techniques de lutte qui ont toujours appartenu au peuple, et notamment au mouvement ouvrier : il est devenu banal d’appeler une simple grève une « prise d’otages », on a même essayé récemment de qualifier un sabotage sans danger « d’attentat terrroriste ». Contre les sorcières, c’est bien connu, tout est permis. La prison bien sûr, avec ou sans procès, les contrôles judiciaires exorbitants, qui fixent les lieux d’habitation et les trajets autorisés, interdisent à l’ami de voir l’ami, au frère de voir la soeur ; et, quand « l’ennemi intérieur » est suffisamment avéré, par sa mauvaise naissance par exemple, les vexations infinies, les attaques de la police, à l’occasion le massacre. Tout ceci, les dénonciations publiques, les fabriques d’épouvantails, les dispositions pénales et militaires, visent d’abord à défaire les liens, les liens non-neutres, qu’il y a entre les êtres, les liens politiques. Les liens ne cessent pas quand on le leur demande, ils ne connaissent pas de Grenelle,l’amitié est la chair du politique – ou bien le politique est une insanité. Evidemment, nous avons besoin de bien plus qu’une manifestation, il nous faut des liens plus durables et plus joyeux, à la mesure du sérieux de la situation. Mais cette manifestation-là pourrait être une première rencontre, c’est notre invitation. Faites comme chez vous.

RENDEZ-VOUS LE 21 JUIN, à 15h MANIFESTATION PARIS - RER LES HALLES - Fontaine des innocents











lundi 8 juin 2009

Du "Casse-toi-connardisme"








«Ubu-Maton», par Stéphane Zagdanski


Paru sur bibliobs.nouvelobs.com


PARTIE 1

«On croit la police astucieuse, machiavélique, elle est d'une excessive bénignité ; seulement, elle écoute les passions dans leur paroxysme, elle reçoit les délations et garde toutes ses notes. Elle n'est épouvantable que d'un côté. Ce qu'elle fait pour la justice, elle le fait aussi pour la politique. Mais, en politique, elle est aussi cruelle, aussi partiale que feu l'Inquisition.»
Balzac, «Splendeurs et misères des courtisanes»



Depuis «Le Prince»jusqu'à «L'insurrection qui vient», il a beaucoup été écrit sur l'essence du Pouvoir. Nombre d'avisés lecteurs de Marx auront su traquer les moindres roueries consubstantielles du Capitalisme, minutieusement décrire les despotismes les plus exotiques, abondamment gloser sur les totalitarismes les plus nécrosés ; d'autres, depuis Debord, ont commenté l'irrécupérable mauvaiseté de la Société du Spectacle ou, fins connaisseurs de Heidegger, dénoncé le ravage nihiliste, cette ombre portée de l'Arraisonnement de la Technique... Aussi, hormis une ultime poignée de gobe-mouches humanistes intéressés à leur hébétude, personne en âge de méditer n'imagine encore que quelque chose comme la «démocratie» existe, fonctionne, prospère, ni surtout se soucie de lui.

Pourtant, paradoxalement, les personnes «en âge de méditer» se font rare ; dès qu'il s'agit de passer aux travaux pratiques, les chihuahuas contemporains du commentaire géo-politique démontrent à chaque seconde, non seulement leur inculture en matière de domination, mais surtout leur statut de laquais du jour-le-jour, attendant d'avoir lu leur journal du matin pour décider quoi penser l'après-midi... Cette immense débandade des neurones fait en réalité partie du programme. C'est ce que Machiavel, évoquant César Borgia, désignait déjà par «faire tout le peuple demeurer en même temps satisfait et stupide».

Qui saurait expliquer, par exemple, en quoi consiste le CASSETOICONNARDISME? Est-ce une idéologie? Une marque? Une stratégie? Une politique? Un symptôme psychiatrique? Vous aurez beau écouter la radio, regarder la télé, ricaner avec les gagmens et lire les éditoriaux de mass-médiocres patentés, ce nouveau mode de gouvernement vous demeurera un mystère... Inutile de compter sur ce qu'on appelait naguère l'intelligentsia : elle se résume aujourd'hui à quelques stipendiés philosophaux que nul ne se vante plus de lire ni d'écouter - hormis eux-mêmes, gigotant en boucle depuis 30 ans dans tous les organes de diffusion de la vacuité divertissante, jouissant incestueusement de se répartir entre eux l'imposture qu'ils incarnent -, car qui perdrait son temps à les lire, fût-ce pour s'en gausser, ferait de facto la démonstration qu'il ne sait ni lire ni penser.

Inutile de citer des noms : ils sont légion et interchangeables.




PARTIE 2

En contraste à l'amer néant qui domine, il est juste de rendre hommage à Julien Coupat. Julien Coupat s'est exprimé récemment sur notre époque en réponse à un questionnaire journalistique. Dès les premières lignes de ce J'accuse autonome - dès, même, l'indication du respect exigé de ses italiques -, on conçoit que Julien Coupat a du style, de l'humour, de la dignité, d'excellentes lectures, une lucidité puissante, une «fierté tranchante», un tempérament stoïque, et surtout qu'il sait penser en direct ce que le temps nous réserve à tous.

Conséquence tragique de si rares qualités :
Julien Coupat a été emprisonné.

C'est qu'il y a, rageusement planqué de l'autre côté de sa porte de cellule, un garde-chiourme galvanisé, un anti-Julien Coupat qu'une liberté d'esprit si manifeste insupporte personnellement. Inutile de citer son nom, à lui non plus, car cet Ubu-Maton n'est pas tant un nom qu'une norme (il faut être un tantinet confus sur cette grave question biblique de la nomination pour croire le contraire). D'ailleurs le reconnaître n'est pas si compliqué : il se caractérise par plusieurs travers antithétiques des qualités de Julien Coupat : crispation nerveuse, crétinerie intellectuelle, vulgarité langagière, manque de vocabulaire, confusion sophistique, incapacité de se dominer, cynisme névrotique, etc.

Contrairement à ce qu'assènent les mass-médiocres - que le Cassetoiconnardiste fascine et apeure à la fois -, il ne dispose d'aucun pouvoir. Il n'est ni le nouveau Louis XIV, ni Napoléon, grand ou petit... Il n'est même pas ce redoutable potentat aux pieds de qui rampent la Justice, la Police, les Médias et les Syndicats. Ubu-Maton n'a aucun pouvoir autre que de représentation et de jactance. Il est le Clown Consort du Spectacle. S'il trône, c'est au carnaval du caniveau. Car, dans un monde qui s'effondre globalement en tirant sa noire énergie engluante de son écroulement même, aucun individu, aucun lobby, aucun parti ni aucun pays ne dispose plus du Pouvoir. C'est vrai de l'Ubuscule français comme de l'Ubussolinien italien, de l'Ubu-Tsar de Moscou, ou de n'importe laquelle de ces caricaturales Têtes Molles qui règnent sur la planète sans pour autant la gouverner. Si l'Ubu-Dandy de Washington paraît certes le plus sympathique, il ne déroge évidemment pas à la règle. Les différences individuelles sont minimes ; elles tiennent aux coutumes locales et au niveau de rigidité psychologique propre à chacun. Ainsi, là où l'Ubu-Tsar de Moscou fait assassiner tel journaliste critique, l'Ubu-Maton de Paris fait engeôler le révolutionnaire qui, par sa calme invisibilité, défie sa trépignation sans objet de pois sauteur du Mexique... Derrière les divergences - non de méthode, mais de degré -, la même misère humaine sort ses crocs et aboie au vent.

On n'imagine pas à quel point, au sommet cloaquesque de l'Etat, l'infirmité existentielle l'emporte. Ces gens sont de pâles reflets et ils le savent. Hauts fonctionnaires? Non : bas fonctionneurs d'une virtualité planétaire qui se passe très bien de chacun d'entre eux individuellement. Leur «temps de cerveau disponible» (pour citer un Cassetoiconnardiste sans complexe - c'est précisément une caractéristique du Cassetoiconnardisme qu'une telle brutalité puisse s'étaler au grand jour, alors qu'il restait autrefois confiné aux conseils d'administration) est consacré au même souci que celui d'un r.m.iste ou d'un smicard : compter ses sous. Ni plus, ni moins. Ça semble tout con, mais ces gens sont très cons ! Ubu-Maton ne tiendrait pas quinze secondes dans un match de QI face à Julien Coupat. La brutale augmentation de salaire des bas fonctionneurs, à peine parvenus au gouvernement, illustre mieux que tout comme ils sont littéralement payés à ne rien faire. Ils déambulent et papotent pour rien en rêvant de leurs concussions sous les lambris de palais usurpés par de fameux révolutionnaires terroristes il y a quelques trois siècles.

Martin Heidegger - qui songeait pour sa part à ses minables collègues nazis l'accusant de pratiquer un jargon judaïque -, a parfaitement tracé le portrait du Cassetoiconnardiste, qu'il nomme le «fonctionnaire enragé de sa propre médiocrité» :

«Les individus isolés tout comme les cliques d'individus qui, il faut le reconnaître, doivent organiser les manifestations de la dévastation, et faire suivre leur cours à ses conséquences - mais jamais organiser la dévastation elle-même - ne peuvent être, tous autant qu'ils sont, que d'un rang subalterne. Ils sont les fonctionnaires enragés de leur propre médiocrité, telle qu'elle se tient à un niveau plus bas encore que la petitesse et la mesquinerie, une fois ramenées à leurs véritables limites.»


Veut-on un exemple concret des limites du Cassetoiconnardiste ?



PARTIE 3

Veut-on un exemple concret des limites du Cassetoiconnardiste ? Invité il y a un an sur un plateau de télévision à la sortie de «Debord ou la diffraction du temps», j'en profitai pour ridiculiser l'abject «Discours de Dakar». C'était en direct, un vendredi soir. Le lundi matin suivant, je recevais une missive du FISC assurant que j'étais redevable de 6000 euros que j'aurais négligé de déclarer. Il me fallut aller perdre une demi-journée aux Centre des Impôts de mon arrondissement pour qu'une employée constate, s'en étonnant à peine, qu'il s'agissait d'une fausse alerte déclenchée selon elle par une mystérieuse bourde d'un ordinateur du Ministère des Finances...

Ce ne sont là que renvois à peine conscients de Petitesse et Mesquinerie. Ubu-Maton a des obsessions bien autrement tenaces. Ce que l'agité de l'œilleton craint plus que tout, en effet, c'est la véritable agitation déterminée, celle de la rue et des barricades, ce que les amis de Julien Coupat ont nommé, en détournant un titre d'Agamben, «L'insurrection qui vient». «Chaque acte de harcèlement, écrivent les auteurs de cet excellent texte d'inspiration situationniste, ranime cette vérité, énoncée en 1842 : "La vie de l'agent de police est pénible ; sa position au milieu de la société aussi humiliante et méprisée que le crime même... La honte et l'infamie l'enserrent de toutes parts, la société le chasse de son sein, l'isole comme un paria, lui crache son mépris avec sa paie, sans remords, sans regrets, sans pitié... La carte de police qu'il porte dans sa poche est un brevet d'ignominie."»

Or cette insurrection-là ne se voit pas. Pourquoi? Eh bien, comme le démontre glorieusement Julien Coupat, parce qu'il suffit qu'un homme solitaire sache lire et comprendre certains bons livres pour qu'aussitôt ailleurs la lave de la vraie subversion bouillonne et se prépare à jaillir. Tel est l'enseignement qu'on peut tirer de la question du tiqoun, dont on sait qu'elle donna son titre à la revue dirigée autrefois par Julien Coupat. Le Tiqoun, notion de la mystique juive inaugurée par le merveilleux cabaliste Isaac Louria, désigne la «réparation» du monde, mais sur un mode à la fois minutieux et amoral, par une sorte de jeu dialectique avec le Mal qu'il ne s'agit jamais de vaincre, puisque le Mal participe de la Création, mais de contrecarrer épisodiquement. Par l'opération du tiqoun, en effet, laquelle n'est constituée en son fond que de pensée et de prière - elle peut ainsi parfaitement être opérée par un homme isolé dans une cellule de prison...-, c'est la défectuosité de la Création elle-même qu'il s'agit en quelque sorte de rapiécer, rouage par rouage, et, à un niveau encore plus énigmatiquement élevé, c'est ce qui, en Dieu même, a permis que le Monde fût délabré comme un «vase brisé». On est très loin d'un utopisme béat qui aspire à la rédemption du genre humain par un grand crépuscule révolutionnaire !

D'ailleurs, dans la Bible, d'où Isaac Louria l'a tiré, le mot tiqoun correspond au rétablissement, à l'ordonnancement, au redressement, mais toujours, c'est essentiel, pour en nier le parachèvement possible : «Ce qui est courbé ne peut se redresser (litqon dont la racine donne tiqoun) et ce qui manque ne peut être compté.» («Ecclésiaste»I, 15).

On imagine comme Julien Coupat, qui connaît pertinemment le sens le plus haut du tiqoun, se soucie en réalité d'Ubu-Maton. À peu près autant que Marx se souciait de la personne de Louis-Napoléon Bonaparte ou Guy Debord de celle de Giscard ! Il est bien révolu le temps où Napoléon et Goethe s'entretenaient de poésie en 1808 à Erfurt.

«Napoléon dit : les tragédies "appartiennent au passé, à une époque plus sombre. Qu'a-t-on à faire aujourd'hui du destin? Le destin, c'est la politique. Venez à Paris, je vous le demande instamment. Là-bas, la conception du monde est plus vaste."»


C'est Heidegger, en introduction à son Schelling, qui cite cette anecdote. Il commente :

«Et bientôt devait se révéler au grand jour la non-vérité profonde de ce mot que Napoléon avait prononcé à Erfurt devant Goethe : "Le destin, c'est la politique." Non, c'est l'esprit qui est destin, et le destin est esprit. Or l'essence de l'esprit, c'est la liberté.»



Trop bas du plafond pour saisir ce genre de subtilité mystique, Ubu-Maton envoie la police perquisitionner la bibliothèque de Julien Coupat ! Quelle scène ! Un romancier contemporain n'aurait oser l'inventer de peur d'être taxé d'exagération comique ! De même qu'on n'aurait osé imaginer une biographie aussi caricaturalement pathétique que celle d'Ubu-Maton, raté scolaire qui prend sa revanche sur tout ce qui le dépasse, et donc principalement sur qui sait lire.



PARTIE 4

Julien Coupat a beau être la victime directe de ce complexe d'infériorité hystérique, il n'est pas dupe pour autant de son inconsistance : «Le ramassis d'escrocs, écrit-il, d'imposteurs, d'industriels, de financiers et de filles, toute cette cour de Mazarin sous neuroleptiques, de Louis Napoléon en version Disney, de Fouché du dimanche qui pour l'heure tient le pays, manque du plus élémentaire sens dialectique. Chaque pas qu'ils font vers le contrôle de tout les rapproche de leur perte. Chaque nouvelle "victoire" dont ils se flattent répand un peu plus vastement le désir de les voir à leur tour vaincus. Chaque manœuvre par quoi ils se figurent conforter leur pouvoir achève de le rendre haïssable.»

Cette vision imparable de la situation insupporte, on s'en doute, Ubu-Maton, qui gesticule de tics en observant par son œilleton Julien Coupat lire calmement Hegel, Debord, et Agamben. Car autant qu'à son langage de racaille, Ubu-Maton se reconnaît à ses goûts de midinette cinquantenaire : lui lit «Belle-du-Seigneur»et écoute Elvis Presley.

Le Cassetoiconnardiste n'a pas l'habitude d'être méprisé pour ce qu'il est. Il est plutôt coutumier de l'amnésie généralisée qui lui permet, entre mille exemple d'incohérence maffieuse, après avoir annoncé matadoresquement qu'il allait karchériser les cités, de faire décorer des policiers pour le bel exploit de s'y être fait canarder à l'arme lourde et, dès lors, ayant dû battre en retraite, d'avoir en guise de rétorsion emmené au poste un gamin de dix ans pour un vol de vélo. Ubu-Maton est ce flic humilié par son impuissance et Julien Coupat cet enfant qu'on emprisonne sous de faux prétextes. Or l'enfant sait que le moins libre des deux, c'est le Cassetoiconnardiste, l'Ubuscule agité et pervers qui va à sa perte de déshonneur en disqualification.

Tout cela n'est qu'un atome dans le vortex de ce plus ample désastre qu'Heidegger, dans «La parole d'Anaximandre», qualifie «d'abîme du désarroi». On se souvient qu'Ubu-Maton, trop occupé à zyeuter Julien Coupat, affirmait ne pas voir les grèves qui se déroulent dans son pays. Commentaire de Heidegger :

«On peut bien essayer, devant cet abîme, de fermer les yeux. On peut ériger trompe-l'œil après trompe-l'œil, l'un derrière l'autre. L'abîme est toujours là.»




par Stéphane Zagdanski









Un spectre hante l’Europe…






Par Benjamin épicier-ter... sur www.mediapart.fr


"Il y a eu mille petits soulèvements, et tout cela fait une seule guerre, incessante entre nous-même et nos esclaves, une guerre silencieuse, une guerre honteuse dont personne ne parle et dont les historiens répugnent à faire le récit.Il y a déjà eu des guerres entre nations, entre cités, entre partis et même entre frères... mais cette foi c'est un monstre qui est en nous, dans nos tripes, et qui lutte contre tous les partis, toutes les nations, toutes les villes."

in Spartacus, Howard Fast (Cicero à Helena à propos du mystère de la révolte des esclaves).


« Julien Coupat » libéré, c’est un point de focalisation de l’attention publique qui se défait… personne ne s’en plaindra à commencer par lui qui pourra peut-être ainsi espérer se défaire du costume absurde que tant de bonnes âmes se sont efforcées de lui tailler.


Il n’a pas manqué de chroniqueurs en mal d’inspiration, de pseudo-journalistes en peine de scoops crapuleux pour boucler leurs fins de mois… Tout aura une nouvelle fois été convoqué depuis sa libération surprise. Tout. Le vieux fond poujado-frustré de certains journalistes de la presse d’opinion, tant en vogue sous le régime présent, n’aura pas manqué d’écrire parmi ses plus belles pages à notre propos. Il y a quelques semaines encore, certains reporters détritivores ont su lécher les mains des enquêteurs jusqu’à obtenir quelques « révélations exclusives » toutes droit sorties des archives secret-défense de la DCRI, doublant ensuite de leurs propres mensonges, les approximations et les amalgames grossiers des « agents des services » en goguette dans la campagne limousine. Et on aura aussi eu droit aux voix souffreteuse de certains épigones de la chronique journalistique et à leurs ratiocinations sur l’irresponsabilité de toute pensée qui n’épargne pas l’ambiance surannée de nos vieilles démocraties.

On nous parle d’ « argent » en « contradiction avec (nos) propres idées », de « fils à papa qui n’assument rien », d’intellectuels « pas sympathiques », « pédants », ou manquant sérieusement d’ « originalité », ou bien encore qui ne « proposent rien » (en effet nous ne voulons pas offrir de programme à un quelconque suffrage…). Au delà de nous accuser de ne pas assumer « nos idées », on ose même nous reprocher, à nous, de faire trop debruit, quand tant d’autres moins « biens nés » et moins bien entourés sont interpellés, tabassés, enfermés en silence…

Je ne m’arrêterai pas sur chacun de ces morceaux de bravoure, ils valent à peine l’énergie que demande leur lecture.

Ce dont il importe de parler à la suite de cette libération inopinée, ce n’est rien d’autre que ce que nous nous sommes efforcés de mettre en avant envers et contre toute focalisation exclusive sur le personnage « Julien Coupat », ou sur celui de « la bande de Tarnac ». Si toute cette foire doit avoir servi à quelque chose c’està retourner l’opération de communication du pouvoir contre son principe même. Mais comment ?

L’opération de sidération permanente qui est au cœur du style de gouvernement sarkosyste, sans être elle-même particulièrement novatrice sinon efficace, repose sur la stigmatisation de populations cibles qui sont désignées comme l’autre absolu du cœur virtuel de la « citoyenneté républicaine ». Ce cœur virtuel sans qu’il soit jamais désigné comme tel est sans conteste blanc, européen, chrétien, entrepreneur, respectueux des lois, de la propriété et de l’argent. Il n’est évidemment plus de bon ton de le scander tout haut, même si on semble s’en cacher de moins en moins. Cette identité se dit donc en creux, au fil des figures qui sont désignées comme son opposé, ses « ennemis intérieurs », on renouvelle bien le vocabulaire, moins les principes… il y a eu le « juif », « l’anarchiste », « le rital », « le blouson noir », « le fellaga », il y a aujourd’hui les « bandes de jeunes de cité », les « noirs et les arabes », les « clandestins », les « islamistes », les « anarcho-autonomes », les « pirates », les « étudiants ultras », les « grévistes-voyous ».

Ces « figures » ne fonctionnent que tant qu’elles restent irrémédiablement séparées dans l’imaginaire collectif. Au delà de l’entreprise de terreur (ou d’ « intimidation » selon l’interprétation qu’on fait des textes européens) menée par le pouvoir pour maintenir en état de sidération l’ensemble de la population, ce que craignent les réseaux de pouvoir -sans lesquels Sarkozy n’est rien- c’est bien que l’hétérogénéité (réelle) des ennemis de l’état des chose présent, ne se constitue en puissance consciente de renversement. Non pas un quelconque revival du grand soir mais la constitution en des points divers de nouages qui alimentent une intelligence collective diffuse et constituent positivement les forces capables de survivre au délitement des formes politiques existantes. Les mots pour dire ces forces sont pléthore. Ou bien manquent encore cruellement. Ils sont au mieux ceux du passé, au pire ceux du pouvoir, de l’occident globalisé. Abstenons nous de vouloir épingler ces forces à notre tour.

Ces forces que l’on sent palpables au détour de chaque tour dans les quartiers populaires, de chaque cafétéria de grande banlieue, dans les facs bloquées, les usines occupées, les foyers Sonacotra, les villages qui résistent à la touristification, les anciennes colonies, les hôpitaux psychiatriques… partout où la force des choses, la colère ou le bon sens mènent les uns et les autres à sentir ce qui les distingue radicalement de la figure du « bon citoyen » (français ou européen qu’importe)… au nom duquel on surveille, on « sécurise », on ment, on tabasse, on extorque, on vend des armes, des centrales nucléaires, on exploite, on acculture, on affame, on rend stérile, on expulse, on enferme, on tue.

Ce que l’on veut conjurer par dessus tout c’est le spectre du soulèvement. Lent, progressif, par saccades mais soulèvement bien réel, de ce qu’on finira bien un jour par devoir re-nommer « peuple ». Pas celui dont on se réclame mais bien celui qui partout, tout le temps, échappe à la normalisation et au contrôle, surgit là où ne l’attend plus.



vendredi 5 juin 2009

Ici et là, en un mol et confus consensus





Par Pierre Marcelle, paru dans Libération le 05 juin 09

Alliot-Marie en bafouillant

Quand, l’autre jeudi, au terme, si je compte bien, de cent quatre-vingt dix-sept jours d’incarcération, Julien Coupat quitta la prison de la Santé, le sentiment général - tel du moins que la presse le restitua (à moins qu’il fût surtout celui de gens de presse) - fut d’un lâche soulagement. Comme si une si longue détention et le régimede facto extrêmement strict de son contrôle judiciaire, ce n’était rien.

Pourtant, la ministre qui parle (Alliot-Marie) ni celle qui se tait (Dati) n’auront su se défaire de cette contradiction: soit Coupat reste un présumé «terroriste» et il ne convenait pas de le libérer, soit le dossier reste aussi vide qu’au premier jour, et il ne convenait pas de l’embastiller. Place Beauvau, la préposée au rendement sécuritaire fait à peine sourire en bafouillant une «séparation des pouvoirs»dans une langue de bois dont on fait des pipeaux, mais, faute de contradicteurs (ils étaient occupés, paraît-il, à préparer un scrutin européen, ou à la messe, pour communier dans la déploration d’un accident aérien), le bon vieil adage selon lequel «il n’y a pas de fumée sans feu» fait son sale office. Et c’est tout juste si la spectaculaire sortie de geôle de Coupat «en catimini et par une porte dérobée» (les journaux), ne lui sera pas comptée à charge…

Selon les moins malveillants des plumitifs de la place, le terme de sa détention constituerait une «victoire» pour la démocratie. Avec des victoires comme celle-là, apprêtons-nous à subir longtemps encore l’arbitraire judiciaire et policier.


Julien Coupat en «pas sympa»

C’est que, murmure une doxa très médiatique, Coupat ne serait pas «sympathique». Assurément ! On dit que le capitaine Dreyfus ne l’était pas non plus. Circonstance aggravante, Coupat est un «intellectuel» Depuis bien avant que l’homme qui gausse la Princesse de Clèves ne devienne chef de l’Etat, le terme est perçu comme dépréciatif. Sous lui, il est quasiment infamant. Pire : Coupat, qui parle quatre langues, n’entretient pas, pour les conversations avec les journalistes, un goût immodéré ; son étude est austère, et «opaque, secrète, hautaine» (1), l’aventure intellectuelle qui, via la revue Tiqqun, structura à l’orée du siècle sa réflexion.

Car c’est bien dans Tiqqun que, dès 2001, s’en énonçait l’essentiel : qu’«il suffit de peu de choses pour être identifié par les citoyens anémiés de l’Empire comme un suspect, un individu à risque». Autre façon de décliner la réponse que fit à ses accusateurs un jeune communiste arrêté durant la guerre d’Espagne (cité en avril, à propos de «l’affaire Tarnac», par le philosophe Giorgio Agamben) : «Je n’ai jamais été un terroriste, mais ce que vous croyez qu’un terroriste est, je le suis.»


Les salariés de Continental en «Conti»

Amère victoire, donc, que cette «libération» de Coupat. A fortiori à l’heure où, sur le même mode d’un moindre mal qui prétend se faire passer pour un bien, s’évoque la «victoire» des licenciés de l’entreprise Continental de Clairvoix - «les Conti», comme on dit, sans seulement se rendre compte (veux-je croire) que, ce faisant, on réduit l’identité de l’exploité à l’appellation sociale de l’exploiteur.

Le site fermera en 2011, mais les 1 120 salariés qu’il laissera sur le carreau ont arraché une prime «extralégale» de 50 000 euros par tête de mort. J’aime énormément cette formulation de prime «extralégale». Elle signifie, à l’évidence, que les actionnaires qui la leur verseront le feront hors la loi ou les conventions régissant l’accompagnement des licenciements, fermetures de site, délocalisations, etc.

Il va sans dire que, plus que jamais depuis que le capitalisme a été «moralisé», les dividendes desdits actionnaires n’ont jamais été aussi «légaux».


Guy Môquet en éternel retour

Presque deux années qu’il n’en finit pas, le calvaire judiciaire de Maria Vuillet qui, depuis qu’elle manifesta, à l’automne 2007, contre la récupération mémorielle, par le sarkozysme triomphant, du jeune fusillé communiste Guy Môquet, voit contre elle s’acharner le Parquet. Relaxée l’an passé du chef d’outrage contre le préfet Lacave, elle a vu, le 10 avril, la cour d’appel ne pas se prononcer au fond, et convoquer le policier dont le procès-verbal établit en première instance que le préfet plaignant avait faussement témoigné. Mercredi, l’avocat général, arguant d’une «mauvaise appréciation» du tribunal, a réclamé, de Maria Vuillet, l’infirmation de sa relaxe, et à elle, 1 000 euros d’amende. Délibéré au 9 septembre.



(1) Ces mots et l’essentiel des informations et citations qui suivent, relatives à la pensée théorique de Coupat, sont tirés de l’enquête publiée dans le Nouvel Observateur du 23 mai, et intitulée «Quand Julien Coupat animait Tiqqun». Sans doute le papier le plus consistant qu’il nous ait été donné de lire sur «l’affaire» depuis son avènement.





Ingénierie sociale et mondialisation

Paru le 30 mai 2009 sur www.legrandsoir.info
par Comité invisible









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jeudi 4 juin 2009

Plateau insoumis

Paru sur Le jura libertaire, le 03 juin 2009






Nous reproduisons ici un texte écrit sur le plateau de Millevaches par des membres du comité de soutien aux inculpés du 11 novembre.

C’était juste à la tombée du soir, une file de voitures stationnées courait le long de la rue principale, reliant la nouvelle mairie à l’ancienne, aujourd’hui transformée en salle des fêtes. De mémoire de Tarnacois, cela faisait longtemps qu’on n’avait pas connu de tels problèmes de stationnements dans le bourg. Peut-être lors d’anciens bals, certaines nuits d’août. Mais ce soir, les cœurs ne sont pas à la fête. Tous sont venus, du médecin au paysan, tous qui hier, bloqués chez eux, n’avaient pour seules nouvelles que les grotesques dépêches de la télé. Certains étaient déjà là hier soir, lorsque l’épicerie avait ré-ouvert, pour glaner quelques renseignements, ou le long de la tournée du camion-épicerie qui avait finalement eu lieu en fin de journée.

Beaucoup de doutes. Que penseraient les uns, les autres, quelles seraient les conséquences ? Qu’est-il possible de faire ? Derrière le rideau de journalistes évincés qui piétinaient à l’extérieur, une salle pleine à craquer. La gorge nouée, les yeux cernés.

Après la lecture d’une courte lettre, l’ancien épicier est le premier à briser le silence, il se lève : «Ce que j’ai à dire, ça va pas plaire à tout le monde.» Et se tournant vers une partie de l’assemblée : «Y a des gens qui en profitent pour cracher sur les jeunes, ça c’est dégueulasse, ces jeunes-là, ils ont beaucoup fait pour le village» ; et d’énumérer : la reprise du comité des fêtes, de l’épicerie… avant de s’interrompre dans ses propres larmes. Un autre reprend, plus véhément : «De toutes façons, on est avec vous, on s’en fout de ce qui se dit, on vous connaît, on vous soutiendra jusqu’au bout.» Une colère commune s’exprime, loin des questions de culpabilité ou d’innocence.

Une vieille dame chiraquienne se veut prévenante : «Mais les jeunes, s’il vous arrive ça, c’est que vous êtes infiltrés, il faut vous protéger, avoir des codes, des signes de reconnaissance.» Quelques têtes grisonnantes qui fleurent bon la bourgeoisie parisienne sont prises à partie. Un peu frileux, l’adjoint au maire tient à préciser qu’il n’était pas au courant, qu’il trouve ces méthodes scandaleuses. Au fil des mots, des corps, une opération qui voulait rendre les victimes effrayantes est renversée. Un pli est pris, soutien inconditionnel qui ne s’est pas démenti depuis.

Lors des réunions suivantes, cette vigueur ancrée dans une vie quotidienne partagée sera petit à petit étouffée par la gangue militante, par un formalisme inadéquat. Mais elle demeurera ailleurs, terreau, sensibilité souterraine qui donnera l’élan décisif au soutien sur le plateau, chaque fois qu’il le faudra.



Faire consister les territoires

Le plateau n’est pas la Corse. Pas de frontières ou identité rigide qui viendraient circonscrire un territoire précis. On n’occupe pas militairement un espace sensible. On n’enclave pas un sentiment diffus, pas plus qu’on ne l’expose ; aussitôt saisi, il s’envole. Il a filé entre les doigts épais du ministère de l’Intérieur, entre ceux crochus des médias, comme de tout ce qui cherche à en dessiner les contours. Il s’exprime un temps dans le comité de soutien, affirmant qu’il préfère «croire ce qu’il vit plutôt que ce que dit la télé». Mais son âme de déserteur se joue des cadres, à peine l’enferme-t-on qu’il s’évade, et le soutien est déjà hors du comité. Il emprunte les figures les plus diverses. En marge des réunions, un vieux paysan débat de la condition carcérale avec un libraire parisien, un ancien stalinien s’excuse d’un certain passé auprès d’un espagnol de la FAI. Des manières denses d’être au monde, qui s’entrechoquent, se frottent, cessent de s’ignorer, déployant ainsi toute leur profondeur. La force de ce territoire, comme de tout maquis, s’est puisée dans ces irruptions qui cassent l’hostilité habituelle et trouvent dans le partage ou le conflit ouvert l’énergie pour partir au combat.

Le passé se réactive : la désertion dans la guerre d’Algérie, les maquis, le communisme rural après la Grande Guerre… Ceux qui les ont vécus sont là et partagent à profusion leurs expériences. Dans ce frottement des héritages et de l’actualité s’enrichit l’imaginaire commun, et s’affirme un caractère résolument pragmatique. On répond d’abord aux nécessités les plus urgentes : avocats, argent, témoignages de moralité, constitution de dossier béton pour les remises en liberté… Puis une prolifération de moyens sont déployés dans une intense campagne de soutien : bulletin d’information, organisation de repas et de concerts, manifestations et discussions… qui permettra notamment la remise en liberté de huit des neuf inculpés.

Cette campagne suscitera très vite de nombreux échos partout en France et dans le monde. La cinquantaine de comités formeront autant de caisses de résonance qui donneront au soutien toute son ampleur. Tacitement, sans parfois même s’être rencontrés, les gestes se répondent d’un endroit à l’autre, se répandent et s’amplifient, avec leurs spécificités culturelles. Pendant qu’à Alès l’association Kokopelli offre à la jeunesse rebelle de France un quart des places de ses stages agricoles, en Grèce c’est l’agence AFP, grand vecteur de calomnie à propos de l’affaire, qui est prise pour cible au moyen d’explosifs. D’où que cela vienne, d’un comité ou pas, il y a une écoute de ce qui est fait et dit, une attention, une recherche des gestes justes. Ni fédérative, ni hiérarchique, une forme implicite de coordination s’est saisie de cette expérience du 11 novembre pour la porter bien au-delà, grâce à sa capacité à matérialiser la révolte là où elle est : partout. Reste, une fois la temporalité de la campagne de soutien devenue caduque, à trouver sur quels rythmes cette énergie commune peut continuer à fuser.

Soutenir comme se tenir les uns les autres

À Bruxelles, il se dit que : «C’est parce qu’ils sont ouvertement en lutte que nous soutenons les inculpés du 11 novembre. Ce n’est que depuis une révolte que l’on peut être réellement solidaire d’une autre : c’est depuis la force que nous constituons à notre tour que nous nous déclarons solidaires.» Être manifestement en lutte ne signifie pas forcément prendre les armes, mais développer la capacité d’habiter cette époque tout en agissant résolument contre elle, trouver un équilibre dans ce paradoxe apparent, depuis la modernité, avec ses moyens, ses outils. Parce qu’un autre monde «en-dehors» n’est pas possible, nous le voyons bien. Si les jeunes de Tarnac formaient un groupuscule retranché ou une communauté comme celles des années soixante-dix, aucune solidarité ne serait apparue. La situation actuelle fait donc échec à la fois à la clandestinité armée et aux perspectives autarciques. Tout le monde est aujourd’hui de plus en plus obligé de se mouvoir dans des activités «respectables», desquelles chacun se sent souvent profondément étranger. Faire l’avocat, travailler dans un hôpital, animer un groupe de danses folkloriques, donner ou suivre des cours à l’université… L’enjeu d’une résistance devient dès lors en même temps de subvertir au jour le jour l’hostilité de ces formes pour se les rendre supportables, et en même temps d’acquérir la faculté de les mettre ponctuellement à disposition pour un usage radicalement autre. Ne pas se perdre, ne pas être contaminé par la tristesse du quotidien des années 2000 réclame une consistance éthique qui ne perdure qu’en se tenant les uns les autres, attentifs. Tenir le cap quand les cadences du travail salarié font tourner la tête, quand la passion d’une terre que l’on cultive se change en sentiment de propriété, quand l’amour de l’art devient une petite niche dont on s’accommode… Et lorsque les limites prennent le dessus sur les possibles, il incombe d’abandonner ces formes.

Soutenir veut dès aujourd’hui dire renforcer des bases communes, piliers des territoires de demain, tout en travaillant en permanence le sens qui y est donné. Car des coups comme ceux de Tarnac se sont déjà produits et se produiront encore et il n’est pas question de les subir en étant toujours aussi démunis.



Un entretien avec un membre du comité de soutien de Tarnac




Comment vous expliqueriez le soutien de la population du village ?

Je crois en fait que c’est une erreur de dire que la population les soutient, puisque, on l’a vu le 11, c’est tout le village qui a été bouclé. Donc, c’est une réaction collective face à quelque chose qui a été vécu ensemble. Pas avec les mêmes conséquences j’en conviens, mais quand même. Ce qu’il y a de fort justement c’est qu’il n’y a pas eu eux d’un côté et les habitants de l’autre. Tout le monde s’est directement senti concerné. Il faut pas oublier qu’ici les pensées rebelles, elles ont connu de belles années ! L’idée de soviet elle est sans doute restée plus présente ici qu’en URSS !

Peut-on parler de territoire à propos du plateau de Millevaches ?

Le territoire on en a surtout beaucoup parlé ces derniers temps avec toutes ces histoires de Parc Naturel Régional, et là il y a vraiment une confusion. On voudrait nous faire croire qu’on peut créer un pays de l’extérieur, parce que maintenant c’est à la mode «le local». Mais si vous regardez tout ce qui fait ce parc, c’est des caricatures ! Le veau sous la mère, les centres d’art contemporain, les tourbières… bon je dis pas que ça n’existe pas, bien sûr. Mais c’est vraiment que deux, trois images qui sautent aux yeux des parisiens. C’est pas un territoire ça ! C’est juste bon pour les panneaux au bord de leurs autoroutes. Le vrai territoire, c’est le nôtre, le village, les champs autour, ce café, ces rues, c’est Pierrot là, qui tient le comptoir depuis qu’il est tout petit… Non sérieusement, je crois que ces histoires c’est vraiment… pour éviter qu’on se débrouille sans eux quoi.

L’antiterrorisme à Tarnac, ça vous fait quoi ?

Ici, il y a pas vraiment de problèmes avec la police, d’ailleurs c’est les gendarmes. Faut dire qu’on les voyait pas très souvent. Mais cette manière qu’ils ont eue de venir là avec leurs chiens, leurs hélicos, leurs cagoules… non vraiment on a plutôt l’impression que c’est eux les bandits. Ils ont défoncé des portes de gens qui n’avaient même rien à voir avec les jeunes du Goutailloux. Moi je trouve ça fou qu’ils puissent venir comme ça n’importe où, faire ce qu’ils veulent. Et pour tout vous dire, je les ai trouvés bien calmes les jeunes. Moi à leur place je sais pas si… Enfin toujours est-il que du coup aujourd’hui presque un jour sur deux ils sont sur la place. À faire souffler dans le ballon ou pour les ceintures, quand c’est pas les voitures banalisées qui tournent le soir. C’est sûr que ça nous fait un sacré changement.

Comment envisagez-vous la suite avec le comité de soutien?

C’est compliqué, le comité de soutien de Tarnac il a fait tout ce qu’il a pu, sur différents modes, il y a eu les manifestations, les témoignages de moralité, les demandes de mise en liberté et là on est un peu, un peu dans l’expectative. Moi l’impression que j’ai, c’est qu’il faudrait jouer sur ce qui est à notre portée. Les Tarnacois, c’est pas eux qui feront évader Julien ! Mais les autres déjà, on pourrait gagner qu’ils reviennent ici, qu’ils puissent se revoir, vivre à nouveau comme avant sans avoir cette menace du procès au-dessus de leur tête, mais faut se remuer parce que les gens qui sont mobilisés, si ça reste trop longtemps comme ça, ils vont s’assoupir je pense.
(...)

Rebetiko no 1, printemps 2009
Chants de la plèbe.